Nuit de Noël
Durant le long hiver de l’an dix huit cent deux,
Dans mon village un peu perdu, on sortait peu.
On restait entre soi, au cœur de nos maisons,
Attendant le printemps avec obstination.
On ne se retrouvait qu’une fois par semaine,
Le dimanche matin, à l’heure de la messe.
C’est là qu’on racontait nos rires et nos peines,
Qu’on échangeait sur un décès, une grossesse.
C’est ainsi que l’on su que la jeune Marie
Qui avait dû fauter, tantôt, pendant l’été,
Par notre bon curé avait été bannie.
Du réconfort de Dieu, elle était exilée.
Elle devait mettre au monde un enfant sans père,
Seule et abandonnée, en plein cœur de l’hiver.
On ne la plaignait pas, elle l’avait bien cherché,
Tous les beaux gars du coin, elle avait attiré !
Alors qu’il neigeait fort, la mi nuit de Noël,
Nous convergeâmes tous vers le saint édifice,
Tous, mais pas la Marie, ni Joseph le métis,
Trop différent de nous, pas né sous notre ciel.
Sur l’autel, tout le long de la nef et au chœur,
Des cierges et des torches, de longs candélabres
Devaient illuminer cette nuit de bonheur
Où l’enfant Dieu venait défier le macabre.
Mais on eût beau tenter mille fois d’allumer,
Pas une flamme pour percer l’obscurité.
Même le cierge Pascal, sacré et consacré,
Resta cette nuit là complètement glacé.
Dieu avait déserté notre pieuse assemblée.
Pourquoi ? Qu’avions nous fait pour être ainsi punis ?
Nous rentrâmes chez nous, accablés, consternés,
Pleurant sur notre sort qui nous anéanti.
En traversant tristement le sombre parvis,
Nous vîmes scintiller dans une rue voisine
Une intense lumière, une étoile divine.
Courant soudainement et poussant de grands cris,
Nous allâmes tous ensemble voir le miracle.
La maison qui brillait comme un millier de cierges
Était le cabanon de cette fausse vierge.
De quel divin mystère était il réceptacle ?
Devant nous s’ouvrirent porte, fenêtre et grange,
Nous laissant entrevoir, sur un lit de misère,
Marie et son enfant, entourés de lumière,
Et tendrement réchauffés par Joseph, l’étrange.
Sous nos yeux éblouis, nos cœurs émerveillés,
Des nuées d’anges blancs descendirent des cieux
Chantant à mille voix la louange de Dieu.
Venez fêter Noël ! Un enfant nous est né !