Moi Aylan, enfant martyr
On a dû quitter Kabané
Dû fuir la haine et ses fusils
Comme dans un conte effané,
De méchants rois, de faux gentils.
On est partis, papa, maman,
Mon ours grognon et mon grand frère,
Pour seul bagage le coran
Et l’espérance en bandoulière.
.
Enfin, bravant la négligence,
On s’est serrés les uns aux autres
Sous le ciel pesant du silence
Et les yeux noirs de cet apôtre,*
Que les eaux froides tyrannisent
Les ongles ancrés dans mon sang…
Puis vinrent les cris, qui s’enlisent,
M’entrainent sous ce drap mouvant…
On a laissé nos beaux palais
Meurtris, notre terre promise,
Pour vivre heureux, ensemble, en paix;
Immortalisez la méprise!
J’ai posé au sable inconnu
Mon corps lourd bercé par la vague,
Fait mes pas de nouveau venu
Loin des vivants… Mauvaise blague!
J’ai bousculé l’ignominie,
Laissé mon nom à la mémoire
Dans un journal sans bon génie
Qui raconte en boucle l’histoire
Mais qu’importe si certains crient
Au scandale, si ma photo
Sert bien des intérêts pourris
Sur mon dos frêle d’angelot,
Il n’en est pas moins vrai qu’ici
S’est endormie ma voix…[Pas juste!]
Sur le roulis d’un raccourci,
La faute à ce monstre sans buste
Qui se veut roi aux jeux des Grands
Et n’a que faire de mes joies…
Depuis je joue au tisserand
En mains, « Il était une fois »…
Alors papa, tiens bon ma manche!
On t’attendra sur d’autres bancs
Et ce jour là sera revanche
Gracié du chant des goélands
Et ce jour là sera heureux
Bien mieux qu’un conte merveilleux…
*nuit
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