Petit texte d'Aimé Césaire sur le colonialisme (1955)
Il faudrait d'abord étudier comment la colonisation travaille à déciviliser le colonisateur, à l'abrutir au sens propre du mot,
à le dégrader, à le réveiller aux instincts enfouis, à la convoitise, à la violence, à la haine raciale, au relativisme moral,
et montrer que, chaque fois qu'il y a au Viêt-nam une tête coupée et un oeil crevé et qu'en France on accepte, une fillette violée
et qu'en France on accepte, un Malgache supplicié et qu'en France on accepte, il y a un acquis de la civilisation qui pèse de son poids mort,
une régression universelle qui s'opère, une gangrène qui s'installe, un foyer d'infection qui s'étend et qu'au bout de tous ces traités violés,
de tous ces mensonges propagés, de toutes ces expéditions punitives tolérées, de tous ces prisonniers ficelés et "interrogés",
de tous ces patriotes torturés, au bout de cet orgueil racial encouragé, de cette jactance étalée,
il y a le poison instillé dans les veines de l'Europe, et le progrès lent, mais sûr, de l'ensauvagement du continent.
Et alors, un beau jour, la bourgeoisie est réveillée par un formidable choc en retour : les gestapos s'affairent,
les prisons s'emplissent, les tortionnaires inventent, raffinent, discutent autour des chevalets.
Il faudrait d'abord étudier comment la colonisation travaille à déciviliser le colonisateur, à l'abrutir au sens propre du mot,
à le dégrader, à le réveiller aux instincts enfouis, à la convoitise, à la violence, à la haine raciale, au relativisme moral,
et montrer que, chaque fois qu'il y a au Viêt-nam une tête coupée et un oeil crevé et qu'en France on accepte, une fillette violée
et qu'en France on accepte, un Malgache supplicié et qu'en France on accepte, il y a un acquis de la civilisation qui pèse de son poids mort,
une régression universelle qui s'opère, une gangrène qui s'installe, un foyer d'infection qui s'étend et qu'au bout de tous ces traités violés,
de tous ces mensonges propagés, de toutes ces expéditions punitives tolérées, de tous ces prisonniers ficelés et "interrogés",
de tous ces patriotes torturés, au bout de cet orgueil racial encouragé, de cette jactance étalée,
il y a le poison instillé dans les veines de l'Europe, et le progrès lent, mais sûr, de l'ensauvagement du continent.
Et alors, un beau jour, la bourgeoisie est réveillée par un formidable choc en retour : les gestapos s'affairent,
les prisons s'emplissent, les tortionnaires inventent, raffinent, discutent autour des chevalets.