Le coffre de mes rêves oubliés
Je grimpe une à une, les marches de l’escalier grinçant qui mène au grenier de mon esprit.
Mes pas mal assurés reflètent le sentiment de crainte qui habite mon cœur. La vieille porte en bois cache derrière elle, des trésors inestimables, les trésors de tous mes plus beaux rêves.
La vielle clenche, sous mes doigts tremblants, cède.
Dans l’unique pièce, les rais de lumière imposent un calme religieux. Les toiles d’araignées blanchâtres mêlées à la poussière accumulée donnent à l’ensemble, une teinte virginale.
Au centre, entre les fauteuils à bascule, les vieux jouets, livres, photos jaunies et papiers défraichis, trône, magistral, un coffre en bois avec une serrure d’argent.
Je détache à mon cou, la clé pendue depuis des années. Je vais l’ouvrir pour me remémorer tous mes secrets cachés.
J’y trouve mes envies d’espoir, cette petite fille qui rêve d’un monde en grand, un monde gentil, fait de sourires, de poésie, de féerie. D’un coup, toutes les princesses endormies, s’éveillent en baillant et main dans la main, commencent devant moi, une farandole………
J’y trouve mes envies d’amour, cette jeune fille qui rêve de prince charmant, de ballades romantiques au bord de la mer, de feu de cheminée en hiver, de promesses d’amour, de toujours.
Alors, sur son cheval blanc, le prince, devant mes yeux, sort son épée pour écarter les dangers et me prendre dans ses bras rassurants.
J’y trouve mes envies d’extase, cette femme fleurie qui s’abandonne au sens des plaisirs. Comme un tournesol, elle danse autour du soleil du désir et dans le plus beau des soupirs, se laisse cueillir.
Soudain, dans un sanglot, en levant les yeux, je me retrouve face à mon image, dans un vieux miroir à la glace brisée, trouble. Je contemple cette femme, bientôt à l’automne de sa vie, qui n’a rien compris, qui n’a rien suivi. Et les larmes se mettent à couler en un torrent de détresse.
Les princesses mouillées, le prince trempé, le soleil éteint du désir regagnent l’espace protégé du coffre douillet, dans un cri d’affolement.
Puis, dans le miroir, mon visage se ride, se durcit. Un sourire figé, un regard absent envahissent mon être tout entier. Insipide, tout devient insipide.
Je me relève avec le dos et les membres courbaturés. J’ai l’impression d’avoir 100 ans, de venir du néant. Le coffre au couvercle non refermé, se remplit de toute cette tempête de tristesse déversée. Mes rêves, les uns après les autres prennent une odeur de putréfaction, de rance, des couleurs délavées.
Je n’ai pas le courage ni l’envie de le refermer, je préfère tout laisser faner. Je laisse la porte de mon grenier ouverte, je dévale le plus vite possible les marches qui, sous mes pas, sous leurs grincements me donne une impression de souffrance.
J’ai envie de quitter mon esprit, de partir vers l’infini, tout laisser ici, recommencer une autre vie, ailleurs, ne plus commettre les mêmes erreurs, ne plus faire de rêves illusoires.
La clé entre mes mains me brule……. Alors je la jette le plus loin possible, je la jette au vent et peut importe qui la ramasse, je n’ai plus le moindre sentiment.
J’aurais aimé me réveiller et me dire que ce n’était qu’un cauchemar, du surmenage, que je suis fatiguée. Cela n’a aucune influence sur aujourd’hui ou demain, l’heure tourne. Dans le brouillard et la nuit hivernale, verglacée, enneigée, je dois fermer à clé la porte de l’appartement et partir, dans un soupir, pour aller ….. Travailler…. Dure réalité.