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Sa majesté le lierre

#1
Lorsque l’or et le sang se lient d’amitié
Epandus aux circonférences des pommiers,
Le lierre encore vert et solitaire étend
Sous les haies, les futaies, ses maillons, en rampant.

Discrètement tassé en s’économisant,
Feuille à feuille formant un serpent en ruban,
Il va sur les piquets d’acacia vieilli,
Les habiller de son feuillage vert-de-gris.

Dans la forêt, il sait choisir les coins humides
Et combler, rassemblé, tous les espaces vides ;
Acoquiné avec la ronce et l’aubépine,
Il est en sûreté au milieu des épines.

Il se voit en surface et on serait surpris
Du travail souterrain qu’il conduit sans répit
En tissant un réseau de mille radicelles
Vouées à lui donner de la terre le sel.

Entêté et tenace, rien ne lui fait peur,
Avançant, contournant les obstacles majeurs.
Sorti de son lit, erre, vainc marne et argile,
Roué, malin, habile, assuré et subtil.

En fin tacticien, il fleure le terrain
Et progresse en poussant tous les doigts de ses mains
Avec rapidité ou à faible vitesse
Dans un effort constant excluant la paresse.

Il se fraie un sentier dans un milieu austère
Entre deux blocs de pierre ou du bois mis en stère
Et l’orifice du minuscule interstice
Doit le laisser passer sans signer d’armistice !

Sans lumière, sans pluie, sans vent et sans soleil,
Il ne découvrirait pas toutes ces merveilles
Conquises dans une exquise sobriété
Majestueusement, avec simplicité.

Et, quand vient le printemps, sa fraîche feuille amande
Réjouie d’embrasser les troncs des pins des landes,
Des sapins, des bouleaux, des hêtres et des frênes
Suivie de ses enfants qui forment une traîne,

Vont en long cortège défiler sur la peau
De la branche maîtresse et grimper jusqu’en haut
Du dédale de ses ramifications
Peu enclines à cette violation.

Malgré toutes ses proies, il est humilité
En songeant aux efforts qu’il a du déployer
Avec l’obscure armée oeuvrant aveuglément
A le ravitailler consciencieusement.

Jamais rassasié, il entend achever
Son œuvre magistrale sans se reposer.
Il gonflera sa tige enlaidie de poils roux
Et ira saluer le gui ami du houx.

L’arbre étreint, étouffé, dessèchera sur pied
Sous les coups répétés de l’ennemi juré
Qui parviendra enfin à atteindre la cime
Et grisé par le vide, il parlera en rimes,

E
n se balançant, ivre, apostrophant le ciel :
« Amis, qui mettez le feu par vos étincelles,
Je peux vous tutoyer car je suis comme vous,
Géant, fier et libre, sans chaîne autour du cou. »

L’automne est annoncé, de sang, de lie et d’or
Avant le blanc des neiges, le froid qui endort.
Le lierre est vert encore et fera des petits
Qui viendront voir éclore l’oiseau dans son nid.