Souripolis*
En un lointain pays vivait la gent souris.
La paix régnait alors en l'absence de chat
Groradeprus* leur chef était un vieux pacha
Fort épais par la taille mais fin par son esprit.
Il gouvernait son monde de libérale manière.
Ses sujets peu nombreux en faisaient à leur guise,
Ils vaquaient çà et là en leur ministère.
Mais le travail sur eux n'ayant que peu d'emprise,
Ils désertaient souvent allaient à l'aventure.
Groradeprus lui-même occupait peu son trône,
Préférant et de loin reposer ses neurones.
Des Césars anciens, il n'avait point l'allure
Mais son peuple l'aimait, il y trouvait son compte.
Or, un jour survint, où, piqué par une mouche,
Ce bon Groradeprus se leva de sa couche.
"ma paresse, dit-il, remplit mon cœur de honte.
Il me faut travailler éprouver de la peine,
Dusse-je pour cela franchir nos frontières,
Le labeur ici-bas abandonnant nos terres.
Il existe un royaume en des contrées lointaines
Où l'on sue à l'ouvrage sans le moindre repos.
J'irai y réapprendre les gestes naturels
Et reviendrai nourri d'expériences nouvelles".
Devant un tel discours personne ne pipait mot,
Pas même Chasselépus son fidèle vassal.
Groradeprus partit, on ne le revit point
Dans l'histoire des peuples, de près ou de loin,
On ne trouve cas semblable, il est original
Qu'un roi en exercice troque son précieux sceptre
Pour un mauvais bâton en vulgaire bois de hêtre.
"Groradeprus souquant au fond d'une galère
Il faut à Souripolis élire un nouveau maire".
C'est par ces mots pleins de bon sens
Que l'abbé Dominum, une pieuse éminence,
Acheva son sermon devant le peuple rat.
Ce prélat parlait d'or, une ville sans tête
Est soumise à tous vents comme une girouette.
Ses sujets les plus probes deviennent scélérats,
Grisés par l'air nouveau, s'arrogent tous les droits.
Souripolis, déjà, souffrait de ce tournis.
Maître Chasselépus, son aide Ratiomini
Avaient pris le maquis, se mettant hors la loi,
Ils laissaient en souffrance les affaires de l'Etat.
Les grimoires s'empilaient par milliers et par tonnes,
Le désordre était là, il régnait sans couronne.
Le royaume menacé, la cour des rats vota.
Les consuls tout d'abord, les sénateurs enfin.
Le peuple ne vota pas, sa voix est bien trop mince.
Le nain Belotari fut choisi comme prince
On voulait un géant, on élit un lutin.
Le scrutin a des voix qui sont impénétrables.
Petit de taille, certes, mais grand par les moustaches,
Belotari avait l'allure d'une ganache.
Mais qu'on ne se leurre pas, c'était un nain capable
Comme l'avait jugé la nomenclatura.
De fait, dans les minutes, les renégats furent pris.
Conduits devant le prince au tribunal des rats
Ils décrirent la nature dont ils s'étaient épris:
La beauté des blés mûrs dans les champs alentour,
Les pommes des vergers dorées par le soleil…
En vain ! Belotari prisant peu ce discours,
Leur remit en mémoire les grimoires en sommeil.
Ils durent s'atteler à leur tâche d'écriture.
Dès lors, Souripolis vécut sous la férule,
D'un raton despotique borné comme une mule.
A l'anarchie d'antan fit place la dictature.
Plus un bruit, un murmure, pas une âme qui vive,
Un manteau de silence drapait la capitale.
Les rats claquemurés maudirent leur général,
Ils regrettaient tous fort leur existence oisive.
La cabale couvait. Elle allait éclater.
Ce fut Chasselépus qui instigua l'affaire
Il truffa les grimoires de mille énormités.
Celui qui dans l'Etat fut un haut commissaire,
Un talent reconnu parmi les rats de plume,
Devint pour la cause un tâcheron infâme.
Belotari ne put découvrir la trame,
Il avait le cerveau épais comme une enclume,
Ce qui pour sa race est un fait plutôt rare.
Les grimoires remplis de la manière qu'on sait
Furent tous paraphés par la main du benêt
Et expédiés de suite sans le moindre retard
Dans les vingt six districts* que comptait le royaume.
Jugez de la stupeur de ces rats de province
Quand ils découvrirent les écritures du gnome !
Quoi ! est-ce donc cela le langage d'un prince !
Voilà qu'en un instant la vérité parut.
On mesura le nain dans toute sa hauteur,
D'esprit comme de taille il n'avait de grandeur.
Chez ces rats de latin et de grec férus,
Le mépris était fort. Un roi nain passe encore
Mais un inculte non ! on le lui fit savoir
L'indécrottable sot ne voulut pas le croire.
N'était-il pas un Dieu, la tête nimbée d'or?
Attaquer son esprit relevait du blasphème.
Il ne répondit pas, se jugeant supérieur
A ces jurisconsultes lui jetant l'anathème
Mais la messe était dite pour ce pauvre seigneur.
Queue et pattes liées, c'est dans cet équipage
Qu'il fut mené de force devant l'aréopage
Des vieux rats de justice. La sentence fut brève
A l'image du sire. On réclama la mort.
A la tapette dressée sur la place de Grève,
Le raton fut livré pour qu'il expie ses torts.
N.B.:Fort épais par la taille mais fin par son esprit.
Il gouvernait son monde de libérale manière.
Ses sujets peu nombreux en faisaient à leur guise,
Ils vaquaient çà et là en leur ministère.
Mais le travail sur eux n'ayant que peu d'emprise,
Ils désertaient souvent allaient à l'aventure.
Groradeprus lui-même occupait peu son trône,
Préférant et de loin reposer ses neurones.
Des Césars anciens, il n'avait point l'allure
Mais son peuple l'aimait, il y trouvait son compte.
Or, un jour survint, où, piqué par une mouche,
Ce bon Groradeprus se leva de sa couche.
"ma paresse, dit-il, remplit mon cœur de honte.
Il me faut travailler éprouver de la peine,
Dusse-je pour cela franchir nos frontières,
Le labeur ici-bas abandonnant nos terres.
Il existe un royaume en des contrées lointaines
Où l'on sue à l'ouvrage sans le moindre repos.
J'irai y réapprendre les gestes naturels
Et reviendrai nourri d'expériences nouvelles".
Devant un tel discours personne ne pipait mot,
Pas même Chasselépus son fidèle vassal.
Groradeprus partit, on ne le revit point
Dans l'histoire des peuples, de près ou de loin,
On ne trouve cas semblable, il est original
Qu'un roi en exercice troque son précieux sceptre
Pour un mauvais bâton en vulgaire bois de hêtre.
"Groradeprus souquant au fond d'une galère
Il faut à Souripolis élire un nouveau maire".
C'est par ces mots pleins de bon sens
Que l'abbé Dominum, une pieuse éminence,
Acheva son sermon devant le peuple rat.
Ce prélat parlait d'or, une ville sans tête
Est soumise à tous vents comme une girouette.
Ses sujets les plus probes deviennent scélérats,
Grisés par l'air nouveau, s'arrogent tous les droits.
Souripolis, déjà, souffrait de ce tournis.
Maître Chasselépus, son aide Ratiomini
Avaient pris le maquis, se mettant hors la loi,
Ils laissaient en souffrance les affaires de l'Etat.
Les grimoires s'empilaient par milliers et par tonnes,
Le désordre était là, il régnait sans couronne.
Le royaume menacé, la cour des rats vota.
Les consuls tout d'abord, les sénateurs enfin.
Le peuple ne vota pas, sa voix est bien trop mince.
Le nain Belotari fut choisi comme prince
On voulait un géant, on élit un lutin.
Le scrutin a des voix qui sont impénétrables.
Petit de taille, certes, mais grand par les moustaches,
Belotari avait l'allure d'une ganache.
Mais qu'on ne se leurre pas, c'était un nain capable
Comme l'avait jugé la nomenclatura.
De fait, dans les minutes, les renégats furent pris.
Conduits devant le prince au tribunal des rats
Ils décrirent la nature dont ils s'étaient épris:
La beauté des blés mûrs dans les champs alentour,
Les pommes des vergers dorées par le soleil…
En vain ! Belotari prisant peu ce discours,
Leur remit en mémoire les grimoires en sommeil.
Ils durent s'atteler à leur tâche d'écriture.
Dès lors, Souripolis vécut sous la férule,
D'un raton despotique borné comme une mule.
A l'anarchie d'antan fit place la dictature.
Plus un bruit, un murmure, pas une âme qui vive,
Un manteau de silence drapait la capitale.
Les rats claquemurés maudirent leur général,
Ils regrettaient tous fort leur existence oisive.
La cabale couvait. Elle allait éclater.
Ce fut Chasselépus qui instigua l'affaire
Il truffa les grimoires de mille énormités.
Celui qui dans l'Etat fut un haut commissaire,
Un talent reconnu parmi les rats de plume,
Devint pour la cause un tâcheron infâme.
Belotari ne put découvrir la trame,
Il avait le cerveau épais comme une enclume,
Ce qui pour sa race est un fait plutôt rare.
Les grimoires remplis de la manière qu'on sait
Furent tous paraphés par la main du benêt
Et expédiés de suite sans le moindre retard
Dans les vingt six districts* que comptait le royaume.
Jugez de la stupeur de ces rats de province
Quand ils découvrirent les écritures du gnome !
Quoi ! est-ce donc cela le langage d'un prince !
Voilà qu'en un instant la vérité parut.
On mesura le nain dans toute sa hauteur,
D'esprit comme de taille il n'avait de grandeur.
Chez ces rats de latin et de grec férus,
Le mépris était fort. Un roi nain passe encore
Mais un inculte non ! on le lui fit savoir
L'indécrottable sot ne voulut pas le croire.
N'était-il pas un Dieu, la tête nimbée d'or?
Attaquer son esprit relevait du blasphème.
Il ne répondit pas, se jugeant supérieur
A ces jurisconsultes lui jetant l'anathème
Mais la messe était dite pour ce pauvre seigneur.
Queue et pattes liées, c'est dans cet équipage
Qu'il fut mené de force devant l'aréopage
Des vieux rats de justice. La sentence fut brève
A l'image du sire. On réclama la mort.
A la tapette dressée sur la place de Grève,
Le raton fut livré pour qu'il expie ses torts.
*Souripolis n'est autre que le bureau du contentieux des pensions du ministère des anciens combattants.
*On se doute bien que Groradeprus et les autres personnages qui peuplent cette histoire ne sont pas des personnages de fiction.
*Les districts sont en fait les tribunaux administratifs.