VOYAGE EN DEHORS DU TEMPS
hors concours
J’ai parcouru les trois quart de mon voyage. Dans un impalpable vertige je contemple cette pente qui m’entraine inexorablement vers le néant.
Devrai-je dévaler cette sente en n’ayant crainte des broussailles épineuses qui me fouetteraient le visage ? Devrai-je me laisser glisser en douceur malgré les embuches rocailleuses et coupantes ? Pourrai-je simplement rebrousser chemin et remonter le temps ?
Je voudrai retrouver les pas de mes grands-parents, partager leur enfance, leurs peines, leurs émois, leurs tables d’écoliers…
XXème, XIXème, XVIIIème se tournent tel un ouvrage feuilleté à l’envers, comme une pendule détraquée…
Zola m’a convié à la table de Gervaise, Voltaire m’a entrainé sur les illusions de Candide, Molière m’a enseigné sur l’école des femmes…
VIIème, VIème, Vème siècles s’effacent derrière moi, les silhouettes de Charlemagne, Pépin le Bref, Dagobert s’estompent progressivement.
Je me veux de retourner à mes sources profondes sur les voies de la Palestine, du Sinaï, du désert et plus encore.
Je me faufile dans le passé, au temps de mes premiers gènes. Semence d’Australopithèque, de Neandertal, dans une caverne j’ai entrevu mes ancêtres. Ils dessinaient sur les parois rocheuses le contour de leurs mains, ils se réchauffaient à la flamme du premier feu.
Et je chemine plus loin encore et encore, bien avant que la terre ne prenne forme, ne prenne vie.
Je ne suis rien qu’un grain de poussière, insignifiant filament du cosmos.
Je ne suis que le balbutiement d’une âme en cet univers qui naitra un jour de l’amour d’un père, de l’amour d’une mère.
Et je file telle une étoile filante, profilant une faible lueur au travers l’immensité des galaxies.
Je suis la pluie, je suis le vent, je m’évapore, je suis légère.
Mais en ces ères intemporelles le cordon d’argent me retient, me tire, me ramène à la réalité du présent.
Brusquement je me retrouve en mon corps et sais que je dois poursuivre l’itinéraire qui m’est offert, qui m’est tracé.
La pente ne me parait plus abrupte. Le voyage de la vie doit s’effectuer pas à pas. Debout où en rampant j’arpenterai cet asphalte au fil des ans.
J’ai compris que je retournerai poussière et voguerai par delà mes pensées, telle une infime lumière dans le firmament.