Nous utilisons des cookies pour vous garantir la meilleure expérience sur notre site web.
Si vous continuez à utiliser ce site, nous supposerons que vous en êtes satisfait.

  • Visiteur, merci de ne pas poster plus de 5 poèmes par jour. Ceci dans le but d'améliorer la visibilité du site.

Le pont de San carlos

#1
Les histoires, parfois, se ressemblent comme les feuilles d’un vieux chêne. Devant le vent puissant d’automne, elles tombent. Là, par terre, la neige de l’hiver se charge de les reléguer aux oubliettes.
Parfois, les récits s’envolent pour finir sous un tas de poussière. Heureusement, il existe d’étranges personnages qui, sans relâche, sont à leur recherche. De cette façon, nombre de ces récits sont sauvés et précieusement gardés. Ces personnes, un peu énigmatiques, certains les appellent les collectionneurs d’histoires.

La semaine passée, pendant une après-midi de forte pluie, je me trouvais au bord du lac. Dans cet endroit féerique, j’ai un coin où les rêves et les souvenirs sont toujours présents : il est magique. En fin de soirée, par coïncidence ou par coup du destin, j’ai fait la connaissance d’une de ces mystérieuses personnes. Je lui ai confié mon absence d’inspiration. Il m’a fait cadeau de trois de ses histoires, qu’il avait trouvées un soir d’hiver, près du pont de San Carlos…

Commencement
À son retour de la guerre, Monsieur Beckman, de façon inconsciente, s’approche tout lentement du lac qui porte le même nom que le pont : San Carlos. Cet endroit était considéré par le voyageur comme un lieu de trésors. Comme une porte menant vers un destin qui, avec bonté, offrait un moment de réflexion et de bien être au passant qui la traverse. Autour de ce petit pont, des milliers de rencontres tout à fait inespérées s’étaient déroulées. À la tombée de la nuit, le ciel était complètement illuminé. Les eaux du lac avaient la transparence d’un miroir, sous l’effet des étoiles qui éclatent de mille couleurs, tel des rubis.
Monsieur Beckman cheminait avec la ferme intension de se rendre au village des ombres, endroit où tout ce qu’il avait eu et vu un jour, n’existait plus. Un dernier coup d’oeil, se disait-il. Juste un seul et, par la suite, je n’y pense plus.
Monsieur Beckman avait servit l’armée pendant toute sa vie. Aujourd’hui, après son dernier service dans une guerre qui lui avait presque coûté la vie, la retraite était arrivée. Il ne s’était jamais marié. Les amis n’ont jamais été un point important pour lui. « Mes camarades sont des relations bien meilleures », se disait-il. Il était de taille petite, plutôt baraqué, d’un caractère très variable et d’une humeur pas toujours accessible pour qui l’avait côtoyé.

À chaque pas que sa vieille carcasse effectuait, il avait l’impression qu’un grand besoin de sourire grandissait en lui. Son coeur commençait de battre plus fort, sa peau devenait chaude. Le sentiment de rajeunir subitement va l’interpeller. Avec étonnement, il remarqua que le sable où il marchait prenait l’apparence de grains d’or. Sa décision d’aller au village des ombres était remise en cause. Même le plus petit souvenir de ce village venait d’être enterré au plus profond de sa mémoire. Comme par enchantement, il se retrouve dans une magnifique forêt. Juste devant lui, un très vieux pont, qu’il traversa jadis, se dévoile devant ses yeux ébahis.


Intermède
Il s’appelait Macklin, un ancien clown et musicien d’orchestre, jadis reconnu durant les années de guerre. À 40 ans, sa jeunesse débordait, comme s’il en avait 20. Le chant de sa guitare accompagnait le rythme de sa danse, tandis qu’il avançait sans aucune destination précise. Il était quelqu’un qui vivait toujours le présent, sans se soucier de ce que certains appellent l’avenir. Le rire était son fort et la musique un outil qui lui permettait de voir le monde sereinement. Sans avoir aucune notion du temps, plongé dans sa musique, doucement il va s’approcher du pont de San Carlos. Quelque chose le fait soudainement réagir. Il arrête son jeu et regarde devant lui le reflet des eaux. Il secoue ses épaules et continu sa marche, toujours en avant.
À quelques mètres du lac, il aperçoit une silhouette. Au début, il se méfie à cause de la tombée de la nuit. Cependant, au fur et à mesure qu’il s’approche, il distingue mieux cette silhouette et reconnaît un ancien camarade de guerre.

C’était grâce à Monsieur Beckman que Macklin avait compris l’importance et l’utilité d’un sourire. Geste qui peut, à tout moment, tout changer.
Les deux camarades, heureux de cette rencontre entièrement inattendue, décident d’interrompre leurs périples afin de se remémorer leurs aventures et mésaventures. Cette fois, il n’y aura plus d’adieu.

Prélude
Avant de reprendre la route ensemble, Macklin réalise la présence de quelque chose que le temps et la poussière avait enterré : « Le pont, le pont !», crie Macklin.
«Tu as raison, c’est bien un pont, mais ce n’est pas une raison pour crier ainsi !», lui dit Beckman.
«Mon cher Beckman, souviens-toi de ce pont, il ne s’agit pas d’un simple morceau de bois. C’est le pont de San Carlos.
C’est ici où nous nous sommes rencontrés pour la première fois. Malgré le temps qui, souvent, nous arrache à nos êtres précieux, notre amitié méritait cette nouvelle rencontre.»
« Macklin, Beckman, quels bons esprits vous amènent, depuis tant d’années ? » Devant cette voix, comme descendue des étoiles filantes, les deux hommes, surpris, se tournent vers le lac. Devant eux s’impose une femme svelte aux longs cheveux noirs. La demoiselle était vêtue d’une robe violette et d’un foulard bleu azur, comme la dernière fois qu’ils s’étaient vus tous les trois.

Les rideaux se ferment
C’était le crépuscule d’un soir de printemps, quand trois histoires, sorties des oubliettes, se sont mélangées en une seule. Devant les rayons du soleil d’un nouveau réveil, leur amitié avait porté ses fruits.

Magique
«Celui qui sait tendre la main et agit de façon correcte, malgré les apparences que parfois les autres peuvent nous donner, revivra tôt ou tard les plus beaux moments de son existence.» Sur ces mots, le collectionneur d’histoires m’a fait ses adieux et, dans la profondeur des eaux du lac, il disparu.
 

Pièces jointes