Dans le passé, les grands poètes
Se réunissaient en salons
Et d'une rime guillerette
Échangeaient maintes opinions
Puis un beau jour la chansonnette
Remplaça ces académies
Et les derniers princes poètes
Se muèrent en rois maudits
C'est à l'un de ces derniers maîtres
Bien loin d'être le plus connu
Mais un des plus complets, peut-être
Que mon poème est dévolu
Lorsque Stéphane, à la lumière
Ouvre ses petits yeux surpris
Ses parents sont haut-fonctionnaires
Dans un ministère à Paris
Il perd sa mère vers cinq ans
Son père tout à ses fonctions
Confie Stéphane aux grands-parents
Qui le mettent vite en pension
Là, il est si mauvais élève
Qu'il se fait bientôt renvoyer
Et les deux bons aïeux l'élèvent
Entre l'école et le foyer
En mil huit cent cinquante-sept
Pensionnaire au lycée de Sens
Il étudie les grands poètes
Et dans la rime aussi se lance
Il entre dans la vie active
Comme jeune surnuméraire
Être prof, certes le motive
Mais moins qu'Hugo et Baudelaire
À Sens, il fait la connaissance
D'une avenante gouvernante
Une Allemande de naissance
Qu'il aime séance tenante
Le couple quitte l'Hexagone
Pour l'Angleterre, un an complet
Puis se fixe à Tournon-sur-Rhône
Où Stéphane enseigne l'anglais
C'est là, entre deux vers de rêve
Las de goûter "L'Amer repos"
Que naît sa fille Geneviève
Une muse dans son berceau
Ami de Frédéric Mistral
Et des poètes autochtones
Il écrit dans l'air provençal
D'un jet "L'Après-midi d'un faune"
En mil huit cent soixante-sept
Il est en poste à Avignon
Mais rien ne va plus dans sa tête
Il fait comme une dépression
Lors, en quête de beauté pure
Que seuls les arts peuvent créer
Stéphane entreprend l'écriture
D'un conte que l'on peut chanter
À vingt-huit ans, il démissionne
De son poste de professeur
En même temps qu'à Sedan sonne
L'abdication de l'Empereur
Après un cours séjour à Sens
Où son fils Anatole naît
C'est au cœur de l'île de France
Que s'installent les Mallarmé
Rue de Moscou, dans le huitième
Chaque mardi, Stéphane invite
Les grands commetteurs de poèmes
Plumes bénies, plumes maudites
Édouard Manet, Arthur Rimbaud
Paul Verlaine, Émile Zola
Même le grand Victor Hugo
Sont passés une fois, par là
Stéphane, de santé fragile,
Acquiert près de Fontainebleau
Une ancienne auberge tranquille
Où "les jours s'engouffrent dans l'eau"
En mil huit cent quatre-vingt-quatre
Stéphane a quarante-deux ans
Les jeunes auteurs l'idolâtrent
Les anciens sont condescendants
Mais la valeur de ses écrits
Ne nourrissant pas le brave homme
Au lycée Janson-de-Sailly
L'Instruction publique le nomme
Et retrouvant le fol espoir
Il écrit sans hésitation
"M'introduire dans ton histoire"
Un poème sans ponctuation
Toujours fécond, presque prolixe
Il écrit maintes poésies
Dont le fameux "Sonnet en X"
Sur lequel Paris s'extasie
À quarante-neuf ans, Stéphane
A la santé qui se délabre
Mais point ne s'aide d'une canne
Foin de cette danse macabre !
En novembre quatre-vingt-treize
Il prend sa retraite, en avance
Et pour la capitale anglaise
Il part faire des conférences
La mort de son ami Verlaine
Survenant sur ces entrefaites
Lui confère avec quelque gêne
Le rang de prince des poètes
En janvier quatre-vingt-dix-huit
À Zola, il offre son aide
Contre le peuple qui s'excite
Sur le pauvre Dreyfus Alfred
Retiré dans sa maisonnette
De Seine-et-Marne, au bord de l'eau
Soudain le prince des poètes
Au suivant passe le flambeau
Se réunissaient en salons
Et d'une rime guillerette
Échangeaient maintes opinions
Puis un beau jour la chansonnette
Remplaça ces académies
Et les derniers princes poètes
Se muèrent en rois maudits
C'est à l'un de ces derniers maîtres
Bien loin d'être le plus connu
Mais un des plus complets, peut-être
Que mon poème est dévolu
Lorsque Stéphane, à la lumière
Ouvre ses petits yeux surpris
Ses parents sont haut-fonctionnaires
Dans un ministère à Paris
Il perd sa mère vers cinq ans
Son père tout à ses fonctions
Confie Stéphane aux grands-parents
Qui le mettent vite en pension
Là, il est si mauvais élève
Qu'il se fait bientôt renvoyer
Et les deux bons aïeux l'élèvent
Entre l'école et le foyer
En mil huit cent cinquante-sept
Pensionnaire au lycée de Sens
Il étudie les grands poètes
Et dans la rime aussi se lance
Il entre dans la vie active
Comme jeune surnuméraire
Être prof, certes le motive
Mais moins qu'Hugo et Baudelaire
À Sens, il fait la connaissance
D'une avenante gouvernante
Une Allemande de naissance
Qu'il aime séance tenante
Le couple quitte l'Hexagone
Pour l'Angleterre, un an complet
Puis se fixe à Tournon-sur-Rhône
Où Stéphane enseigne l'anglais
C'est là, entre deux vers de rêve
Las de goûter "L'Amer repos"
Que naît sa fille Geneviève
Une muse dans son berceau
Ami de Frédéric Mistral
Et des poètes autochtones
Il écrit dans l'air provençal
D'un jet "L'Après-midi d'un faune"
En mil huit cent soixante-sept
Il est en poste à Avignon
Mais rien ne va plus dans sa tête
Il fait comme une dépression
Lors, en quête de beauté pure
Que seuls les arts peuvent créer
Stéphane entreprend l'écriture
D'un conte que l'on peut chanter
À vingt-huit ans, il démissionne
De son poste de professeur
En même temps qu'à Sedan sonne
L'abdication de l'Empereur
Après un cours séjour à Sens
Où son fils Anatole naît
C'est au cœur de l'île de France
Que s'installent les Mallarmé
Rue de Moscou, dans le huitième
Chaque mardi, Stéphane invite
Les grands commetteurs de poèmes
Plumes bénies, plumes maudites
Édouard Manet, Arthur Rimbaud
Paul Verlaine, Émile Zola
Même le grand Victor Hugo
Sont passés une fois, par là
Stéphane, de santé fragile,
Acquiert près de Fontainebleau
Une ancienne auberge tranquille
Où "les jours s'engouffrent dans l'eau"
En mil huit cent quatre-vingt-quatre
Stéphane a quarante-deux ans
Les jeunes auteurs l'idolâtrent
Les anciens sont condescendants
Mais la valeur de ses écrits
Ne nourrissant pas le brave homme
Au lycée Janson-de-Sailly
L'Instruction publique le nomme
Et retrouvant le fol espoir
Il écrit sans hésitation
"M'introduire dans ton histoire"
Un poème sans ponctuation
Toujours fécond, presque prolixe
Il écrit maintes poésies
Dont le fameux "Sonnet en X"
Sur lequel Paris s'extasie
À quarante-neuf ans, Stéphane
A la santé qui se délabre
Mais point ne s'aide d'une canne
Foin de cette danse macabre !
En novembre quatre-vingt-treize
Il prend sa retraite, en avance
Et pour la capitale anglaise
Il part faire des conférences
La mort de son ami Verlaine
Survenant sur ces entrefaites
Lui confère avec quelque gêne
Le rang de prince des poètes
En janvier quatre-vingt-dix-huit
À Zola, il offre son aide
Contre le peuple qui s'excite
Sur le pauvre Dreyfus Alfred
Retiré dans sa maisonnette
De Seine-et-Marne, au bord de l'eau
Soudain le prince des poètes
Au suivant passe le flambeau