Et nous serons ensemble.
I.
I.
Puisque de nos chemins
Qui sont pourtant en nombre
Tu pus n’en suivre qu’un :
Celui qui va dans l’ombre.
Puisque l’on t’emprisonne
Au cachot de l’azur
Et que ma tête cogne
L’autre côté du mur.
Puisqu’un monde odieux
Te porte disparue.
Puisqu’on place les bœufs
Au cul de la charrue.
Puisque la vie qui passe
Explique à nos enfants
De bien suivre la trace
Faite par leurs parents,
Mais que les coups du sort
M’ont laissé, cœur à fendre,
Et qu’hélas ! Dans la mort,
C’est à toi de m’attendre.
Puisque, étoile filante,
Tu n’es plus que lueur
Fantôme qui ne hante,
Que la nuit de mon cœur.
Puisque mois après mois
Tous les jours, je te cherche,
Sans découvrir l’endroit
Où ton âme se perche.
II.
Je devrais me résoudre
A accepter du ciel
Ses méchants coups de foudre
Et son amour cruel ?
Puis goûter son eau dont
L’agneau se désaltère ?
L’eau qui frotte le front
A l’heure de prière !
Cette eau pleine de grâce
Bonne à laver les pieds,
Cette eau qui coule et passe
Aussi pour nous noyer.
Cette eau, cette eau, cette eau
De torrent et de trombe
Qui n’est plus pour mon seau
Puisqu’elle noie ta tombe.
Cette eau impropre à boire
Et qui depuis n'est plus
Pour ma soif une poire,
Pour mon âme, un salut.
Je devrais, pénitent,
M’approcher d’un messie,
M’accuser du beau temps
M’accuser de la pluie ?
Jurer que dieu doit être
Le berger d’un troupeau ?
Fait pour envoyer paître,
Aussi, le frêle agneau !
Puis croire un court moment,
Le temps d’un mot, d’un verbe,
Qu’existe au firmament
Une idole superbe ?
Un dieu de sacristie
Qui, bon père éternel,
Aux minuits de ma vie
Redescendrait du ciel !
Alors ayant enfin,
Comme fait l’araignée,
Relié d’un fil fin
Le ciel à ma pensée,
Le cœur rempli de joie
Je pourrais en douceur
Tirer mon fil de soie,
Bon chrétien, bon pêcheur,
Et ce fil s’en allant
Rejoindre ton nuage
Beau fil de cerf-volant
Porte-lui ce message :
III
« Puisque l’on t’emprisonne
Ma fille, en cet azur,
Et que ma tête cogne
L’autre côté du mur.
Que je reste, amoché,
Si seul, là, impavide
Un pied sur le rocher
Et l’autre dans le vide,
Prêt à sauter, sans doute,
Ou à tomber enfin
Ne faisant rien qui coûte
Une erreur au destin.
Et puisque ici je suis
Un flocon sans banquise,
Un arbre sans son fruit
Un amour sans Venise,
Une terre infertile,
Ou l’eau qui coule à flot,
Mais qui coule inutile
Sans son poisson dans l’eau.
Et puisque j’ai le droit
De souffrir en silence,
Le droit d’être à la fois
Fait d’amour, de souffrance.
Puisque tout me déchire,
Me coupe en deux fois rien ,
Que là-haut, tout m’attire
Qu’ici, tout me retient.
Que je suis un flambeau
Que toi tu fus chandelle
Que la mort est l’oiseau
Qui te porte sur l’aile.
Puisque, douce Ophélie,
Tu es partie si loin
Prise par l’apathie
Dans le noir, dans le rien !
Puisque tu as si froid,
Puisque tu es si morte,
Que ce n’est jamais toi
Quand on frappe à ma porte.
Que j’ai pris à la vie
Ses secrets, un par un,
Et l’étude finie
Je sais tout du chagrin.
IV
J’attends donc que mon temps
Atteigne son impasse,
Que vienne le moment
De marcher sur ta trace.
Pour que la charrue passe
Attelée à ses bœufs
Car la seconde place
Dans la mort me va peu.
Donc n’être plus vivant
Être qui te ressemble,
Comme aux beaux jours d’avant
De nouveau être ensemble.
J’ai ce but, te rejoindre,
Et nous nous rejoindrons
Où l’aube ne peut poindre,
Où tout n’est que goudron,
J’irai, sur ton chemin
Vers l’ombre de ta cendre,
Vers le noir, vers le rien,
Mais vers ton trois décembre. »
Le 15/04/2015.