LE RETRAITE
Hourra ! Hourra ! je suis content
Heureux d'avoir mes soixante ans
Age qui fait que, je suis partant
A la retraite dans pas longtemps
J'ai tout perdu, verve et allant
Et je vous quitte, les cheveux blancs,
Le dos courbé, le corps tremblant
Pour la retraite, c'est mon bilan
Aussi, en fin de ce parcours
Même binoclard et un peu sourd
Ce qui me reste de mes vieux jours
Est une retraite sur du velours
Mais des collègues; coéquipiers
Paraissent attendre et, même épier
Juste l'arrivée d'un bout d'papier
Pour me flanquer un coup de pied
Comme c'est la fin de ma carrière,
D'une vie active pleine et entière
A cause de l'âge, cette barrière
On me rebute à la fourrière
Mais rien ne peut plus m'empêcher
D'aller en cure; ou bien pêcher
En bord de mer; sur les rochers
Loin des divers sons de clocher
Je passerai d'ces belles journées
Dans les jardins à me prom'ner
Ou bien à faire des randonnées
En hautes montagnes, où je suis né
Puis, comme c'est pas toujours le cas
Et que j'ai eu la baraka
On arrose ça à la coca,
Fanta, mille-feuilles et des moka
Mais c'est étrange et c'est curieux
Car j'ai des larmes au fond des yeux
D'être obligé d'quitter ces lieux
Où l'on transforme les jeunes en vieux
Au fond, j'aimerai ne pas partir
Juste pour ne pas un peu mourir
Trimer encore; pour me sentir
A ce bas monde, appartenir
La vie passive et en retrait
Qu'on vous réserve, quand le portrait
Est abîmé et plein de traits
Est monotone et sans attrait
Me voilà donc, un retraité
Déjà usé et; dégoûté
Inquiet, déçu et dérouté
Sans rôle ni place en société
D'ailleurs j'existe de moins en moins
Comme une potiche dans un p'tit coin
Où je médite et fait le point,
Sur mon vécu; proche et si loin
En plus de ça y a pas d'mystère
Je ne suis qu'un allocataire
D'une pension alimentaire
Qui fait survivre, genoux à terre
La vie n'est plus ce qu'elle était
Pour les âgés et retraités
Qui, méprisés et rejetés
Souhaitent ... partirent et nous quitter
Un phénomène est apparu
L'amour filial a disparu
Qu'on jette dehors à même la rue
Ses vieux parents; qui l'aurai cru ?
Il ya parmi la cloche d'Alger
De vielles épaves au coeur chargé
Des retraités, vrais naufragés
Que la fortune a négligés
Nos vénérés ces vieux chenus
Ces sans abri, sans revenu;
Ces sans famille ou même "connus"
Jonchent nos ruelles et avenues
L'âme brisée et, affligés
Les plus chanceux, sont obligés
D'être cédés ou hébergés
Dans des hospices entre étrangers
De jeunes fougueux, pris par l'ivresse
De la jouvence et l'allégresse
Oublient qu'au bout de la jeunesse,
Si Dieu prête vie, y'a la vieillesse
La merveilleuse piété filiale
De nos aïeux est primordiale
Elle vaut toutes les caisses sociales
Grâce à sa douce vie familiale.
MERZAK OUABED
Alger, 1992