Nous utilisons des cookies pour vous garantir la meilleure expérience sur notre site web.
Si vous continuez à utiliser ce site, nous supposerons que vous en êtes satisfait.

  • Visiteur, merci de ne pas poster plus de 5 poèmes par jour. Ceci dans le but d'améliorer la visibilité du site.

Yvette Horner revisitée (1922-2018)

Filiatus

Maître Poète
#1
Monsieur Saint-Pierre, s'il vous plaît
Dernièrement un de vos anges
A dû réceptionner, en mai
Une dame aux cheveux orange

Monsieur le grand maître des saints
Cette dame n'est pas "beatnik"
Pas plus "hippie" que "punk à chien"
Juste un petit peu excentrique

Pour éviter le purgatoire
À la douce et gentille Yvette
Je vais vous raconter l'histoire
De cette reine du musette

À Tarbes, un beau jour d'automne
De l'année mil neuf cent vingt-deux
Vient au monde notre championne
Qui trille sur "areu-areu"

À peine quitté le berceau
On lui enseigne la musique
Passant du hochet au piano
Mais les parents peu romantiques

Ou peut-être un peu féministes
Soucieux d'un avenir pour elle
Conviennent qu'elle soit pianiste
Mais avec deux jolies bretelles

Son éducation se poursuit
À Paris où la jeune Yvette
Apprend compo et harmonie
Pour être une artiste complète

Quand elle revient au pays
C'est pour épouser un copain
Qui joue au football aujourd'hui
À Bordeaux, dans les Girondins

Entrevoyant un horizon
Prospère dans l'accordéon
Le mari, en fin de saison
Raccroche vite ses crampons

Et ainsi l'ancien footballeur
S'il n'est pas son imprésario
Devient le premier supporteur
De sa championne sans maillot

Les amis de son charmant prince
Ont des relations à Paris
Elle quitte alors sa province
Ses petits bals du samedi

Et du théâtre obscur et sale
Au fin fond de l'Occitanie
C'est dans de grandes belles salles
Que notre Yvette se produit

Elle joue si bien et si vite
À quatre notes par secondes
Qu'en mil neuf cent quarante-huit
La voilà championne du monde

Elle remporte bien des prix
Elle décroche bien des lots
Mais le plus noble c'est celui
De l'Académie Charles-Cros

En mil neuf cent cinquante-deux
L'accordéoniste a trente ans
Et pour se dérider un peu
Accepte un contrat amusant

Un mécène du Tour de France
Sachant la popularité
De l'artiste veut sa présence
Musicale à chaque arrivée

Durant de nombreuses années
Coiffée d'un joli sombrero
Sur le toit d'une auto, juchée
Elle joue rumbas et pasos

Et quand se termine le Tour
On la retrouve en bord de Seine
Où elle est reine des "Six-Jours"
Reine de la "petite reine"

Quand viennent les années soixante
Yvette passe aux oubliettes
Antoine et "Les Problèmes" chantent
Qu'ils préfèrent la clarinette

Pendant toute une décennie
Les "Yé-Yé" sont maîtres du monde
D'Angleterre aux États-Unis
Le twist s'installe sur les ondes

Verchuren, Azzola, Ledrich
Et notre Yvette nationale
Se contentent de quelques niches
Quelques émissions matinales

En quatre-vingt, Jean-Paul Gaultier
Le grand couturier fantaisiste
Relooke de la tête aux pieds
Notre aimable accordéoniste

Le grand couturier lui dessine
Une toilette en "Tour-Eiffel"
Et une crinière rouquine
Cache ses cheveux poivre et sel

Lors, la jeune sexagénaire
Retrouve la notoriété
Mais son bonheur est éphémère
Car son mari vient d'expirer

Elle revient dans la lumière
Vêtue en tricolore, à l'aise
Jouant pour le bicentenaire
De la Révolution française

En mil neuf cent quatre-vingt-dix
C'est au Casino de Paris
Que ses amis se réunissent
Pour applaudir ses mélodies

Neuf ans plus tard, la bonne Yvette
Près de Béjart est enrôlée
Pour le ballet "Casse-noisette"
Au théâtre du Châtelet

Après avoir écrit un livre
Où elle vide sa musette
Elle vend ses biens et part vivre
Dans une maison de retraite

Ce qui n'empêche pas la dame
À quatre-vingt-cinq ans, ma foi
Pour retrouver un gentleman
De faire le mur quelquefois

Sa toute dernière escapade
C'est pour retrouver Azzola
Mais là, plus vieille que malade
Dame Yvette ne revient pas