Vive la politique sociale du grand Charles!
Le centre hélio-marin à deux pas de l’océan, le Pearl Harbor Français des pauvres au début des années soixante…le paradis des riches
?
Centre hélio-marin de Biarritz : "La science et la conscience au service de l’enfance".
Voilà les mots que l’on pouvait lire sur le petit fascicule de présentation de l’établissement !
Mon devoir d’homme vieillissant m’oblige à vous raconter ce que fut au début de la cinquième République la souffrance de certains enfants placés dans le centre hélio -marin de Biarritz.
Les plus jeunes étaient âgés de deux à six ans, les plus âgés de sept à douze ans.
Ces petites âmes innocentes étaient au sein de cet établissement dans un but précis, celui de prendre du poids.
La fondation agréée par le ministère de la santé paraissait bien belle vue de l’extérieur, malheur au pauvre être innocent qui s’aventurait à l’intérieur !
J’essaie de me remémorer cette période car la principale préoccupation du pouilleux, crasseux et chétif que j’étais devenu après de très longs mois de détention fut d’effacer de sa mémoire à jamais cette très mauvaise expérience !
Ils sont légion ceux qui ont souffert à deux pas de l’océan, sans avoir eu le plaisir de profiter de ses bienfaits !
Les vagues pour toujours chargées en lourdes larmes inlassablement frapperont leur mémoire meurtrie !
J’ai pu récupérer, grâce à un ami, les pages d’un premier procès dans les années quarante à l’encontre du fondateur de ce lieu maudit !
Monsieur le Directeur a remis le couvert en affamant et en maltraitant les pauvres petits pensionnaires moins de deux décennies plus tard !
La similitude des sévices infligés aux malheureux enfants qui lui étaient alors reprochés lors de cette condamnation, par rapport à ma malheureuse expérience est frappante.
Croyez bien que je pèse ici mes mots et l’ensemble des petits résidents qui ont témoigné sur un forum hélas aujourd’hui supprimé, va bien entendu dans mon sens.
En dehors des petits pensionnaires nantis d’une parenté aisée, qui eux vivaient au paradis deux étages au-dessus de nos têtes !
Je vais ici surtout vous raconter mon très long séjour dans les profondeurs du bâtiment.
Quand on déracine et que l’on affame un être innocent tout en le frappant journellement,
on détruit partiellement son existence !
Le joug de l’enfance est parfois fait d’angles vifs et l’on a beau secouer nos frêles épaules pour nous soulager des blessures profondes viennent meurtrir pour toujours nos âmes aux ailes fragiles.
J’étais dans ma onzième année quand, à la suite d’une longue hospitalisation, une gentille assistante sociale de ma région a insisté auprès de ma maman pour je sois placé dans un centre hélio-marin.
L’établissement était situé en bordure de l’océan, j’allais profiter du bon air du large chargé d’iode aux multiples bienfaits !
C’est donc le cœur serré, mais néanmoins heureux à la simple pensée que j’allais enfin découvrir cette vaste étendue d’eau salée, qu’avec ma mère je pris le train en direction de ce coin paradisiaque qui allait à jamais transformer mon esprit.
Le trajet me parut long, interminable même, l’éloignement de ma terre natale me laissait songeur, ma gorge se nouait par moment ! Un flux de salive rapidement avalé, suivi
de paroles rassurantes de ma maman, me permettait d’anesthésier cette angoisse naissante que je n’avais jamais ressentie auparavant !
Il fallait pourtant suivre ce parcours obligé, c’était pour mon bien.
Est-il une chose plus précieuse que la santé, je vous le demande ?
Nous étions au début des années soixante encensées aujourd’hui par tous nos politiciens. La cinquième République qui débutait à peine était dirigée par le grand Charles de Gaulle.
Alors, vous allez penser : « Maurice n’avait absolument rien à craindre tout allait bien se passer !».
Je tenais toujours solidement la main de la très brave femme qui m’avait mis au monde quand je suis arrivé au terme de ce très long périple.
Face à mes yeux se dressait une bâtisse immense, située en bordure de l’océan. Mon âme rêveuse voyageait déjà au-dessus des vagues qui se déchiraient en grand fracas, non loin d’une plage aux sables éternels.
Tout me paraissait grand. Je n’avais aucun doute j’allais vivre en ces lieux des jours heureux.
Quelques marches encore me séparaient de la liberté que je quittais sans le vouloir, mais surtout sans le savoir.
D'ailleurs, ma chère maman aurait, si elle avait su dans quel guêpier elle me conduisait, fait demi tour sur-le-champ, elle qui avait sauvé deux jeunes enfants au nez et à la barbe de la division Dass Reich, célèbre pour ses exactions, en les sortant des rangs de la déportation à Figeac.
Elle n’avait pris ce jour-là qu’un petit risque, celui d’une simple balle dans la tête !
Mais revenons à ma triste aventure.
Un dernier escalier à gravir nous conduisit dans un immense hall où étaient exposés de très beaux meubles. J’ai surtout remarqué un très grand canapé. Face à lui, posée sur une tablette trônait une télévision allumée qui a attiré tout de suite mon attention.
C’était la première fois que j’apercevais cet objet magique où des images s’animaient !
-Tu vas être heureux ici, Maurice…
- oui, maman !
Une gentille dame très bien habillée s’est avancée vers nous.
-Je suppose qu’il s’agit de Maurice, notre futur petit pensionnaire ?
Il a l’air bien mignon, nous allons bien nous occuper de lui !
Ces phrases ont fini par me rassurer et à me convaincre de la nécessité de ce long voyage. Je lâchai la main de ma mère pour la serrer une dernière fois dans mes petits bras.
Est arrivé alors ce moment qui dans ma vie, a marqué pour toujours mon impuissance à retenir les personnes que je j’aime.
Ma mère allait me quitter de longs mois, mais c’était pour mon bien !
On doit bien trouver une raison à une séparation douloureuse quand on est un tout petit bonhomme.
J’étais malade, pourtant je me sentais bien dans mon corps, je venais de passer plus d’un mois dans une clinique où l’on me faisait des transfusions journellement, je ne pouvais être que guéri !
D’ailleurs à la fin de mon hospitalisation je parcourais tous les couloirs en chantant, j’étais connu et apprécié de tous les malades !
Qui ne connaissait pas Maurice ?
La mère de Charles Boyer l’acteur, qui résidait en permanence à la clinique était devenue ma troisième grand-mère, ma confidente. Elle m’invitait à venir voir dans sa chambre les films où son fils jouait et elle était fière de pouvoir le dire: -Regarde…regarde…Maurice ! C’est Charles mon enfant, tu vois comme il est beau !
Il faut croire que dans l’existence les bons moments sont très éphémères, j’allais l’apprendre après ce bref passage au paradis.
La gentille assistante sociale avait tellement insisté que ma maman s’était laissée convaincre!
L’heure n’était plus aux regrets, mais à la séparation. Une main ferme me fit comprendre dans quelle direction je devais aller.
Les larmes envahissaient mes yeux et je suis certain que le regard de ma mère s’était voilé au même instant, elle si rassurante, si aimante, cette femme unique, si belle, si héroïque !
Je suivais Maïté sans le savoir une basque à la voix forte, à la main rugueuse et lourde !
Je descendais au sous-sol du grand et beau bâtiment flambant neuf.
Une porte pleine s’ouvrit donnant sur un espace sans ouverture, où une douzaine de tout petits lits à barreaux étaient alignés.
Des enfants silencieux me fixaient du regard.
-Installe-toi ici, ce sera ton lit, mets tes affaires dans cette armoire !
Puis elle quitta ce que je dois appeler une cave qui sentait le renfermé, bien loin du bon air marin que l’on m’avait promis.
-Salut, le nouveau d’où viens-tu ?
Je m’évertuai à répondre à un flot de questions qui fusaient dans tous les sens, alors que je n’avais qu’une envie, celle de m’isoler pour pleurer.
Mais j’étais un rude je n’allais pas dévoiler mes faiblesses.
Fatigué par ce long déplacement je me couchais enfin sur un petit lit conçu pour un enfant de quatre à six ans, moi qui étais dans ma onzième année.
La position idéale sur cette couche inconfortable était celle du chien de fusil, en prenant soin d’éviter quelques ressorts qui visiblement n’avaient pas résisté à l’épreuve du temps.
Je me suis endormi rapidement et j’ai été réveillé presque aussitôt par une salve de coups de balai qui atterrissaient sur moi un peu dans tous les sens.
Chaque petit lit a eu droit à sa ration, peu de temps après, j’ai entendu des voix fluettes me demander :
-Elle t’a frappé toi aussi le nouveau ?
- Oui…
- il faudra t’y habituer, ce sera comme ça tous les soirs !».
Avant d’aller plus loin dans mon récit je veux vous faire part de la souffrance morale de l’enfant déraciné.
Je n’avais pas à me plaindre, j’étais parmi les grands du centre qui avaient la possibilité de se protéger un peu !
J’ai une pensée émue pour les bébés qui ont vécu cette atrocité sans défense !
Comme nous ils avaient été placés dans la maison du "rachitisme" par rapport à leur corpulence chétive.
Comment a-t’on pu séparer des êtres si fragiles des bras de leur maman ?
Je n’arriverai jamais à me l’expliquer !
Je vous dirai plus tard comment j’ai appris qu’ils étaient prisonniers eux aussi entre ces horribles murs au sous-sol.
Je reviens au tout début de mon long séjour. Ma tristesse était infinie, une seule idée hantait mes pensées et nourrissait une angoisse perpétuelle.
J’aurais souhaité rentrer chez moi immédiatement pour ne pas avoir à souffrir pour retrouver mes parents, mes frères, revoir mes chiens, mes chats ils étaient sûrement eux aussi tristes de ne plus me voir !
Les minutes dans ces conditions sont alors semblables à des heures, les heures à des mois, les mois à des années !
Tout s’écroule, une immense solitude envahit l’esprit, elle ne se domine pas, on ne s’y habitue pas, on la subit.
Mon premier réveil fut cauchemardesque, je ne peux pas vous le décrire, il est gravé en moi comme une plaie qui ne cicatrisera jamais !
Une «maman» basque arriva, c’est ainsi que nous devions les nommer !
Vous savez !…du genre de celles que l’on n’a pas envie de peloter, une rude, une pure, une solide à la main rugueuse rapide comme l’éclair !
La toilette matinale n’existait pas, j’ai un vague souvenir d’une douche commune prise durant la première moitié de mon séjour.
Toujours au sous-sol j’allais prendre mon premier petit déjeuner.
C’était un breuvage amer accompagné de quelques tranches de pain. Ce mélange de liquide en guise de café au lait pouvait favoriser les nausées. Les enfants récemment arrivés avaient du mal à s’y habituer. La cause ne résidait pas dans le fait qu’ils étaient tous difficiles croyez-moi !
-Mange, me lança un de mes camarades, il faut que tu manges !».
Je n’avais pas faim, mon estomac était noué !
Mais il fallait bien que je fasse ce gros effort sur moi, j’ai fini par avaler quelques gorgées.
J’ai vu des «nouveaux» (c’est ainsi que nous les surnommions à la maison du rachitisme) refuser de se nourrir au moins pendant deux jours !
Les plus anciens s’arrangeaient pour que la surveillante ne s’en s’aperçoive pas.
La faim finit toujours par l’emporter et persuade les estomacs les plus délicats!
On nous servait des repas toujours semblables et il n'était pas rare de trouver notre ami préféré le cafard dans une de nos assiettes !
Il ne fallait pas s’en plaindre, c’était, paraît-il, normal !
Ma mère m’a confié qu’elle avait eu la curiosité d’observer, le jour de mon départ, l’enclos aux poubelles. De grosses boites de conserves d’environ cinquante kilogrammes sans étiquette s’y trouvaient.
Un soir on nous a servi une omelette aux lentilles, je dois dire que nous avions rechigné à manger ces dernières à midi !
Aux cuisines on avait l’art d’accommoder les restes n’est-ce pas ?
On s’encourageait, il fallait achever ce que l’on avait dans nos gamelles, c’était devenu une sorte devmission !
Nous étions arrivés dans le but de reprendre du poil de la bête !
Et des bêtes nous étions devenues !
La pire des épreuves gustatives nous attendait en milieu d’après-midi. On nous obligeait à ingurgiter ce qui était sensé être du lait !
Je connaissais bien le bon goût de ce dernier je le buvais par giclées au pis de ma chère Flourette !
Là, seule la couleur blanche pouvait entretenir une mince illusion sur ce nectar précieux.
Une fois en bouche, notre seul recours était d’avaler le breuvage le plus rapidement possible pour éviter les retours aux relents amers et nauséabonds !
Certains enfants se sacrifiaient en buvant celui de leurs camarades qui ne pouvaient absolument pas supporter cette curieuse potion !
Tous les verres devaient être vides à la fin de cette dégustation forcée !
Était-ce une potion à effets secondaires ?
Je ne le saurai jamais.
Ah !…Ne croyez pas que l’on ne se marrait pas de temps en temps !
On ne manquait pas d’idées, le matin on avait quartier libre dans la cave.
Mais ne vous inquiétez pas trop pour nous la malbouffe avait son coté bénéfice : l’esprit n’en est que plus alerte.
Nous avions des idées, pour nous amuser.
Notre jeu favori consistait à capturer les bestioles qui crapahutaient sur le sol.
On avait là une superbe réserve à portée de main.
Les rongeurs se méfiaient de nous, contrairement aux cafards qui sont des bestioles, reconnaissons-le, stupides !
Nous ne leur laissions aucune chance de nous échapper.
On les remuait dans tous les sens avec nos petites menottes que l’on ne lavait jamais.
Eh bien, vous allez peut-être difficilement me croire nous n’étions jamais malades !
Nous avions inventé -du moins le pensait-on la course de cafards, un jeu qui nous occupait et qui nous faisait rire aux éclats.
Vous allez me dire : « Il faut peu de chose pour amuser les gosses » …et c’est très vrai !
Nous organisions des compétitions épiques…non hippiques.
C’est seulement quelques années plus tard en regardant un film culte que la télévision diffusait chaque année ou presque, " Les trois chevaliers du Bengale" que je me suis aperçu que les acteurs prisonniers dans un cachot jouaient avec ces insectes selon les mêmes règles que nous !
Incroyable non ?
On nous amena un jour à l’océan, cela à notre très grande surprise !
Nous avons eu l’autorisation de tremper nos pieds dans l’eau !
Devant nous, un rocher sur la plage était couvert d’escargots de mer. Un copain m’ a dit : « Ils sont bons à manger » Et bien croyez-moi, ils n’ont pas eu le temps de sortir les cornes !
Je vais maintenant vous parler d’une journée bien particulière !
Bien que présents dans ce centre, mes copains de caverne ne me paraissaient pas chétifs !
Je n’ai jamais constaté chez eux le moindre souci pouvant justifier la nécessité de leur présence à Biarritz, on peut-être maigre et en grande forme physique, je l’ai appris plus tard en pratiquant le sport cycliste.
Aujourd’hui je me dis avec beaucoup de recul qu’une organisation malsaine était bien en place en ce début de cinquième République !
Mais cela n’est pas un scoop !
Les enfants de la Réunion ont souffert d’une politique déracinement immonde !
Avec le Ministre de Charles….Michel Debré, c’était de gré ou de force !
À qui profitait le crime ?
Un jour, j’ai eu le malheur d’avoir mal à une dent, vous savez à quel point on souffre dans cette situation !
Comment allais-je faire accepter à la basque à la main rugueuse que mon cas était urgent ?
J’étais un douillet, un simulateur je faisais tout pour me faire plaindre !
Mes braves copains avaient beau me soutenir elle s’en fichait royalement !
Après de longs jours de souffrance elle a décidé enfin d’en toucher un mot à la Direction.
La décision de me conduire chez un dentiste en ville fut enfin prise.
J’allais m’absenter de la cave pour une balade dans la superbe ville balnéaire !
Après avoir décapé très sommairement mon enveloppe charnelle crasseuse j’ai mis ma tenue de sortie.
Madame la Directrice était la très sympathique personne à l’accueil, elle se chargea de mon déplacement chez le praticien son mari.
C’est ce que j’ai appris bien plus tard, notre homme était chirurgien dentiste.
Au volant de sa belle limousine dans le centre de Biarritz, elle grilla un feu rouge.
Un coup de sifflet se fit entendre aussitôt !
Sans se démonter, ni ralentir, elle lança à l’agent : « Je n’ai pas le temps vous nous enverrez la note ! ».
Il me tardait d’arriver chez mon sauveur après tout il y avait urgence !
Je me trouvais allongé confortablement pour une fois! Le dentiste décida de m’extraire la dent malade.
J’ai une dentition relativement bonne encore aujourd’hui, je suppose qu’il devait s’agir d’une dent de lait.
L’avantage c’est qu’elle ne m’a plus jamais fait mal !
Ils parlaient entre eux, et il lui a dit :
-Tu peux m’amener tes pensionnaires, filles ou garçons je suis sûr que je leur trouverai au moins deux ou trois caries !».
C’est à cet instant précis que j’ai réalisé que nous n'étions pas seuls dans le bâtiment.
Comment imaginer qu’après de longs mois, nous n’avions ni croisé ni aperçu d’autres enfants filles ou garçons âgés de deux à douze ans ?
Il n’y avait aucune âme qui vive à part nous les pestiférés.
De retour dans les entrailles de l’immense demeure j’en ai parlé à mes copains de cellule.
« Non !…non !…nous sommes seuls » me répétèrent en chœur mes copains !
On entendait bien quelques cris stridents qui perçaient la froideur de la nuit parfois, mais rien ne nous laissait supposer que des bébés occupaient non loin de nous ce sous-sol lugubre !
Puis, arriva ce jour spécial où la mégère de service nous a dit : «Dépêchez-vous !…On va aller se cacher, il ne faudra pas parler, c’est un jeu, il y aura une récompense à la clé !».
Elle nous conduisit dans une cave encore plus obscure que celle à laquelle nous étions habitués et ferma la porte à clé.
Dans un silence glacial nous sommes restés là, terrés.
Après de longues heures, une personne est venue nous ouvrir.
« C’est bon !…vous pouvez sortir !».
Nous attendons toujours la fameuse récompense !
Enfin si, elle allait faire son apparition sous une forme déguisée !
Quelques semaines avant mon départ, on allait enfin quitter le trou à rats et nos camarades de jeu les cafards.
Nous allions prendre nos quartiers dans un beau dortoir avec de grands lits, tout était magnifique à mes yeux et même confortable !
Nous disposions de grands lits, d’une salle de bain, et surtout les personnes qui s'occupaient de nous étaient gentilles !
Nous avions droit à autant de bisous qu’on le souhaitait le soir avant de nous endormir !
Le réfectoire était grand la nourriture excellente, mais que s’était-il passé ?
J’attribue aujourd’hui ce changement radical à un contrôle officiel le jour de notre isolement forcé dans les profondeurs de la fondation !
Il a très certainement fait prendre conscience à la direction qu’elle devait changer de méthode au risque de se faire épingler par la patrouille !
J’ai été surpris de rencontrer à l’étage supérieur au nôtre des enfants très bien habillés, entourés de nombreux jouets dans des salles superbement décorées !
" Là, tout n'est qu'ordre et beauté,: Luxe, calme et volupté " merci cher Baudelaire !
Ils étaient ce jour-là occupés à jouer à des jeux de société.
Monsieur le Directeur avait une politique sanitaire à deux vitesses !
Les enfants de parents riches vivaient leur séjour au dernier étage de la somptueuse bâtisse.
Les enfants des pauvres descendaient directement au sous-sol.
Financièrement nous étions très rentables pour l’homme d’affaires.
Je vous rappelle que le centre hélio-marin était agréé par le ministère de la santé !
On ne mélangeait pas comme vous le constatez, les pauvres avec les riches chez ces gens là.
Peu importe d’un seul coup de baguette magique on vivait dans un autre monde !
C’était un début de vie au château qui nous tendait enfin les bras à nous les pouilleux !
Nous avions l’autorisation d’écrire à nos parents mais nos lettres étaient lues !
Je me remémore que j’écrivais phonétiquement, j’étais presque illettré alors que je rentrais dans ma douzième année !
J’étais le chouchou d’une maman, elle venait à mes côtés lorsque je faisais la sieste et me couvrait de baisers, m’ont rapporté mes camarades.
Le jour de ma libération est intervenue, hélas, presque aussitôt !
Ces conditions d’existence n’ont malheureusement pas duré très longtemps, d’après ce que j’ai lu sur le forum consacré au centre, avant d’être supprimé.
Décidément, dans cet aérium les mauvaises habitudes étaient tenaces !
Ce que je décris aujourd’hui, c’est ce que j’ai vécu et que je puise au fond de mon subconscient.
Enfin sur le chemin du retour, j’étais heureux à la simple idée de revoir ma maison, mon père, mes frères, mes chiens, mes chats et tous les animaux de la ferme.
Je n’ai jamais dit un mot de mon séjour déplorable à mes parents, j’ai tout fait pour occulter dans ma mémoire ces longs mois de souffrance, pour ne me souvenir que des quelques jours qui ont précédé mon départ.
J’ai fait la connaissance de Danièle et Brigitte, elles m’ont mis au courant de leur calvaire !
Elles avaient à peine plus de deux ans lorsqu’elles ont été séparées de leur famille et prisonnières du centre hélio-marin.
Brigitte a pu se remémorer quelques instants de son triste séjour grâce à l’hypnose.
Danièle est aujourd’hui psychologue, on se contacte de temps en temps au téléphone.
Elle m’a rapporté qu’elle était revenue amaigrie chez elle et que dans le train qui la ramenait, elle répétait en boucle : «pas la dame qui me donne des claques !…Pas la dame qui me donne des claques ! ».
Un bébé d’à peine plus de deux ans n’invente pas ces mots si durs à entendre !
La seule explication que j’ai à vous donner d’après mon analyse, c’est que l’infirmière basque au revers expéditif devait la frapper régulièrement !
J’inscris ses paroles ici en lettres de sang.
«Si tu continues à te plaindre, je te fous une claque ! »…et bien entendu je n’ai aucun doute, elle frappait régulièrement Daniele et les autres petits en bas âge !
Elle devait venir se défouler en bas sur les pauvres petiots incarcérés cette soi-disant infirmière, qualifiée de gentille par les bambins d’en haut !
Danièle a le terrible souvenir, je le précise d’être attachée sur son petit lit !
J’ai pu sauver le témoignage de beaucoup d’enfants qui ont connu cet enfer à deux pas de la mer !
Ils sont très émouvants, à la limite du supportable !
Il faut avoir une certaine volonté croyez-moi, pour écrire sur un sujet qui vous a torturé l’esprit insidieusement en transformant votre petite âme d’enfant!