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Le Noël des misanthropes (conte)

Margho

Maître Poète
#1

Une légende bourguignonne dit que, la nuit de Noël,
tous les animaux ont le don de parole…




Victor s’arrête, se gratte l’oreille, puis reprend son chemin en maugréant : « C’est reparti ! Comme tous les ans… Quelle sottise ! Le miracle de Noël ! A quoi ça sert ? Et je vais parler à qui, moi, hein ? Et de quoi ? De la bonté des hommes peut-être ? Allons-y joyeusement ! Parlons ! Soliloquons ! Exprimons-nous ! De toute façon, y’a pas un chat ! »
Le ronchon se prend à rire : « Heureusement d’ailleurs ! Sinon… Joyeux Noël ! Je lui fais sa fête au greffier ! »
S’aplatissant pour passer la glissière de sécurité, le chien quitte l’autoroute pour trotter, à travers champs, vers les lumières de Dijon.


Joseph se prépare. Il n’aime pas la foule mais, le 24 décembre, il bouscule ses habitudes pour se rendre à Notre Dame, pour la messe de minuit. D’année en année, il y a de moins en moins de monde… Les gens savent-ils encore ce qu’est Noël ? Des sapins en plastique, des tribus de Pères Noël gonflables aux fenêtres… De plus en plus souvent, Joseph se moque de l’espèce humaine : celle qui crie « au loup » toute l’année contre le réchauffement climatique et la mondialisation et qui, avant Noël, dépense une fortune en guirlandes et jouets made in China…

« Allez Joseph, tu dérailles », se dit-il à voix haute, en étalant soigneusement le cirage sur ses chaussures de ville, « Tu n’es plus dans le coup, c’est tout ».

Vieux garçon, ancien garde-chasse, Joseph s’est installé à Dijon, dans l’appartement de sa mère au décès de cette dernière. S’habituer à la ville a été difficile à l’homme des bois… Mais il s’est mis à l’aimer, cette cité, et chaque soir il en arpente les rues, admirant les façades, jusqu’à l’église, devant laquelle, émerveillé, il peut passer des heures. Il apprécie ces moments de solitude et rend grâce à Dieu de l’invention de la télé et des séries américaines qui lui permet de savourer égoïstement ces instants.



Victor traverse le Marché de Noël, fermé depuis quelques heures. Ses coussinets commencent à devenir douloureux. Il lève la patte contre le grand sapin en râlant : « M’abandonner sur une aire d’autoroute, moi, un soir de Noël ! Et tout ça, parce que j’ai croqué le NAC qu’ils venaient d’acheter ! « Nouveaux Animaux de Compagnie »… On croit rêver !
Un iguane ! En Bourgogne ! Et, en plus, une vraie figure de cauchemar… J’ai rendu service, oui ! Tu parles de remerciements ! A la casse le cabot… »
Le griffon, fatigué et amer, tourne sur lui-même puis se couche contre le mur de la cathédrale. Assoupi, il sent, comme dans un rêve, un bruissement léger et le vague contact d’une aile frémissante contre son oreille.



La messe se termine. Joseph, installé au fond, laisse partir la foule et savoure l’instant. « Péché véniel se dit-il, l’église, un instant, juste pour moi… »
Il franchit le parvis en dernier, s’y attarde
Ce soir de Noël, Joseph, le sauvage, le misanthrope, se sent seul.
Subitement il sursaute : un minuscule oiseau, au vol un peu lourd malgré sa petitesse, frôle sa joue puis s’éloigne.
Le vieux garçon repart dans la nuit.
Quelques mètres plus loin, intrigué, il s’arrête, s’accroupit doucement et caresse la tête du griffon couvert de boue : « Toi, ça va pas, hein ? Ils t’ont fait des misères ! Viens mon gars, viens…»

Victor n’en revient pas. Impossible de parler, de répondre… Trop d’émotions…

L’homme se redresse, le chien se lève péniblement. Tous d’eux s’éloignent côte à côte rue de la Chouette.

D’un bruissement d’aile, le petit rapace nocturne reprend sa place contre le contrefort de L’église Notre Dame...
Petite silhouette de pierre, aux contours incertains, usée par les ans et porteuse de cette légende qui dit que la caresser, de la main gauche, porterait bonheur…
 

prose16

Maître Poète
#5
Peut-être un toutou offert en cadeau, devenu encombrant et jeté par une portière...et pourtant! il parle! Tellement belle et improbable la rencontre entre lui et Joseph le sauvage, qui vont unir leurs solitudes grâce à ce mystérieux petit rapace de pierre, qui la nuit prend vie ...j'adore ce conte de Noël quelque peu fantastique! merci Margho et douce nuit qui t'inspirera peut-être un autre joli conte...bisous
 
#10
Bravo
Une lecture très agréable
Pourvu que Victor n'ait pas parlé trop fort
Il aurait risqué de réveiller le coq
J'adore les animaux et Noël donc je ne peux qu'aimer cette histoire
Amicalement
Fred
 
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