Définitif :
La vie des élèves pensionnaires au Lycée Champollion dans les années soixante, dur dur, c’était un petit avant goût de service militaire pour ceux qui avaient la chance de ne pas atterrir dans les paras !
Voici l’équipe de cross-country du lycée Champollion en 1969-1970.
C’était déjà un peu plus cool du point de vue de la discipline.
Nous avions été champions d’Académie puis sélectionnés pour les championnats de France universitaires.
Je reconnais sur la photo Pierre Roura, Chaussade et moi déjà avec un maillot de cyclisme Peugeot sur le dos. Je devais sûrement avoir, ce jour là, mon vélo pas très loin !
En 1967 1968 les cheveux longs étaient à la mode suite aux élucubrations d’Antoine…mais Arnal, Couraide, Cure et Cazard préféraient que l’on ait les idées longues!
À cette époque j’étais pensionnaire
et il régnait au sein du lycée une discipline d’enfer, qu’il ne faut surtout pas confondre avec celle de fer, bien moins rigide !
On devait sortir en week-end cravatés et celui qui oubliait suite à une grave inattention de revêtir cet ornement vestimentaire était contraint à un demi-tour dès que possible! Il était gratifié de deux jours de colle entre les murs de l’établissement. En prime il se voyait interdit de sortie en ville le mercredi après-midi qui suivait ! Bien entendu seuls les lycéens qui avaient par chance un correspondant sur Figeac pouvaient se promener en ville ce jour là !
Le règlement rigide était truffé de conditions sine qua non !
Heureusement, pour nos parents le prix de la pension n’en était pas plus élevé !
Le lourd portail ne s’ouvrait pas sur la liberté facilement comme vous pouvez le constater !
Le même sort guettait le pauvre collégien qui n’était pas apte à donner les dates de naissance et de décès de l’illustrissime Jean François Champollion lorsqu’il était stoppé dans son élan bien légitime par un surveillant à une encablure du monde libre.
Il était alors sanctionné sur-le-champ
de deux jours de retenue afin qu’il puisse apprendre et retenir ces deux précieuses et essentielles dates relatives au premier souffle et au dernier râle du déchiffreur de hiéroglyphes.
Nous dormions au cinquième étage et c’était dans un long chemin de croix que l’on regagnait nos lits. Les deux gardes de service à peine plus âgés que nous, stoppaient notre ascension à chaque étage pendant deux à trois minutes et au moindre bruit un pauvre pensionnaire pris au hasard dans le secteur du délit était invité à passer la fin de semaine au lycée.
L’escalier débouchait sur un immense dortoir d’une soixantaine de lits, plus peut-être? Ils étaient positionnés à droite et à gauche d’une large allée. Des lavabos sans eau chaude
et des toilettes apportaient un peu de confort à ce lieu de repos. Au bout de ce couloir central masqué par de larges rideaux se trouvait la piaule du jeune pion.
Le dortoir 52 était celui des garçons, il me semble que les filles étaient installées au 31, il m’est difficile de me le remémorer!
Tout ceci est très loin, évidemment les lieux de sommeil n’étaient pas mixtes !
Parfois une tentative presque désespérée était au programme d’un très courageux pour rejoindre son aimée, mais hélas le
veilleur de nuit semblable à une chauve souris agitée se baladait dans une ronde infernale dans les sombres corridors et malheur à celui qui se faisait prendre!
L’exclusion définitive du lycée était à la clé d’une telle pulsion sentimentale, le conseil de discipline ne rigolait pas avec les plus téméraires mais vous savez comme moi que l’amour est capable de nous transcender au point de nous faire oublier la peur et puis il y avait cette montée d’adrénaline très excitante.
Les sanctions pleuvaient, comme je viens de vous l’expliquer, nous en avions parfois deux ou trois en retard, c’est-à-dire qu’entre deux vacances principales on ne voyait pratiquement jamais notre famille.
Je me suis toujours demandé ce qui aurait pu se passer en cas d’incendie, les normes de sécurité étaient plus que sommaires !
Enfin, les miracles se produisent parfois, je vous en donne la preuve formelle !
Blouses grises et bleues pour les garçons, roses et bleues pour les filles.
Bref, c’était le bon temps comme se plaisent à dire les bien plus jeunes que nous aujourd’hui !
Être dans l’équipe de cross ou d’athlétisme nous permettait de pouvoir sortir de l’enclave du lycée au moins le mercredi lorsqu’on avait une sanction en retard.
Cependant, de temps en temps, les prisonniers du week-end pouvaient prendre le chemin ô combien bucolique du Cingle !
C’était une récompense qui conduisait à une petite bouffée d’air libre, l’esprit pouvait ainsi prendre de la hauteur et rêver de jours meilleurs.
Je n’ai pas le souvenir d’avoir tdragué les filles dans la cour, cela me parait étrange me connaissant, peut-être étions nous sur nos garde encore une fois par rapport au régime disciplinaire en vigueur !
Le réfectoire était au rez-de-chaussée, les salles de classes au-dessus pour certaines, et nous savions par avance ce qui allait nous être servi à midi et le soir grâce aux odeurs qui montaient généreusement vers nous en nous chatouillant les narines !
Le jour des frites était le bienvenu un vrai jour de fête !
La choucroute était accompagnée d’une carafe de bière, et nous avions droit à une bouteille de vin rouge pour huit élèves.
Moyennant un arrangement avec les tables
attenantes j’ai pris ma première cuite au lycée!
Le prof de français, qui m’avait en amitié, a eu la bonne idée de me faire lire un court passage de l’Assommoir du regretté Émile Zola!
L’intuition sûrement ! Il se demanda rapidement qui était le plus assommé de l’histoire cette après-midi là!
Je n’ai pas eu à souffler dans l’alcootest heureusement, malgré une navigation très douteuse entre les lignes!
Je me remémore le soir où j’avais été "saqué !" En d’autres termes, je n’avais plus droit qu’à une très pauvre ration du nectar tant attendu !
Nous avions un protocole bien établi.
Nous faisions tourner un verre et celui qui se trouvait en face de l’ouverture était la victime désignée de la soirée.
Ce jour-là, le verre en question s’était positionné entre moi et un autre pensionnaire.
Logiquement on aurait dû rejouer la partie entre nous deux!
Ce ne fut pas le cas et le litige tourna en ma défaveur suite à une mauvaise foi évidente.
Face à cette flagrante injustice, j’ai raclé le fond du plat et j’ai réussi à remplir une cuillère de fromage blanc fouetté que j’ai expédié sur la tronche de celui qui avait refusé d’admettre l’évidence.
C’est à cet instant précis que j’ai senti une main se poser sur mon épaule. C’était celle du surveillant général Arnal que l’on surnommait : Couraide ! Il donnait l’impression de déambuler avec sa tête solidement fixée à un balai au dos de sa vieille carcasse!
Sans hésiter, il prononça ces saintes paroles : « Marcouly tu resteras avec nous ce week-end !»
Depuis j’éprouve une certaine réticence à déguster du fromage blanc fouetté !
Ce réfectoire servait également de permanence, je me remémore la capture des grosses mouches. Grâce à un fil d’une blouse et à une gestuelle parfaite, on arrivait à attacher un minuscule bout de papier à une de leur patte et on les libérait ainsi…Vous avouerez qu’il en fallait peu pour nous faire rire!
Une barre de chocolat noir à cinq heures et un morceau de pain, et nous montions en étude pour deux heures studieuses dans un calme encore surprenant.
Voilà pour résumer sommairement la vie des lycéens à "Champo" cela nous donnait un petit avant goût d’armée !
Je suppose qu’aujourd’hui nos enfants ne connaissent pas cette sévérité ?
Mais peut-être avez-vous des bons souvenirs, aussi à vos plumes !
Allez un dernier souvenir !
Un pion particulièrement doué en 1967 ( 4 licences en poche) qui avait élu domicile dans le camping municipal, a posé cette question osée au principal lors de son recrutement : « Les dortoirs sont ils mixtes ?»
Un soir où nous étions à l’étude avec lui, et où, pour une fois il y avait beaucoup d’agitation, Cure alerté par le bruit pointa rapidement le bout de son nez à la porte : «que se passe t-il ici !»
Le pion sans se démonter une seconde lui rétorqua : « Rien, j’étais simplement en train de leur faire un cours d’espagnol en anglais !».
Nos rires résonnent sûrement encore dans la salle d’étude N 113 !
Une dernière petite anecdote me revient.
Lorsque j’ai mis les pieds pour la première fois dans l’enclave du lycée au mois de septembre 1967 j’avais en tête en milieu de semaine, de pouvoir assister aux fiançailles de mon frère aîné. Hélas n’ayant pas prévu d’amener un mot spécifiant que je sortirais le samedi , alors que la rentrée scolaire avait eu lieu en cours de semaine je n’ai pas pu assister à cette fête familiale.
Mon frère est pourtant venu pour essayer de me libérer mais, après son intervention le surveillant général Cure, un psychorigide sans égal, a simplement dit en me regardant : « Mon pauvre ami, il fallait que tu aies cette autorisation en poche en temps voulu , tu resteras donc avec nous dimanche !».
C’est ainsi que j’ai commencé ma cure au
lycée, et croyez-moi je n’en avais pas cure!
Voici l, pour terminer deux ou trois témoignages d’élèves suite à mon écrit :
Pour les filles blouses roses et bleu clair. Demi -pensionnaire il fallait montrer une serviette de table propre le lundi et pour nous en 67 il y avait des barrières dans la cour pour séparer les filles des garçons !
L’Education nationale vous le voyez ne prenait absolument aucun risque !
Salut, Maurice, et encore bravo pour tes chroniques si intéressantes et joliment rédigées. Celle-ci me concerne également car je viens de réaliser pourquoi le nom de Marcouly me disait "quelque chose"! "Mais oui, mais c'est bien sûr", comme disait le commissaire Bourrel! Dans ma classe de Philo-Lettres de 1966-67, il y avait un camarade du nom de Denis Marcouly, ton frère sans doute. Et la photo du prof de philo Pierre Bugat, je l'avais aussi publiée car j'y suis, sous le bras levé de Christian Daynac, en train de rigoler devant l'audace de Jean-François Foucaud qui fait le pitre sur le bureau professoral. Avant 1968, les filles ne rejoignaient le lycée Champollion qu'en Terminale, et les blouses roses et bleues étaient encore de rigueur. Et gare à nous si on se trompait, ça ne rigolait pas avec
"Couraide"! Encore moins avec les aventures amoureuses! Il y en avait eu une entre deux de nos camarades, Marie-José et Jean-Louis, qui s'étaient retrouvés à l'hôtel. Scandale à l'époque qui leur avait valu une sanction, mais je ne sais plus laquelle....