Ça y est, j’ai tout
Si la possession est une course, j’arrive au bout
Avec assez de liquide pour noyer toute concurrence
J’ai tout
Si l’argent c’est du temps, j’ai plusieurs vies autour du cou
Et ma poche a des airs de fontaine de jouvence
J’ai tout, car je peux tout acheter
Le sophistiqué, le raffiné
Le paradoxal, l’excentrique, l’esthétique
Tout a un prix d’achat immédiat
Même les gens
Je n’ai qu’à claquer des doigts
Pour qu’ils s’alignent devant moi
Comme les zéros sur mes chèques de fin de mois
J’ai dû transpirer pour arriver jusqu’ici
Aiguiser mes dents
Traquer l’argent sans répit
Je voulais saigner le monde, rien n’était suffisant
Sans merci
Maintenant j’ai tout, j’ai réussi
Comme chaque jour je regarde autour
Pour scruter mon empire terni
Mais aujourd’hui je suis pris de court
Giflé
Par la réalité
Réalité du superflu
D’un confort inutile qui ne m’amuse plus
Du vide de ces soirées privées
Où l’on parle de contacts plus que d’amitié
Gens ennuyeux car ennuyés
Qui savent pas quoi faire à part compter leur fric
Et se balader dans des costards qui coûtent plusieurs smics
Réalité
Des amitiés faussées
Flétries par l’avidité
Le sourire mielleux des hypocrites envieux
Aux crânes bourrés d’arrières pensées
Malgré eux
Qui me collent aux basques pour me vampiriser
Réalité
D’un amour intéressé
Comme les dix précédents
Trop évident
Depuis l’envers du mirage
C’est mon compte bancaire qu’on demande en mariage
Réalité,
Même avec ma famille parfois c’est compliqué
Je sens la convoitise qui s’immisce
Et la jalousie sur ses pas
Je leur parle pas du compte en Suisse
Car ils sont pires que l’état
Quand il s’agit de taxer
Réalité,
Dans mes draps de soie griffés
Je passe mes nuits à me retourner
Le cœur éventré
Et l’œil grand ouvert, sous l’emprise
De pensées criant ma méprise
Réalité,
Tu m’as appris à mes dépends
Que la libération de naîtrait pas de mes dépenses
C’est une ascèse qui germe d’un effort en soi
Elle est dans l’être, pas dans la voie
Contemplant le tapis rouge désertique
Sur lequel ma vie repose
Mon esprit dérive, nostalgique
Vers un temps où j’avais les mains libres,
L’œil vibrant d’un éclat passionné,
Et les lèvres colorées de sincérité
On m’avait donné
La douce simplicité d’un ciel aux couleurs pures
Et j’ai cru bon de la troquer
Contre une grêle d’or dur
Séduit par une erreur qui ne pardonne pas
Vie desséchée
Je réalise comme l’argent est ingrat
Car lui ne m’a pas épargné
Écrit en janvier 2019