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Rencontre

Eléâzar

Maître Poète
#1
Un enfant vint vers moi en bordure de route
Et me demanda l’heure avec l’air apeuré ;
Pendant un court instant, je fus pris par le doute
Craignant que, brusquement, il se mette à pleurer.

Je me suis rapproché un peu plus en avant ;
Je lui ressemblais tant lorsque j’étais un gosse !
Le nez un peu morveux et la bouche bavant
Sur le festin qu’il vit servir un jour de noce.

Je mourrais d’envie de savoir des tas de choses
Sans oser déflorer son bouquet de secrets ;
Etait-il – comme moi – un amoureux des roses
Qu’il offrait aux reclus, aux humbles, aux discrets ?

Je repense à l’endroit de ce rapide échange
Avec ce petit homme, aujourd’hui disparu ;
A-t-il suivi la voie royale d’un archange
Ou un démon est-il devant lui apparu ?

J’ai cru le retrouver sur le quai d’une gare
Avec ses longues mains et ses grands yeux éteints
Prêt à prendre un train et j’ai crié : ho, hé, gare !
Crois-tu qu'où tu vas toi, tu as droit au festin ?

(Ne sommes-nous pas mus par le fruit du hasard
Si se sème un poème à même sur la crème
D’un gâteau de fête laissé dans un bazar
A laisser pantois un pondeur de théorème ?)

Puis, avisant un banc de plastique et recru
De fatigue et de stress, j’ai suspendu ma vue
Et j’ai cauchemardé (en pensant, je l’ai cru)
Avoir fait avec ce petit une bévue.

J’ai grimpé dans le train et me mis à renaître
En me rappelant le garçonnet que j’étais,
Salissant de morve et de bave la fenêtre
Dont la vitre sans tain me faisait voir l’été.
 
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