Face à la noirceur du tableau
Je fais sans blanc
J’efface les mots qui ne rentrent pas
Dans les rangs
Je déclame ce qu’attend le public
Et j’attends, menotté
Que la voix qui me donne la réplique
Finisse par me noter
Personne ne le dit mais chacun le sait au fond
On est tous des éponges
Sans exception
Imbibées des mêmes mensonges
Enfermés entre ces murs
Où l’intelligence se mesure
Par la capacité à stocker
Ingurgiter, recracher, oublier
Tout ça je le déteste
Impuissance, détresse, colère
Assimilés à des tests
Enfer scolaire
Je traverse les jours mâchoires serrées
Incarcéré dans une routine
Stérile comme une terre désertique
Dont ceux qui questionnent les fondements
Sont traités comme des hérétiques
Sortis de la chaîne de production
On récite tous les mêmes leçons
Ça suscite quelques questions
Qu’on a appris à ne pas poser
Peut-être qu’un jour une bonne secousse
Ressuscitera les opinions
Les mêmes jours se succèdent et je m’aigris
Je ne compte plus les tours de cadran
Dans ces bâtiments froids et gris
Je m’habitue à faire sans blanc
Quand j’apprends mes leçons
Je voudrais être consentant
Mais peu ici le sont
Là-dessus, je crois qu’on s’entend
Élèves mais pas élevés
Plutôt soumis et formatés
Par les non-dits sous les cahiers
Obéir et se prosterner
Face aux lois de la hiérarchie
Suivre les ordres sans insister
Opiner car « c’est ainsi »
Se sculpter le masque adéquat
Pour réussir ses premiers pas
Vers la place qui nous attend
Et aller s’assoir sagement
Briller des monts vertigineux
De l’érudition superflue
Manipuler des mots creux
Pour discourir sans contenu
Ici l’enfance et ses trésors
S’enterrent sous la discipline
J’ai voulu contempler leur mort
Sans taire mon spleen
Sous les théorèmes d’imposture
J’ai aperçu se profilant
Un futur bien trop obscur
Pour faire sans blanc
Décembre 2018