Une jument arabe, pure race attestée
S’échappa un matin d’un haras réputé
Et s’en alla joyeuse alentour des étangs
Où paissait librement un beau camargue blanc.
On la fit rechercher à grand frais, sans compter,
Et l’on n’eut pas de cesse avant de la trouver.
On sépara le couple et la fringante bête
Rentra à l’écurie où elle n’eut nulle fête :
Sa mère se lamentait, son père était furieux,
Ses frères la rejetaient et imploraient leur Dieu
On la traita d’impure, et la lapidation
Fut même envisagée pour lui donner leçon.
L’étalon camarguais retrouva son troupeau
Et ses proches parents parlaient à demi-mots :
Une Arabe, quelle horreur ! Comment est ce possible ?
La perfide intégriste l’avait elle pris pour cible ?
Onze mois sont passés et la belle jument,
Tout près de pouliner, s’échappe et se rend
Auprès du Vaccarès où l’attend l’étalon,
Inquiet pour sa moitié et pour son nourrisson.
L’enfant paraît enfin et le couple amoureux
Savoure son bonheur, en remerciant les cieux.
La pouliche est superbe et a reçu des dieux
Toutes les qualités de chacun des aïeuls :
Courage de Camargue, finesse d’Arabie
En un mot le meilleur des races réunies.
Or nos deux parentèles observent ce phénomène :
Car c’est bien un miracle que cet énergumène
Qui réussit si vite et dès son premier jour
A avoir près de lui, unies par son amour
Les familles rivales ! Les deux troupeaux se mêlent,
Et fêtent la naissance par un grand carrousel.
Là-haut c’est la fiesta et les Saintes-Maries
Auprès de Cupidon et d’Allah réunis
Entament des youyous de joie et d’allégresse
En rêvant que les hommes partagent même liesse
Et arrêtent enfin de s’entredéchirer
Autour d’un crucifix ou d’un croissant doré…