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Les pensées célèbres, celles de la Vagabonde de la Poésie, les pensées Momoriciennes et les vôtres si le coeur vous en dit

C’est très vrai !
Merci chère Paule
Je suis en plein travail littéraire, reprendre tous mes écrits en prose pour essayer de les parfaire demande un travail surhumain et comme disait Flaubert nous ne sommes que des hommes.
Chaque fois je pense toucher au but avant de m’apercevoir qu’une virgule n’est pas à la bonne place !
Puis il y a l’orthographe avec toutes ses subtilités, qui font que tu penses avoir zéro faute, et quand tu relis à nouveau ton récit de huit pages tu déniches l’intrus dans le coin d’une phrase !
Quand je pense que Charles Baudelaire a piqué une crise de nerfs parce que sa maison d’édition avait mis une virgule où il ne fallait pas !
Et que dire de Flaubert qui après avoir placé deux génitifs qui se suivent dans madame Bovary n’a jamais pu s’en remettre !
Ils le suivront jusque dans sa tombe !
Écrire à la perfection est décidément très compliqué !
Mais je suis un perfectionniste et je finirai par y arriver sûrement !
Je dois revoir Biarritz, hier je pense que j’ai fini par mettre un point final à : Anselme et Cyprien.
Bonne journée chère enfant
Je t’embrasse
Maurice
 
Ils ont été considérés comme des fainéants!

Ne vous faites pas trop d’illusions sur la considération que pouvez avoir les gens sur les plus grands artistes de la plume, du pinceau, de la musique, ou de la sculpture à toutes les époques.
Beaucoup ont eu une enfance malheureuse, ce qui leur a permis de développer un art avec une sensibilité à fleur d’encre.
L’émotion ne peut germer et se développer réellement que dans l’histoire vécue.
L’imagination n’a que très peu d’appuis pour développer écrit au rendu émotionnel intense.
Les écrivains entre-autres ont souffert de la proximité qu’ils avaient avec les bouches d’ombres.
Ainsi Arthur Rimbaud en colère écrit : " J’ai horreur de tous les métiers ! Maîtres et ouvriers, tous paysans, ignobles, la main à la plume vaut la main à la charrue".
Le très grand Flaubert s’insurge ! "Et dire que l’on croit que je m’amuse !" Il écrit à Louise Colet sa copine : " Je travaille comme un acharné jour et nuit !…Il m’arrive d’écrire sept lignes par jour! Je suis entouré de sous hommes!
Des lignes au labeur épuisant où la plume trace péniblement quelques sillons éternels.
Aujourd’hui comme hier l’oisiveté perçue par le voisinage est méchamment jugée, ainsi mon ami Philippe champion cycliste professionnel, alors qu’il enfourchait son vélo pour parcourir plus de deux cents kilomètres à l’entraînement était le plus grand fainéant du village!
Rendez-vous compte, il partait se promener à bicyclette pendant que son épouse travaillait pour nourrir sa famille!
Ainsi vont les quolibets dans l’entourage du sportif, comme de l’artiste qui meurt le plus souvent sans aucune reconnaissance.
Si son œuvre a bien plus tard un écho retentissant, espérons que cette reconnaissance tardive, ne dérangera pas son âme dans son repos tant mérité !
Autre exemple :
…et que faites-vous alors? Je suis professeur…
mais le reste du temps? …le reste du temps n'existe pas madame, mais j'écris des poèmes!…
ah vous passez le temps!
Non, j'aime ça et c'est mon essentiel aussi
et vous? oh moi j'ai toujours du travail, je tonds, je couds, je frotte, j'arrête pas
vous travaillez des bras et moi de la tête, vous vous amusez quoi et c'est votre mari qui fait le principal?
Oui vous avez raison le principal c'est de manger le reste c'est quand on ne sait pas quoi faire, vous voulez voir mon livre?…Oh non j'ai pas le temps, mais je vais vous montrer mon oie, elle a cousu une oie, si vous la voulez c'est 200 F et je pars chercher 200F!…
plusieurs artistes se sont suicidés n'y a-t-il pas de quoi?
Je n'ai pas vendu un recueil je les ai tous donnés et rachetés pour les donner je ne vends pas mon âme!
 
Version sûrement définitive !

Elle sera en bonne place dans le livre !
Une héroïne de la résistance, ma maman.

12 mai 1944 elle sauve deux enfants de la rafle SS à Figeac.

Hommage à une femme au courage et au dévouement exceptionnels, ma mère et à travers elle, à toutes les malheureuses victimes de la terrible rafle du 12 mai 1944 à Figeac.
Ils ont quitté notre ville le cœur lacéré par la douleur, laissant derrière eux une partie de leur famille. La plupart de ces braves gens innocents ne reviendront jamais des camps de la mort !
J’ai déjà eu l’occasion de vous parler d’une personne exceptionnelle, mais je tenais à vous la présenter dans un hommage poignant, celui qui est animé par le cœur d’un fils à la reconnaissance éternelle.
Vous savez à quel point un enfant peut éprouver de la fierté quand il parle de celle qui est à l’origine de sa vie.
Nous savons tous que ce lien est indéfectible. Au-delà de sa propre existence elle restera le symbole de notre vie, celui qui nous obligera à une montée de larmes chaque fois que nous penserons à elle.
Son mérite a toujours été grand n’est-ce pas ?
Il a débuté lors de sa souffrance lorsqu’elle nous a mis au monde, cette délivrance amoureuse à elle seule doit nous combler d’admiration.
Ont suivi les nuits d’insomnie de cette merveilleuse femme sensible à tous nos gestes et maux nocturnes, tous ses sens étaient alors en éveil, et cela à l’heure où le silence enveloppe de son aile duveteuse naturellement la nuit.
Ma maman était comme la vôtre sûrement, à un point que l’on peut se demander si l’on n’a pas tous eu la même !
Des biberons aux changes, du lavage du linge
aux succulents gâteaux, en passant par l’attente obligée au pied du portail à la sortie des écoles elle a toujours été présente !
Une patience infinie habite nos mamans d’une abnégation surprenante.
Les mères naviguent dans un univers qui peut à nos yeux paraître étrange, voire surprenant.
On peut à tout instant se poser une question : mais comment font-elles pour arriver à gérer des journées aussi prenantes, pour ne pas dire surprenantes ?
Épuisées elles le sont très certainement , mais elles n’en laissent rien paraître ; de l’aube au crépuscule, elles restent identiques à leur image pour notre plus grand bonheur !
Par amour, elles se vouent avec toute la force de leur tendresse à leur mission sur terre, elles sont là pour nous donner l’exemple, en chef de famille elles s’imposent. N’en déplaise aux pères, les reines de la maison sont bien nos mères !
La mienne a été grandiose dans une destinée rendue très pénible. Née en 1919 juste après la terrible guerre de 14-18 elle a eu à souffrir de l’après-guerre où la vie reprend péniblement son souffle, où tout a un air de misère.
Comme les malheurs succèdent aux malheurs sur notre étrange planète, une deuxième folie secoua l’humanité à peine vingt ans plus tard !
Quelle ironie du sort pousse à souffler sur des bougies le jour de ses vingt ans, alors que le monde s’embrase à nouveau pour six ans.
C’est durant cette période que l’infirmière de la Croix-Rouge Simone, de l’hôpital de Figeac, allait devenir un des phares de notre région en faisant preuve d’un grand dévouement doublé d’un courage exceptionnel !
Elle aurait refusé toute distinction, on ne lui en a jamais proposé une !
Dans la région de Figeac la résistance féminine était bien présente, croyez-moi, en ce tragique jour du 12 mai 1944.
Cette date est profondément ancrée dans ma mémoire, comme dans celle de tous les habitants de mon pays !
Ma mère, depuis une fenêtre de l’hôpital, assistait impuissante au rassemblement des futurs déportés, vous savez, ces braves innocents que les SS de la Das Reich appelaient "les Terroristes !" pour justifier leur mission sordide !
C’est à cet instant précis qu’elle a reconnu deux enfants âgés de dix-huit ans.
N’écoutant que son courage, dans un élan qu’elle-même a toujours eu du mal à expliquer, elle a quitté son poste pour voler à leur secours.
Dans la cour de l’école où les malheureux avaient été conduits mains sur la tête, elle a désigné les deux collégiens en s’adressant à un soldat de la division SS, et lui a dit : «ces deux enfants n’ont pas à être là, ils n’ont pas seize ans ».
La réponse du militaire a été immédiate, il lui a asséné deux coups de crosse en pleine poitrine.
Un officier a entendu ses cris de douleur, il s’est approché d’elle et dans un français parfait lui a posé cette question : « Que voulez-vous ?»
Elle lui a simplement répété qu’elle connaissait bien ces jeunes écoliers, qu’ils étaient en classe de troisième et qu’ils n’avaient absolument pas à être dans cette cour.
L’officier ordonna sur-le-champ sans autres explication qu’on les libère.
L’a t-il fait pour bien montrer à ses hommes qu’il s’imposait en chef ?
Ma mère était coiffée de sa toque aux couleurs de la Croix-Rouge, ce qui peut-être a joué un rôle déterminant dans l’ordre du gradé.
Toutefois, il aurait demandé une vérification d’ identité, il y a fort à penser que la sanction pour mensonge lui aurait été fatale !
Une balle dans la tête l’attendait !...Cette division n’avait pas pour habitude de faire dans le sentiment !
L’histoire nous l’apprend !...Les 99 pendus de la ville de Tulle, et la tragédie d’Oradour-sur-Glane qui a suivi, en sont l'horrible et sanglante preuve !
Alors, je sais bien que j’ai pour habitude de raconter ce fait élogieux mais peut-on me reprocher d’être fier de ma mère, elle qui à plusieurs reprises s’est exposée aux balles SS pendant cet horrible conflit ?
Il lui en a fallu aussi du sang-froid, le jour où, alors qu’elle se rendait à son travail à l’hôpital depuis sa maison à Bagnac, elle entendit au loin mûrir des tirs soutenus !
Il s’agissait de la division du colonel De Wilde, célèbre pour ses exactions en Russie.
Au vert à Montauban elle s’était spécialisée dans la recherche et l’extermination des maquisards.
Leur emblème était une faux mise en évidence à l’avant de leurs terribles engins de guerre !
Ce corps d’élite allemand fut à l’origine de la tuerie de Gelles bien connue des habitants du pays.
Ils avançaient vers elle et tiraient sans distinction sur toutes les personnes qui essayaient de fuir !
Imaginez un peu un défilé d’engins blindés ennemis de plus d’un kilomètre venant à votre rencontre !
Elle aurait sûrement eu le temps de se cacher, eh bien non, droite sur son vélo elle croisa cette immense colonne !
Les guerriers SS surpris par son audace, la saluèrent bras tendus en la gratifiant de larges sourires.
Elle était pourtant apeurée, m’a-t’elle raconté attendant à tout moment le coup de feu qui lui aurait été fatal !
Il en faut croyez-moi du cran pour résister à la peur, pour oser ne pas fuir !
Évidemment on peut tous ici être fiers de nos mères. Si j’ai pris la plume pour glorifier la mienne, c’est aussi pour vous dire qu’elle est partie comme elle a toujours vécue, modeste dans ses pantoufles fourrées souvent trouées, sans avoir jamais rien demandé pour elle,
en ayant pour seule pensée le bien des autres.
Quand je vois des sportifs aujourd’hui recevoir des mains du Président de la République la légion d’honneur, je me dis que toutes nos mamans mériteraient pour leur courage et leur sacrifice journalier d’arborer fièrement cette reconnaissance de la nation.
D’ailleurs je ne peux pas en croiser une, sans avoir cette pensée admirative en tête !
La patrie a reconnu l’engagement sans limite de quelques unes d’entre-elles, malheureusement, elles sont légion celles qui n’ont pas eu droit à cet hommage, mais peu importe, elles sont restées ainsi fidèles à l’image de femmes brillantes dans l’ombre des hommes. D4E85256-4E9B-4A7B-9EBD-2BA50A7E7093.jpeg
 
Dernière édition:
Récit définitif après correction.

Rolf un loup dans un corps de chien ou un chien dans un corps de loup ?

Je devais avoir à peine plus de cinq ans lorsqu’un matin poussé par un besoin naturel bien légitime je me dirigeais vers les latrines
quand soudain derrière le muret j’ai aperçu un loup !
Affolé, après un demi-tour d’une rapidité qui m’a sûrement permis d’approcher ?…, voire de battre au passage le record du soixante mètres des petites jambes de mon âge, j’ai ouvert la porte de la maison pour la refermer presque dans la même foulée ! -Papa !…papa!…Il y a un loup ! il y a un loup derrière la maison !…J’ai peur !».
Sans s’affoler, mon père a répondu à mon affirmation par une phrase que j’ai détestée sur le coup : -Maurice, les loups n’existent plus dans la région depuis bien longtemps !».
Je me souviens de lui avoir répondu : - Et bien tu n’as qu’à aller voir !
C’est après cette alerte non moins légitime, que quelques minutes plus tard l’incroyable se produisit !
Mon géniteur, héros de la deuxième Guerre mondiale, avait réussi l’exploit d’amadouer la bête sauvage en moins de temps que j’ai mis en forme ces quelques lignes !
J’étais fier de lui !…mais au fond de moi je calculais les progrès qu’il me restait à faire avant de lui ressembler. Décidément je n’étais qu’un tout petit bonhomme sans envergure ni courage !
En présence du fauve, les phrases rassurantes fusèrent :
-C’est sûrement un chien abandonné, il vient se donner. Il nous arrivait effectivement parfois d’adopter un orphelin à quatre pattes, pas par un manque quelconque d’animaux mais tout simplement parce que j’étais dans une famille qui avait le sens développé de l’hospitalité.
« On va le garder entonna le chef de famille !».
-Tu crois ? lui a répondu ma mère, penses-tu que nous manquons d’animaux ici ?
-De toute façon il est là, et c’est un superbe représentant de la race canine, non ?
Dans mon for intérieur la peur qui m’avait tenaillé un long moment s’estompa à la vue de ce chien-loup, qui comme par magie avait perdu les allures du tueur sanguinaire décrites dans les livres fantastiques.
Et pour montrer que j’avais quand même un peu de courage, je n’ai pas pu me retenir en lançant cette petite phrase : -Oui !….il est à nous maintenant !».
Cette phrase a t’elle été comprise par l’animal, ou bien est-ce parce qu’il m’avait aperçu en premier? Toujours est-il qu’un élément déclencheur se produisit chez lui et il se donna entièrement à moi !
Dès cet instant sacré mon aventure, notre aventure avec Rolf commença !
On ne connaissait pas son nom de baptême, on ne savait pas à quelles intonations de voix il allait réagir, il devait avoir mon âge ce beau représentant de la race canine aux oreilles droites attentives.
Après de nombreuses essais où des noms de chiens fusèrent, il a fini par redresser sa tête au nom de Rolf.
Il s’est très vite adapté au rythme de la ferme, il nous a montré en reconnaissance tout ce qu’il savait faire.
Tous les jours, fier comme un loup, il nous ramenait sa chasse. C’était une suite de hérissons, de lapins, de macreuses, enfin, tout ce que la faune avait comme représentants il le déposait à nos pieds.
Il y avait là de quoi nourrir la maison en cette période difficile d’après-guerre.
Il ne manquait jamais l’arrivée du car scolaire. Pressé de me revoir il avait toujours plusieurs longueurs d’avance !
Dans un rituel programmé il n’hésitait pas à braver le bras d’eau qui sépare le Lot de l’Aveyron pour venir m’accueillir, c’était vous allez vous en apercevoir un grand champion de natation.
Il avait remarqué que les jeux de la fratrie tournaient autour de formes ovales ou presque rondes qui nous servaient de ballons !
Ces objets de substitution étaient parfois avantageusement remplacés en période de vente de tabac par une balle rebondissante que notre brave père nous ramenait de Cahors.
Le déclic dans sa tête fut prodigieux. Sans qu’on le lui demande, il a prit l’initiative d’aller récupérer pour nous tout ce qui était rond et que la rivière charriait généreusement.
Il avait un sens de la trajectoire très évolué afin de tomber nez à nez avec l’objet convoité.
Dans un premier temps il se mettait aux aguets sur un grand monticule de sable afin de repérer l’objet convoité.
Lorsqu’il l’avait dans sa ligne de mire, il se précipitait vers l’embarcadère, sautait sans une hésitation dans l’eau, longeait la rive où les contre-courants savamment se forment, puis dans une diagonale parfaite dont il avait le secret, il continuait sa nage pour se retrouver face à son trésor !
Il le poussait alors en le dirigeant avec son museau, et ressortait de l’eau aussi vite qu’il y était rentré très satisfait de lui.
Puis dans un dernier geste de satisfaction il déposait sa trouvaille à nos pieds.
Nous étions heureux, en possession d’un nouveau ballon que nous n’avions aucune appréhension à réexpédier dans la rivière, Rolf était un formidable ramasseur de balle !
Il s’est rapidement spécialisé dans le sauvetage de tout ce qui, à ses yeux, semblait utile et il n’hésitait pas à braver les éléments même en période de crue!
Il nous ramena ainsi des gros morceaux de bois pour le chauffage, des barques en perdition enfin tout ce qui permet d’améliorer l’existence des pauvres gens.
Ces cadeaux inespérés n’étaient pas pour déplaire à ma grand-mère Marceline, qui me disait juste après la levée du campement des gitans : « Tu viens, Maurice, on va voir si les romanichels n’ont pas oublié quelque chose !».
Eh bien, croyez-moi ou non, elle trouvait toujours un objet intéressant en me disant : « Tu vois, cela n’a peut-être pas une très grande valeur, mais on ne sait jamais, cela pourra toujours nous servir en cas de guerre !».
Je prenais ces paroles comme du pain béni, ne sachant pas quoi lui répondre !
Rolf était un merveilleux chien de garde, il avait cet instinct ancré en lui ! Que dire du jour où reconnaissant un gitan alors que nous n’étions pas là, il lui a permis de gravir l’escalier jusqu’à la grande terrasse sans montrer d’agressivité, puis il se positionna face à la première marche et refusa qu’il redescende! Ce fut mon père, en rentrant de Figeac qui délivra le manouche terrorisé.
Notre chapardeur a rapporté que chaque fois
qu’il tentait de faire un pas, le chien lui montrait les crocs en grognant.
Un jour où nous étions attablés, un voisin est arrivé en faisant des grimaces derrière la porte.
Rolf sans hésiter est passé à travers un carreau, et c’est un ordre d’arrêt rapide de mon père qui stoppa net son attaque!
Les miracles existent, il n’y eut aucun blessé ce jour-là !
Mon brave chien loup m’avait prouvé que je pouvais rester avec lui à l’intérieur de la maison sans craindre personne lorsque mes parents étaient absents.
Rolf était aussi un redoutable chasseur de rats, sa réserve se trouvait dans le talus où nous jetions les déchets ménagers!
Rassurez-vous en ces temps anciens ils étaient non polluants !
Il s’agissait essentiellement des restes d’épluchures de légumes et autres résidus consommables que les rongeurs éliminaient écologiquement !
Rolf se chargeait donc de la régulation de ces mammifères, utiles finalement !
Il avait une technique infaillible pour les tuer.
Il prenait sa proie dans la gueule et à la manière d’un tennisman quand il frappe sa balle à l’engagement, d’un mouvement de tête puissant, il l’envoyait à une hauteur d’environ deux mètres et il lui cassait la colonne vertébrale quand elle se retrouvait face à son museau !
Cette action de jeu était très rapide, efficace et radicale !
C’était sa façon à lui de donner un coup de patte aux très nombreux chats de la ferme.
Ils feront partie, d’une prochaine histoire.
La vie de Rolf, fut, hélas relativement courte, il se paralysa lentement du train arrière.
La veille de sa mort mon père m’a prévenu que le vétérinaire allait venir le piquer, qu’il était inutile de le laisser souffrir ainsi plus longtemps !
Mon âme d’enfant fut profondément blessée face à cette phrase à l’irrémédiable sentence !
J’allais devoir m’habituer à l’absence de mon meilleur compagnon de vie.
Les larmes aux yeux j’ai fermé la porte de ma chambre pour que Rolf ne puisse pas en ce dernier soir d’existence se coucher au pied de mon lit comme il avait l’habitude de faire tous les soirs.
Ce ne fut pas une bonne idée. Dans un dernier élan d’amour il a réussi à tourner la poignée, et s’est allongé en gémissant une dernière fois près de moi !
J’ai eu, pour la première fois de ma jeune existence, beaucoup de mal à m’endormir !
J’ai pris soudain conscience qu’il allait falloir que je m’habitue à voir partir mes meilleurs amis !
Après une dernière caresse d’adieu ce matin maudit, j’ai repris le chemin de l’école le cœur et la gorge serrés!
Je savais que mon fidèle ami dans la journée allait cesser de vivre, et que son corps allait rejoindre le coin de terre dédié aux nombreux chiens du port de la Madeleine.
Rolf le loup avait un caractère à l’opposé d’Obelix qui allait bientôt naître, son bonheur il le cherchait et le trouvait dans un seul but, celui du bonheur de ses maîtres! 6713CDF3-374B-40CA-9A9C-2C9B5CC29C2C.png
 
Dernière édition:
La guérite de mon enfance : Récit définitif

La guérite de mon enfance.

Mon père a exercé un temps le dur métier de garde-barrière qu’il jumelait avec le travail à la ferme.
Je l’accompagnais souvent pour lui tenir compagnie et j’ai connu les passages à niveau de la voie ferrée entre la Madeleine et Cajarc.
La nuit de ce récit nous avions posé notre sac à la barrière de Montbrun.
Le métier n’était pas reposant, même si, à la fin des années cinquante les voitures ne roulaient pas pare-chocs contre pare-chocs dans ce secteur rocailleux de la vallée du Lot !
Munis d’une gamelle bien remplie pour l’occasion, réveillon oblige, on passait la nuit dans un minuscule abri très sobre, équipé d’un bureau, d’une chaise et d’un petit poêle à charbon qui n’avait aucun mal à réchauffer l’atmosphère et à la rendre rapidement très agréable.
Il faut savoir que le froid dans nos régions prenait des allures disproportionnées à cette époque en paralysant une grande partie du pays.
Lors du mois de février 1956 les températures ont oscillé entre moins seize et moins vingt huit degrés.
Les plus anciens rapportent que ce phénomène exceptionnel a duré toute la lune du mois!
On vivait dans un monde où l’espace et le temps semblaient s’être définitivement figés.
Le froid glacial dans ce contexte favorisait le passage de quelques bêtes sauvages affamées qui venaient déranger parfois cette apparente quiétude. Ce fut le cas ce soir-là.
S’est fait alors entendre un grand fracas de branches piétinées, de bambous éclatés qui me sortirent rapidement d’une courte mais agréable léthargie.
Mon père toujours en éveil se précipita vers une cachette où se trouvait son vieux fusil pour tenter d’éliminer un de ces inconscients pachydermes !
Les hordes de sangliers de pures souches quercynoise ne manquaient pas dans ce secteur, au point que l’on aurait pu se demander si elles n’appartenaient pas à la compagnie des chemins de fer français !
A ma question : -pourquoi veux-tu tuer ces animaux, papa ? »
Il me répondit :
« Ils risquent de faire dérailler un train, et cela va nous permettre de manger pendant un bon bout de temps ! ».
Cependant ces phacochères gris qui se fondaient dans l’obscurité s’en sortirent sans une seule égratignure !
Les cartouches utilisées pour les empêcher de nuire étaient ce soir-là inappropriées à ce type de gibier!
- Sans chevrotines je ne pouvais rien faire !
Enfin, ce furent les paroles peu convaincantes du médaillé de la Résistance , qui souhaitait sortir la tête haute d’une situation pas très glorieuse pour lui vous en conviendrez avec moi !
Revenons à notre petite guérite et parlons du travail de nuit du veilleur.
Le mot d’ordre pour ces noctambules était de ne jamais s’endormir !
L’exercice était presque surhumain et quelques-uns d’entre eux s’assoupissaient, m’a rapporté un ancien forçat du rail qui alimentait en permanence en boulets
grisâtres les entrailles surchauffées des bêtes noires.
Il n’avait m’a t’il dit, jamais constaté cet état de faiblesse chez mon géniteur!
Ce détail m’est apparu important quand on connaît les conséquences dramatiques qu’une telle faiblesse peut occasionner !
Décidément, mon idole avait des capacités physiques exceptionnelles doublées d’un esprit professionnel exemplaire.
Les horaires des trains de marchandises étaient inscrits sur un petit carnet, et les grands bras à manivelles n’étaient levés que lorsqu’un véhicule se présentait en klaxonnant.
La nuit était donc relativement calme côté route en semaine, et à l’inverse les trains de marchandises tractant des wagons lourdement chargés d’anthracite se succédaient à un rythme infernal.
Les plus imposants convois qui circulaient sur la ligne Translotoise étaient tirés par deux machines à vapeur 141 R !
La longueur des reptiles noirs faits de wagons au-dessus des méandres de la rivière pouvait atteindre 800 mètres pour un poids total roulant supérieur à deux mille deux cents tonnes.
Essayez de vous représenter la force de traction d’une de ces puissantes motrices d’une longueur de 25 mètres avec leur tender, d’un poids de 190 tonnes !
Elle développait une puissance de 2500 kilowatts et sa consommation énergétique moyenne au kilomètre était de 12 kg de charbon enfourné à la pelle par le chauffeur!
Une cuve de 30000 litres d’eau fournissait la vapeur nécessaire à leur avancée!
Ce gigantesque amas déboulait à 80 km à heure face à nous!
Eh bien,vous aurez peut-être du mal à me croire mais mon père muni d’un énorme pétard qu’il fixait sur un rail, était en mesure de stopper cette course effrénée !
Il n’était pas rare en effet qu’un énorme bloc rocheux dans la traversée de Toirac à Cajarc dans un bruit de tonnerre, se détache de la falaise abrupte et vienne finir sa course au milieu des rails.
Grâce à un système ingénieux par câbles reliant toutes les guérites, les veilleurs de nuit engagés dans une épreuve contre le temps se prévenaient et installaient ce dispositif d’arrêt avant que la rame ne se présente toute vapeur dehors.
Parfois les essieux chauffaient au point de devenir rouge écarlate, le garde téléphonait alors au chef de gare de Cajarc ou de Capdenac pour signaler le grave problème.
Cela permettait au passage au veilleur de nuit si vous me permettez l’expression, d’arrondir un peu ses fins de mois.
Une prime était en effet versée par les chemins de fer français pour récompenser cet acte de conscience à la valeur hautement professionnelle.
La nuit me paraissait interminable!
Chaque arrivée d’un train dans un grondement assourdissant provoquait un tremblement de terre de magnitude huit à neuf qui me faisait craindre le pire, mon lit de fortune se trouvait à peine à trois mètres des voies.
Heureusement l’événement cyclique était précédé par le bruit retentissant de l’énorme cloche au pied d’un support de la barrière.
Ripette, le mécanicien à bord de la motrice, ajoutait à cette harmonieuse ambiance un long coup de sifflet strident à la sortie du tunnel.
C’était sa façon à lui de faire savoir à son ami Raymond qu’il était cette nuit-là le chauffeur de la locomotive.
Je rends grâce à Morphée qui me permettait de me rendormir par moment sur le bureau qui faisait office de couche douillette.
J’étais à nouveau lentement bercé par le calme qui revenait et qui contrastait avec le grincement sinistre de cette énorme masse de ferraille que rien ne semblait pouvoir arrêter!
Je me souviens d’avoir aidé mon père à relever les immenses bras qui rendaient la route infranchissable.
Ils étaient munis de manivelles qui me paraissaient tout simplement démesurées.
Inutile de vous dire que j’étais fier de ce formidable exploit !
Ainsi pointait tranquillement le jour, je ne vous cache pas qu’il me tardait de rentrer à la maison pour retrouver enfin mon lit.
J’avais quand même quelques heures de sommeil à rattraper !
Je me suis par contre toujours demandé par rapport à ce métier à la haute responsabilité, si le garde-barrière de Capdenac avait le même salaire que celui de la vallée de la Diège après la mine sur le chemin empierré qui mène à Lieucamp ?
Le premier avait un travail considérable par rapport à l’affluence intense du rail et de la route en direction du centre ville.
L’autre ne voyait passer qu’un tombereau tiré par des bœufs une fois dans un sens, une autre fois dans l’autre, les jours de grand trafic ! 5FC02901-8E72-44A6-A524-0BA61D2AAF82.jpeg 44A7767C-03DE-4FCE-B24E-1DC23EF2ACB2.jpeg
 
Récit définitif.

Nos cousins, les gitans Mathurin, la nuit où ma grand-mère appelle au secours

Je devais absolument conclure le chapitre sur la vie au port de la Madeleine
en vous parlant des pauvres parmi les pauvres, les gitans.
Indigents certes, mais malins! Nous redoutions leur arrivée, ils avaient pour habitude d’aménager leur campement non loin de la barrière de la Madeleine dans une petite parcelle aride non exploitée.
Ils positionnaient les roulottes en cercle à la manière des cowboys dans les westerns américains. Cette méthode bien rodée leur permettait de s’abriter des regards indiscrets mais aussi du vent et du froid. Ils attachaient les chevaux à l’aide d’une longe à un piquet en bordure des fossés pour qu’ils profitent gratuitement de l’herbe tendre et abondante.
Les Mathurin vivaient essentiellement de braconnage, ils excellaient dans beaucoup de domaines comme la pêche et la chasse. Ils glanaient toutes sortes de tubercules et fruits généreusement offerts par la nature, et accessoirement ceux adroitement semés par la main de braves paysans.
Ils confectionnaient avec adresse des paniers en osier qu’ils essayaient de fourguer aux habitants de la région. Ils possédaient ancestralement l’art du rempaillage des chaises et des fauteuils.
Ma mère accueillait tout le monde, les nécessiteux de tous bords étaient les bienvenus, cependant elle éprouvait une certaine crainte à ouvrir sa porte aux manouches, qui avaient une réputation de voleurs bien affirmée!.
Ils arrivaient souvent les mains vides et repartaient les mains pleines, en nous gratifiant de quelques bestioles qui se baladaient sur nos têtes.
On se serait bien passé de cette offrande, mais comment éviter ce présent quand on a un cœur charitable ?
En tout état de cause. il était préférable de ne pas trop quitter la ferme avant qu’ils ne lèvent définitivement le camp.
Décision qu’ils n’envisageaient que lorsqu’ils avaient bien ratissé le coin!
Tous les prétextes et ruses pour approcher les habitations, ils les possédaient. Pour cela ils avaient, il faut bien le reconnaître une imagination sans limite à faire pâlir de jalousie les plus fins stratèges !
Les femmes partaient dans toutes les directions de la commune avec quelques paniers tressés à vendre, suivies par une ribambelle d’enfants en guenilles qui n’étaient jamais scolarisés. Quand on naissait bohémien à cette rude époque, on avait un cursus à suivre et on n’y dérogeait pas! Ces dames écumaient le secteur méthodiquement, leur bambins les suivaient pour faire diversion ! Je me souviens du jour où une de ces créatures en haillons est arrivée en titubant à notre porte. Le soleil d’août avait sûrement permis une deuxième fermentation du jus de raisin alcoolisé qu’elle avait absorbé goulûment pour étancher une soif infinie!
Elle s’adressa à ma mère : - Je suis complètement déshydratée avec cette chaleur !
Suite à ces mots savants révélant une grande urgence, un verre d’eau lui a été immédiatement tendu!
Dans la seconde qui a suivi ma mère a reçu son contenu en pleine figure !
Elle balbutia ensuite cette phrase qui résonne encore en moi :
-Je n’aime pas l’eau, je veux du vin et vite !
Mon père qui était par chance dans les parages a réagi spontanément, il faut dire que le choc thermique avait été violent et que ma pauvre maman n’avait pas pu s’empêcher de crier !
Le maître du port a raccompagné énergiquement l’insolente !
La descente des escaliers a été une des plus rapides que j’ai eu l’occasion d’observer dans ma jeunesse, les dernières marches se sont même dérobées sous ses pieds !
Quelques temps après, elle est revenue sans scrupule en diseuse de bonne aventure, comme quoi l’alcool favorise la voyance.
Grâce au ciel le chef de famille était encore là !
À la phrase : «Je viens vous prédire l’avenir !»
Mon père lui a administré un coup de pied dans les fesses en lui disant : « Et ce futur là vous l’aviez prévu?».
Inutile de vous dire qu’à nouveau et malgré les mots de protestation de la pouilleuse déguisée en Madame Soleil le départ a été une fois de plus précipité.
Ces nomades avaient des chiens exceptionnels, tout ce qu’il y a de plus bâtards mais dressés de mains de romanos !
Leur spécialité était axée sur la chasse des animaux des basses-cour.
Notre poulailler, la volière aux faisans et aux pigeons avaient été visités à plusieurs reprises quand l’heure des mesures radicales a enfin sonné. Bien sûr au début de cette hécatombe nous avions pensé qu’il s’agissait peut-être d’un renard, mais curieusement aucun indice ne permettait d’affirmer que ces disparitions puissent être imputées à l’œuvre du rusé!
S’il s’était agi de lui des plumes auraient volé dans tous les sens, et surtout nous aurions entendu un vacarme bien spécifique à une telle attaque, les poules ont un caquetage strident dans ce cas précis.
Nous disposions de pièges qui allaient nous permettre de capturer le coupable sans tarder, c’est du moins ce que le fin tacticien des lieux pensait, donc nous ne pouvions que le croire!
Bien disposés à l’entrée et aux quatre coins de la cour, sans omettre son centre, ils paraissaient une stratégie infaillible, le nuisible ne pourrait pas ignorer les appétissants appâts !
La vie est jonchée d’inattendus. Figurez-vous que ce soir-là, alors que l’endroit s’était drapé d’une nuit sans lune, notre cousin est venu nous présenter sa fiancée. Afin d’ajouter un peu plus de surprise à sa démarche, il a eu l’idée géniale d’emprunter l’entrée des artistes où se trouvait notre dispositif pratiquement infranchissable !
Par miracle, car il faut appeler les choses par leur vrai nom, le couple a évité l’armada de mâchoires à pression. Impressionnant non?
Évidemment, comme on ne peut pas se fier continuellement à la chance, nous leur avons conseillé de prendre l’itinéraire normal lorsqu’ils sont repartis !
Une fois dans mon lit, je me souviens d’avoir eu le sommeil léger, je ne voulais surtout pas manquer ce rendez-vous avec le prédateur amateur de gibier domestique.
Aussi j’ai été le premier à entendre des gémissements, il n’y avait plus de doute sur l’efficacité des mâchoires que nous avions tendues, l’homme pouvait y échapper reconnaissons-le, mais un animal sauvage, non !
C’est dans un élan de satisfaction que je me suis précipité vers la chambre de mes parents pour les prévenir.
Mon père a pris instinctivement son fusil, nous avons éclairé l’espace et sous nos yeux nous avons assisté à une scène incroyable.
Un chien était capturé près de la volière aux faisans, alors qu’un autre une proie entre les dents est passé comme une balle en sortant du poulailler. A cet instant précis nous avons entendu des sifflets de rappel !
Mon père épaula l’arme à double détente qui libéra ses plombs dans une déflagration assourdissante!
Les gémissements cessèrent et au même moment, au loin nous avons entendu ces mots de désespoir : « Ils ont tué notre meilleur chien !».
Nous avions une fois pour toutes réglé le mystère de la disparition des faisans, des poules et des pigeons!
Quelque temps après cette scène nocturne, un bohémien du campement qui avait pour habitude de surnommer mon père son cousin,
sûrement en reconnaissance des nombreuses volailles qu’il avait mangées sans qu’on s’en aperçoive, lui a glissé cette phrase à l’oreille : « nous sommes malheureux, nous avons perdu notre meilleur chien !».
« Ah bon!… et comment est-ce arrivé ?»
-Il a été victime d’un accident de chasse!
Quelques mois plus tard, ma grand-mère maternelle a eu la visite une après-midi de vendeurs à domicile à la peau typée.
Par politesse elle leur a pris quelques bricoles afin de se débarrasser d’eux au plus vite, tout en ne trouvant pas leur démarche très catholique !
Avant de la quitter, ils lui avaient demandé si les voisins étaient présents.Sans se méfier, elle leur a répondu : « Non, je vis seule ici » cette phrase bien entendu a été prononcé sans méfiance pour éviter que nous soyons à notre tour importunés.
Dans le courant de la nuit, alors que j’étais ce soir-là avec ma mère et mon frère handicapé, nous avons été réveillés par des cris de frayeur ponctués par des «au secours !» qui ne faisaient planer aucun doute mon aïeule se trouvait en grand danger !
Aussitôt nous nous sommes levés pour observer grâce à une toute petite ouverture ce qui se passait à l’extérieur.
Une faible lueur d’ampoule nous a permis d’apercevoir des formes inquiétantes qui se déplaçaient autour de sa petite maison assiégée!
Il y avait urgence! N’écoutant que mon instinct protecteur je suis sorti de la maison en pyjama avec pour seule arme mes mains.
Ainsi j’allais vers l’inconnu, en me rendant bien compte du haut de mes dix ans que je m’exposais sans défense à une situation très dangereuse !
J’ai contourné la bâtisse et ne voyant personne dans l’obscurité je me suis avancé vers la sablière, avant d’avoir la première véritable frayeur de ma jeune existence.
J’ai été victime d’une volée de pierres qui ne m’atteignirent pas fort heureusement.
J’ai couru et j’ai croisé ma mère qui se trouvait à une cinquantaine de mètres derrière moi :
- Que fais-tu, me lança-t’elle? alors que je remontais les escaliers de la maison à toute vitesse.
-Attends-moi, rassure mémé, cache toi,je reviens ! Je suis rentré dans la chambre de mes parents où se trouvait le fusil qui devait nous sauver, dans la cartouchière j’ai pris trois chevrotines j’en ai glissé deux dans le fût afin d’armer les détentes. Aussi rapidement que mes jambes pouvaient le faire, je me suis à nouveau dirigé vers les assaillants nocturnes. Ma mère,surprise de me voir revenir armé jusqu’aux dents ne m’a pas freiné dans mon élan et a juste eu le temps de me lancer au passage cette recommandation : « Sois prudent, Maurice, fais attention à toi! » J’avais à peine fait cinquante mètres quand à nouveau des pierres fusèrent autour de moi et là sans hésiter j’ai épaulé l’arme comme mon créateur m’avait appris à le faire, et j’ai fait feu à deux reprises dans la direction des bandits qui dans un replis brutal ont fui en criant « Vite, à la voiture!»
Je n’avais plus qu’une cartouche pour défendre ma position !
Aujourd’hui, lorsque je me remémore cette terrible situation, je me dis : « Pourquoi n’as-tu pas pris la ceinture à cartouches ?»
En effet je n’avais plus qu’une balle pour repousser les éventuelles attaques!
Peu de temps après, j’ai entendu un moteur en furie, les phares se sont allumés et j’ai tiré face à l’ennemi. Un bruit de ferraille s’est fait entendre, et après un dérapage violent, le véhicule et ses occupants apeurés ont pris la fuite en abandonnant le combat !
Ma grand-mère et ma mère m’ont fêté en héros, tôt dans la matinée mon père qui revenait de son travail de garde-barrière m’a réveillé pour me féliciter, pour la première fois je pouvais m’identifier à lui!
Nous n’avons jamais eu de nouvelles de nos visiteurs !
Nos voisins, réveillés par ce tapage nocturne, nous ont posé la question : « Que s’est-il passé cette nuit chez-vous ?
Notre réponse est restée évasive : -Rien de grave, rassurez-vous !
Je suis devenu depuis cette nuit là : le sauveur de ma grand-mère, la fierté de ma mère et la gloire de mon père!
Je me demande sans anxiété aujourd’hui si j’ai blessé un des agresseurs, je ne le saurai jamais, ils ne sont jamais,. Ils ne sont pas revenus pour s’en plaindre, et nous n’avons pas eu de leur nouvelle dans les journaux ! 444979FB-19D5-4816-8B9B-DFC89EDF6189.png
 
Dernière édition:
Inclinons-nous devant la mémoire et le souvenir de nos parents, nos amis et nos camarades trop tôt disparus. Ils sont légion, ceux qui nous attendent , pressés de revivre parmi nous. Évoquer leur ombre au cours d’une réunion de famille, exprimer ce que l'on ressent pour les eux est une satisfaction ; c'est, ce me semble, les serrer une fois de plus dans nos bras !
Comptons parmi les chagrins les plus redoutables de la vie, celui de perdre les personnes que l’on aime, sans pouvoir vieillir encore plusieurs années ensemble et sans les retrouver lors des rencontres fraternelles autour d’une bonne table.
 
Cyprien notre voisin le mendiant…Définitif

En ces temps difficiles la mendicité n’était pas interdite !

Aujourd’hui je vais vous parler à nouveau de notre voisin et ami Cyprien, né d'une famille misérable de mémoire ancestrale, à qui on n’ avait jamais connu un autre statut que celui de mendiant.
Il n'y avait il faut bien le reconnaître aucun déshonneur à vivre de mendicité en ces temps abolis! Avoir la main tendue ne posait pas de problème, les riches n’avaient pas honte des pauvres et les pauvres ne rougissaient pas de leur indigence. Ils n’enviaient absolument pas leur richesse. La misère était omniprésente on pouvait être plus ou moins pauvres, on vivait ainsi sans en faire un drame ou encore moins un mélodrame !
La pauvreté curieusement n’étonnait personne, elle ne blessait personne, bien sûr je vous parle d’une période encore une fois pour que vous n’en soyez pas étonnés depuis très longtemps révolue. Jadis ces vagabonds sillonnaient nos campagnes, les effluves olfactives printanières comme par enchantement les sortaient de leur torpeur hivernale dans le coin d’une grange où ils hibernaient tels des ours dans la paille ou dans le foin. La besace accrochée à la taille, la barbe surabondante, la bouche édentée, illettrés, habillés de haillons, ils partaient à la recherche d’un peu de travail pour un croûton de pain ou pour un simple verre de vin. "Où il y a du pain et du vin le Roi peut venir" disait un proverbe, et on se contentait de cette maigre richesse ! Le Cyprien de mon enfance était si malheureux que je pensais qu’il n’avait jamais eu de parents.
Il avait vu le jour comme eux sur un lit de fourrage pressé par la lourdeur des années, L’accoucheuse de service, la mère Puech, était venue délivrer sa pauvre maman ! Inutile de vous dire que le travail s’était déroulé sans anicroche ce jour béni ! Les communes avaient une flopée de spécialistes des praticiens reconnus d’utilité publique par les habitants, mais dépourvus de diplômes bien évidemment. Du guérisseur au rebouteux, en passant par la sage femme désignée, la préposée aux piqûres et à la fin de son existence, la visite du croque-mort ! Les gens du pays jouissaient ainsi d'un multiservice à domicile gratuit ou presque! Il arrivait cependant que les événements ne se déroulent pas comme on l’aurait imaginé ou du moins souhaité. Ainsi une naissance pouvait-elle avoir des conséquences dramatiques ou au minimum très ennuyeuses. Un enfant par manque d’oxygène pouvait mourir ou au mieux devenir l’idiot du village. Le pire se produisait quand la mère et le bébé ne survivait pas à cette redoutable épreuve.
Parfois c’était soit un soit l’autre, une loterie morbide dont on se serait bien passée!
Pour notre ami Cyprien le miracle de l’existence n’avait posé aucun problème enfin presque, il allait souffrir d’une malvoyance héréditaire, mais grâce à Dieu il n’allait pas être sourd comme sa pauvre mère!
Ainsi ses parents allaient-ils pouvoir goûter aux joies que procure la maternité. J’ai mis cependant longtemps à me faire à l’idée de cet état de fait!
Je n’imaginais pas, enfant qu’il ait eu une famille. Il s’appelait Cyprien et cela suffisait amplement à mes yeux, pourquoi se serait-il embarrassé d’un patronyme ? Je ne vous cache pas ma déception quand j’ai appris qu’il avait un papa et une maman comme moi.
Sa génitrice sans perdre de temps l’avait initié à son futur métier de mendiant, et tout petit il la suivait et l’imitait dans une gestuelle parfaite!
Lorsqu’on appartient à une généalogie de mendiants on bénéficie de gènes qui permettent d’être armés pour affronter ce type de comportement.
Il représentait un tout, semblable à ces personnages dont parle parfois dans les livres sacrés qui se suffisent à eux mêmes. Il pouvait très bien ne pas avoir d’ascendance sa présence sur terre elle seule n’avait à souffrir d’aucune explication ! C’était Cyprien l’unique, mon Cyprien, notre Cyprien le mendiant mythique de la vallée du Lot.
Cyprien avait une manière bien particulière de s’habiller il avait la fâcheuse habitude d’empiler sur sa carcasse les vêtements qu’on lui donnait.
Dans cet accoutrement il adoptait sans le savoir la physionomie d’un Vendredi tous les jours de la semaine ! Il superposait même les couvre-chefs sur sa tête qui finalement ne paraissait pas dégarnie par rapport à son âge ! D’ailleurs quel âge avait-il ? Personne au pays n’était en mesure de répondre précisément à cette question ! Lui-même le savait-il ?
Sa manière de se vêtir à l’aveugle avait l’avantage de libérer ses mains ce qui est essentiel pour un mal voyant qui cherche sa route à tâtons, et qui en plus tend la main pour quémander une misère!
Cyprien était un redoutable chercheur d’escargots. Du petit gris au bourgogne très peu avaient la chance de lui échapper, même s’ils le voyaient arriver de loin avec leurs grandes antennes !
L’inverse n’était pas vrai, vous devez vous en douter !
Il venait les proposer régulièrement à ma grand-mère Marceline qui les mettait à dégorger dans une grosse réserve grillagée d’eau salée.
Elle lui donnait alors quelques sous en échange, ou lui troquait ce trésor contre d’alléchantes victuailles. Parfois, elle l’invitait à venir les déguster quelques jours plus tard.
Ces mollusques à cornes et à coquilles préparés à l’oseille étaient succulents, c’était de toute évidence à notre tour de baver devant eux avant d’être copieusement servi !
A une personne du pays un jour d’automne Cyprien lança : -Vau castanar ! Je vais ramasser des châtaignes. Elle moqueuse : -et comment pourras-tu les trouver, tu oublies que tu es presque aveugle ? Il lui répondit du tac au tac en grand expert en la matière :
« Los mens uelhs ne'm sèrven pas ad arren, qu'ei dab los pès que'us senti!» « Mes yeux ne servent à rien, c’est avec les pieds que je les sens !».
Cyprien avait des parcours bien à lui, il passait souvent par Capdenac où une fois il avait donné une très mauvaise image de lui car il était ce jour, là dit-on habité par le démon ! Echo des paroles rapportées par les badauds qui avaient assisté à ce spectacle très désolant vous en conviendrez avec moi!!
Jugez-en plutôt au récit cette scène burlesque !
Un jour qu’il était ivre mort, parce que des paysans mal intentionnés lui avaient offert du vin en abondance, et que tout le monde était inquiet pensant qu’il avait rendu l’âme, tant son attitude rappelait un début de coma éthylique, il reprit soudain connaissance en remuant ses membres engourdis! Chaque voyeur impuissant poussa à cet instant un ouf de soulagement et remercia le Seigneur pour sa grande générosité! Soudain, profitant de ce miracle inattendu son visage s’illumina ! Illumination encore une fois attribuée au Ciel qui permettait d’afficher aux aveugles ce sourire si caractéristique : « Gara ! soupira t’il en extase : « me caldrià una drolleta !» « Maintenant il me faudrait une fillette!» Tous les témoins de la scène biblique prirent la fuite offusqués par ces paroles sataniques mais tout de même rassurés sur le sort de ce pauvre hère.
Il se rendait tous les ans à la foire de la commune de Faycelles, il faisait l’honneur de sa visite aux villageois, c’était à sa façon un prince en déplacement.
Personne n’aurait pensé d’ailleurs une seconde qu’elle puisse avoir lieu sans lui !
L’annonce de son arrivée se répandait comme l’écho de la cloche perchée au sommet de l’église.
Les enfants à la sortie de l’école se précipitaient pour aller à sa rencontre.
Moqueurs parfois ils imitaient le vrombissement des voitures ce qui le mettait hors de lui !
Il faut dire qu’un jour encore plus sombre que les autres une de ces satanées automobiles avait tué son brave chien Loustic auquel il tenait comme la prunelle de ses yeux, si vous me permettez cette expression quelque peu déplacée !
Est-ce un signe du destin? Le jour où Cyprien a cessé de venir, la foire a décliné, puis a fini par s’éteindre!
« Post hoc, propter hoc ? »
« A la suite de cela, donc à cause de cela »
Relation de cause à effet ou pure coïncidence, mieux vaut ne pas essayer de trancher, afin de rester un très bon catholique !
C’était un homme important finalement
au pays, il présidait près du monument aux morts au centre des villages. Assis sur les marches du calvaire de pierres de Loupiac ou de Faycelles, il siégeait sur son trône au carrefour des quatre chemins! Cyprien tenait conseil au milieu de sa cour d’écoliers, il n’était pas rancunier !
Venaient se mêler à ce curieux colloque quelques paysans et mauvaises langues qui ne manquaient pas l’occasion de le harceler de questions indiscrètes.
Ses réponses étaient très pertinentes et souvent l’interlocuteur se trouvait bien embarrassé, démonté par une verve à toute épreuve qu’il n’avait pas vu venir!
Que ce soit dans son fief de Causse et Diège au lieu dit les Cazalous ou dans le secteur de la Madeleine et cela jusqu’au clocher des principaux villages il avait trouvé des âmes sensibles à son statut de misérable!
Rosalie, Marceline, Justine, et la Maria lui ouvraient leur cœur en lui faisant profiter d’une charité exemplaire !
Ce n’était pas pour autant un profiteur, il n’arrivait jamais les mains vides. Dans son petit sac en jute se trouvaient tous les trésors que la nature généreuse offre aux chercheurs avertis au gré des saisons.
Dans cette précieuse réserve pouvait se cacher l’or noir du Quercy, des cèpes, des châtaignes, des noix, ou encore des mûres et des fraises des bois.
À Loupiac un jour il rencontra une petite fille et lui proposa de lui offrir justement ces précieuses perles roses pur nectar des forêts. Ne sachant pas où les mettre il eut l’idée de les déposer dans son joli chapeau blanc.
Inutile de vous faire un tableau de l’état de la coiffe de la fillette quand fière de cette offrande, elle déposa la précieuse marchandise en arrivant chez elle avec ces heureuses paroles : « C’est Cyprien le mendiant qui me les a données !».
Il trouvait dans cet échange de bons procédés
une ouverture enrichissante en élevant son âme pure de mendiant.
Cyprien a eu une fin tragique, aussi douloureuse et dramatique que celle de sa pauvre Virgile son amour. Souvenez-vous elle avait été la malheureuse victime d’une satanée bête noire au passage à niveau de la Madeleine !
La dernière fois que j’ai entendu parler de lui, c’était par la voix de mon père qui a répondu à ma question : « On ne voit plus Cyprien depuis longtemps, où est-il ?».
« Tu sais Maurice, il était âgé, il vivait dans une très vieille grange où un seul coin de toiture l’abritait. Cet hiver il a voulu replacer quelques tuiles pour qu’il ne lui pleuve pas dessus et il a fait une chute mortelle ! On n’a rien retrouvé de lui, à part quelques os, les rats l’avaient entièrement dévoré !
Ainsi finit tragiquement la vie de notre ami Cyprien, le mendiant qui marqua de son empreinte de pauvre et de riche à la fois mon incroyable jeunesse.
Ce festin aussi horrible était-il ne m’a cependant pas étonné, Cyprien habitait derrière le moulin à eau sur la route qui mène à Cajarc.
Mes parents et moi accompagnés de Pompon le percheron, nous nous étions rendus dans ce grenier à blé récupérer quelques sacs de farine plusieurs mois avant ce drame.
Chaque ferme avait son four à pain et nous avions l’habitude de confier une partie de notre récolte à moudre au brave minotier d'en face.
C’est là que j’ai vu le plus de rats de ma vie, Ils crépissaient le pan du mur à l’entrée de la meunerie, mon chat lui-même aujourd’hui n’en reviendrait pas !
Pour me rassurer l’homme aussi pâle que du blé concassé en attrapa un par la queue. L’animal surpris n’eut cependant aucun mouvement de défense et dans un ample geste notre homme le balança dans le remblais en contrebas !
« Vous boirez bien un café ?». Je n’ai pas eu le temps de dire non! non ! à ma mère que notre broyeur de grain avait déjà lancé cette phrase à sa brave femme :
« Prends le balai et fais sortir les bestioles de la cuisine !».
Elle pénétra dans la pièce et à grands coups de manche elle fit sortir une bonne dizaine de rongeurs bien portants.
Je me souviens d’avoir attendu la fin de la dégustation les jambes levées une fois à l’intérieur de la pièce, afin d’éviter les quelques animaux domestiqués qui avaient esquivé la sortie précipitée et qui circulaient encore dans la pièce !
Tout cela pour vous dire que ce vertébré souvent considéré comme répugnant est intelligent et sociable à l’image de son ennemi le chat lorsqu’il cohabite avec l’homme, aussi docile et brave que son cousin tout blanc qui sert de cobaye dans les laboratoires !
Cette scène surréaliste vous en conviendrez encore une fois avec moi, je ne l’ai jamais observée dans un quelconque film!
 
Dernière édition:
Bergon lo campanièr de campanas! Bergon lo campaniér de Faycelles!

Récit définitif !

Diga mameta me contas l'istòria de Bergon e de sa Mariton a Faicelas?

Dis mémé tu me racontes l’histoire de Bergon et de sa Mariton à Faycelles ?

Cette histoire vécue, je la connaissais aussi bien qu’elle, et je me plaisais à la réentendre, aussi n’aurait-il pas fallu que ma pauvre grand-mère saute un seul paragraphe de ce charmant récit riche en enseignement, car j’étais très attentif à ses paroles, et elle aurait immédiatement entendu un premier son de cloche !
Tout d’abord il faut camper l’individu !
Pour cela je vais vous parler en quelques lignes de sa famille. Sa grand-mère maternelle était née sur le rocher troglodyte qui domine la montée abrupte de la châtaigneraie en dessous du village de Faycelles. Beaucoup de malheureux avaient choisi cet endroit providentiel qui les protégeait un peu d’un climat aux rudes variations. Les hivers étaient bien plus rigoureux qu’aujourd’hui, les plus anciens ont en mémoire des mois où les températures oscillaient entre moins dix et moins vingt degrés.
Cette petite plateforme providentielle qui leur offrait un toit avait été taillée dans la roche au fil des millénaires par l’érosion, elle n’avait rien de confortable mais avait le mérite d’exister et quand on est miséreux on se contente de très peu!
Le grand-père de Bergon avait participé à la guerre de 1870 et s’était comporté rapporte t-on en soldat exemplaire.
Cette très longue absence loin de ses parents avait été précédée du service militaire. Cet éloignement lui avait permis de faire connaissance avec une partie de sa patrie.
Bien souvent les jeunes gens de nos fermes n’avaient que cette occasion pour quitter le
l’endroit qui les avait vus naître!
C’était d’ailleurs une phrase-clé de l’armée pour inciter les hommes à rejoindre le drapeau: «Engagez-vous, vous verrez du pays !»
Pour cela fallait-il encore être jugé apte le jour de l’inévitable conseil de révision!
Cela me permettra dans une prochaine histoire vécue de vous décrire cette fameuse journée où les futurs conscrits de la commune étaient soumis à une suite d’épreuves autant physiques que morales avant de s’entendre dire: «Bon pour le service, bon pour les filles»et enfin d’avoir l’autorisation d’arborer fièrement sur leur beau veston la cocarde tricolore!
Cette notion d’évasion loin de son clocher me remémore une petite anecdote que je ne peux pas passer sous silence. Alors qu'il était souffrant pour la première fois de sa vie, le brave Gaston natif de Lavalade dut se rendre à Cahors afin d’être hospitalisé.
Notre malade installé confortablement à l’arrière de la reine des voitures voyait défiler le paysage quand il a subitement prononcé cette phrase en patois !
Elle en disait long sur son dépaysement: « Eh plan!...auriái pas jamai cregut que França èra tan granda!» «Eh bien!...je n'aurais jamais cru que la France était si grande!».
Rien ne vaut, vous voyez, un déplacement en grandeur nature, il permet de se faire une idée précise de l’étendue des choses.
Comme la vie loin du nid natal forme la jeunesse, notre brave Bergon à la fin de son incorporation sous les drapeaux, avait tenté l’aventure dans la capitale où il s’était adonné au rude métier de livreur de charbon.
Il était très fier de pouvoir raconter qu’en ce temps-là, chargé de deux gros sacs d’anthracite il gravissait plus de six étages sans être essoufflé !
L’appel de l’air pur du pays cependant et les fameuses résonances de cloches ont rapidement eu raison de ce court exode.
C'est donc en accord avec sa conscience qu'il a pris la décision de rejoindre sans plus tarder sa terre natale.
Bergon y a trouvé presque aussitôt un travail et il s’est avéré rapidement indispensable à la vie du village et de ses alentours. Il a même cumulé les fonctions grâce à une de ses passions en devenant marchand d’ânes.
Il avait en effet un amour démesuré pour ces quadrupèdes têtus à grandes oreilles!
Dans un premier temps il se fit campanier !
C'était un personnage très important, essentiel même, il assurait le lien qui unissait l’ensemble de la communauté gravitant autour du clocher de l’église.
C’était en quelque sorte un des premiers fonctionnaires mal rémunérés et non reconnu officiellement par l’administration.
De là à dire que cette corporation ne mérite aucun salaire, je ne me risquerai pas à un tel raccourci!
Je ne veux pas chers lecteurs ici susciter vos foudres et devenir la cloche à abattre, mais le diablotin que je suis aime gentiment attiser la surchauffe. Cela dit, je ne prends pas un grand risque car mon clocher est équipé d’un bon paratonnerre!
Le travail principal de Bergon était axé bien entendu sur les annonces des offices religieux, cela se faisait par un vol de sonneries préalables précédant successivement de soixante, trente, et cinq minutes le début de la cérémonie. Cette méthode servait de guide afin de prévenir les hameaux les plus éloignés, les fidèles avaient alors le temps matériel d’arriver à l’heure à l’église car le plus souvent cette approche se faisait à pied.
Mais bien entendu les cloches ne se limitaient pas à cet appel, elles jouaient aussi le rôle tenu, aujourd’hui encore par les sirènes dans toutes nos villes.
Elles étaient bien plus charmantes et avaient une résonance bien plus mélodieuse que les hurleuses de nos cités que les gens du pays qualifiaient d’inhumaines,celles d’un monde qui devenait à leurs yeux trop moderne, où la spiritualité était moins propice aux prières et à l’appel du Seigneur. Rien ne peut remplacer dans ce rôle l’angélus n’est-ce pas?
Le matin semblables au maître à la crête rouge et aux élans de roi dans la basse-cour , elles tintaient l’heure du réveil, les vibrations sonores de midi étaient suivies du repas des paysans et des ouvriers, elles obligeaient les femmes à presser le pas le panier sous le bras.
Dans les chemins tortueux entretenus par les bergers, certaines allaient à la rencontre de leur mari qui travaillait les champs dans la plaine. D’autres prenaient la direction du causse où le chef de famille gardait les moutons tout en façonnant des murets qui leur servaient de clôture et des caselles qui les abritaient en cas d’intempéries!
Bergon était également un journalier, et pour cette raison il lui arrivait de se suspendre à la corde quelques minutes avant l’heure précise, on ne lui en voulait pas pour autant, tous les gens du pays bénéficiant ainsi de cette aubaine bergonniène !
Evidemment quelques/uns lui en faisaient de temps en temps la remarque, c’était à leur tour d’entendre un son de cloche !…Il leur répondait immanquablement: «En çò de-me es abans tot l'estomac que parla!»…« Chez moi c’est avant tout l’estomac qui parle!»
La sonnerie du soir, quant à elle, arrivait enfin, elle invitait à lâcher le manche de l’outil et à rentrer les bêtes à l’écurie.
La longue journée n’était pour autant pas achevée, il fallait encore traire! Le labeur à la campagne est aussi fractionné par le rythme des animaux, quand le concert des meuglements et des bêlements se fait mélodieusement entendre!
Mais revenons à nos très chères cloches qui assuraient toutes sortes de fonctions!
Elles invitaient les gens à écouter le crieur public, qui jouait le rôle d’une radio locale, elles annonçaient les événements exceptionnels! Le triste tocsin signalait une déclaration de guerre, un cataclysme ou un incendie et c’était alors les cœurs des pauvres gens qui battaient à l’unisson ! Joyeuses elles fêtaient l’armistice elles étaient alors les témoins privilégiés des liesses populaires.
Le carillon faisait partager les joies de l’entrée en chrétienté d’un nouveau-né par le baptême, il annonçait à toute volée l’union d’un couple dans le mariage. Le triste glas qui sonnait deux coups pour les hommes et un coup pour les femmes ponctuait les décès tout en accompagnant le défunt vers sa dernière demeure !
Les cloches avaient aussi le pouvoir magique de faire fuir les orages porteur de grêle!
Dieu cependant avait le pouvoir de punir pour des raisons diverses l’ensemble de la commune et après un désastre des voix paysannes s’élevaient en disant : « Prengam en nòstres, es lo tot poderós que l'a volgut!» «Prenons-nous-en à nous, c’est le tout puissant qui l’avoulu !».
Ce battant mobile en acier fixé solidement sur son axe comme vous le constatez, avait un rôle capital dans l’existence de nos braves campagnards dès qu’il prenait vie agité intelligemment par la main de l’indispensable Campanier.
Bergon était récompensé chaque année des services qu’il rendait à l’ensemble des âmes de la commune.
Lorsque la saison des récoltes enfin arrivait, il allait de propriété en propriété pour percevoir en quelque sorte sa dîme, il en avait rendu des services, et les paysans le gratifiaient aussi généreusement que possible, c’était en quelque sorte un juste retour d’un écho de cloche !
Mais là ne s’arrêtait pas son grand talent, il était également chantre à l’église, et bien que n’ayant jamais appris un mot de latin, il faut reconnaître que dans l’ensemble il le possédait fort bien. Il entonnait les chants grégoriens et avec son accent rocailleux bien particulier doublé d'une voix très haute il suivait les notes en escaladant ou en dévalant la gamme, c’était un virtuose des sons le baryton du chœur et des rimes à faire pâlir de jalousie les voix des piliers d’église à trente lieux à la ronde!
Ce don du ciel qu’il possédait avec grâce lui a permis de gravir l’échelle de la reconnaissance ou de la renommée si vous préférez. On l’éleva au rang d’annonceur public. Excusez-moi mais quand je parle de Bergon, je n'ose pas, par respect pour ses cordes vocales employer le terme de "crieur!" Le dimanche à la sortie de la messe il avait toujours des bons conseils à donner, et les nombreux pratiquants l’écoutaient religieusement et se confiaient même aux oreilles du chanteur éclairé!
Un confessionnal de groupe à l’air libre en quelque sorte!
Ben ausit, aqueles prepauses èran divulgats dins la lenga del país en pateses
Sols los iniciats podián comprene !
Lo vertadièr latin, coma s'agradava a m'o repetir mon oncle qu'èra professor de francés latin grèc!»
Que je vous traduis ici:
Bien entendu, ses conseils étaient divulgués dans la langue du pays en patois!
Seuls les initiés à ce merveilleux langage pouvaient le comprendre!
Le vrai latin comme se plaisait à me répéter mon oncle Roger qui était professeur de français latin grec !
Notre homme vivait de moins que rien avec sa pauvre chérie, la Mariton. Ils mangeaient régulièrement les vieilles carcasses de chèvres qu’ils mettaient au sel!
Bergon les avait achetées à la foire pour une bouchée de pain.
Dans nos campagnes on conservait la viande des animaux dans une maie, grand coffre en bois muni d’un couvercle amovible. Le réfrigérateur pour les plus jeunes d’entre vous, n’est apparu que bien plus tard !
Ils vivaient ainsi et pour rien au monde ils ne se seraient plaints, ils ne se considéraient pas comme des déshérités. Quand on se contente de l’essentiel on peut sans problème toucher du doigt le bonheur.
Sa brave Mariton savait à sa manière le gâter parfois et il lui en était très reconnaissant.
- Giga Marie ! Tu me gastas !
-Dis Marie tu me gâtes ! Ils étaient braves et simples, et pour rien au monde ils n’auraient porté tort à quelqu’un, contrairement à beaucoup de langues de vipères qui sillonnaient le pays en crachant leur venin! Ils vivaient chichement certes mais dignement, et paraissaient très sereins, c’étaient des sages comme l’on n’en rencontre pas beaucoup de nos jours !
La Mariton le régalait parfois d’une belle tête de mouton, c’était la tête de veau du pauvre! On l’utilisait surtout au pays pour la pêche à l’écrevisse dans les ruisseaux aux eaux cristallines!
Ces petits homards d’eau douce d’origine autochtone ont pratiquement disparus aujourd’hui, ils avaient colonisé nos petits cours d’eau où ils pullulaient. Malheureusement ils ont été les premières victimes de la pollution. On utilisait un système ingénieux en forme de balance pour les capturer. L’appât aux odeurs olfactives puissantes à base de viande avariée de moutons les attirait dans l’antre d’une large vasque, il suffisait alors de soulever le piège et le tour était joué !
En ces temps glorieux les mets des riches pouvaient être servis sur la table des misérables. Ainsi la truffe noire, l’écrevisse, le cèpe entre autres venaient-ils s’inviter dans les assiettes creuses des gueux.
Mais revenons à ce jour de festin chez les Bergon! Sa tendre épouse par mesure d’économie n’enlevait pas les yeux de l'animal sacrifié! Les badauds curieux qui tendaient l’oreille pouvaient entendre leur conversation, la porte étant toujours ouverte hiver comme été!
Un agréable courant d’air assainissant parcourait ainsi l’unique pièce avec son cortège de mouches par forte chaleur, et par temps froid cette ingénieuse idée permettait de ne pas enfumer l’entourage !
Alors que ce fastueux dîner avait débuté, notre Bergon s’est adressé à la Mariton et de sa voix de baryton s'est mis à l'interroger sur un détail qui à première vue semblait anodin, mais qui a deuxième vue a fini par l'inquiéter!
»Diga, Marie, los èlhs se manjan ?.- Oc ben, Bergon, tot se manja ! Tot se manjea ! -Dis, Marie, les yeux se mangent ? -Oui, Bergon tout se mange ! Notre pauvre homme qui ne voulait surtout pas contrarier sa Mariton chérie, toujours docile obtempéra sur le champ !
Il faut dire qu’il lui vouait une véritable passion, que dis-je un véritable culte. Dans la vie il avait trois priorités ! « Ça que aimi lo ma, après lo bon Dius e la nostra Marie, aquos és lo tabac !» « Ce que j’aime le mieux après le bon Dieu et notre Marie, c’est le tabac !»
Curieusement il avait oublié les ânes ce jour-là!
La gentille Mariton n’avait pourtant rien d’une beauté, c'était un tas de nerfs qui frôlait le nanisme, en plus elle se tenait voûtée et avait été avantagée par une certaine prédisposition à la pilosité. Bref, on ne s'attend pas à voir autant de traits négatifs sur une aussi petite personne.
Mais vous le savez comme moi l’amour est aveugle, et quand Bergon vous parlait d’elle il la décrivait comme une des sept merveilles du monde. D’ailleurs un jour qu’il était en train d'évoquer des souvenirs de caserne, et qu’il mettait en avant la très belle prestance de son colonel droit dans son uniforme et dont il avait été le planton, il flatta la magnificence de sa perle rare !
Elle était à le croire la plus belle créature que la terre eut portée! Il lui était impossible de la décrire, et de superlatif en superlatif il a fini par lâcher cette image digne du culte inconditionnel qu'il lui portait :
« Agacha ! Réa polida, polida ! Té, tant polida que la nostra Marie »
« Regarde! Elle est belle, belle ! Tiens, aussi belle que notre Marie ».
Il parlait bien entendu de la Sainte Vierge!
Beauté extérieure et intérieure d'une mère vénérée que l'on ne peut en aucun cas mettre en doute!
On raconte que ce culte de la passion amoureuse le poussait carrément à l’héroïsme!
Lorsqu'il revenait d'une cueillette de champignons où la diversité pouvait créer le doute par rapport à la comestibilité, il avait le sens du sacrifice! Il s'affairait à les trier et à les préparer. D'un bon coup de fourchette il les dégustait et en laissait une bonne part pour sa Mariton.
Rassurée, son âme sœur pouvait ainsi manger les restes le lendemain sans arrière-pensée!
Il l’aimait à en mourir !

Voici sa chanson : il avait plusieurs métiers !

Je m’appelle Bergon
je suis un maquignon
quand je vais à la foire
je prends mon bâton,
Quand j’active les cloches,
je n’ai rien d’une cloche!

M'apèli Bergon
Soi un maquinhon
Quand vau a la fièra
Preni mon baston!
Quand activi las campanas
Ai pas res d'una campana! 87D74317-6B17-4B50-8E40-87AC6D174BD5.png
 
Récit définitif

Le Noël du pauvre!

Une fête reste une fête que l’on soit riche ou pauvre, Noël résonnait ainsi en moi lorsque petit bonhomme mes yeux commençaient à scintiller à l’approche d’une journée, qui par tradition ne pourrait être qu’enchantée! Aussi ne fallait-il pas négliger les préparatifs afin que le vieillard à la grande barbe blanche puisse repérer de loin ma petite maison, sa cheminée, et qu’il soit surpris par une décoration que je souhaitais aussi féerique que possible. Il fallait donc tout prévoir afin que cette nuit s’illumine de couleurs scintillantes. Mon premier travail consistait à partir à la recherche de ce qui ressemblerait le plus possible à un beau sapin. Mon père m’avait longuement expliqué que le Roi de la forêt ne devait en aucun cas être coupé pour servir à la décoration, c’était d’ailleurs pour lui une atteinte à la vie, et il ajoutait même qu’un acte criminel de ce type devrait être sévèrement puni! Je doutais un peu face à ses fortes paroles, mais quelque chose en moi m’obligeait finalement à les prendre au sérieux. Cet homme était un sage, alors rien ne devait m’éloigner du chemin qu’il traçait avec bienveillance pour moi. Il me montra alors du doigt la colline en me disant que j’avais de quoi trouver mon bonheur dans ce coin aride parsemé de plantes sauvages plus ou moins vertes et plus ou moins rampantes.
C’est donc dans l’espoir d’une découverte originale muni d’une petite hachette et d’un grand sac, que je suis parti confiant à la recherche de ma bonne fortune. Au-dessus de la voie romaine, des plantes dont j’ignorais le nom allaient pouvoir faire illusion. Je ramassai d’une main agile la fraîche mousse verte non loin de la fontaine gauloise aujourd’hui disparue. Quelques tiges feuillues piquantes à souhait ornées de boules rouges que l’on nomme aubépine donneraient un peu de gaieté à l’ensemble. J’oubliai, la mort dans l’âme le magnifique jeune sapin Douglas aux larges et douces ramures où nichait une mésange, pour enfin me trouver face à un beau genévrier qui une fois en place devrait sans compromis se substituer au petit prince de cette colline.
Quelques traces marquaient sur la neige et me rappelaient que l’endroit n’était pas aussi désert qu’il semblait paraître.
Je ne sais pas si vous l’avez constaté, mais lorsque l’on est occupé, le père temps semble s’écouler plus vite. Le clocher de la petite église du Mas du Noyer me fit un signe avec insistance,. Il était urgent pour moi de quitter ce paradis ombragé aux blancheurs éternelles. Chargé comme pouvait l’être jadis un mulet je rebroussai chemin habité par une certaine fierté pour planter le décor!
Près de l’âtre deux petites bûches savamment ajustées bout à bout entretenaient une flamme tiède, animée par quelques braises. Après avoir intelligemment égayé la pièce d’artifices, le chef d’œuvre prenait enfin forme et notre poivre du pauvre finissait par ressembler à s’y méprendre au plus beau roi que la forêt pouvait abriter lors d’une nuit givrée. La neige cotonneuse faiblement éclairée par un halo lunaire rasant finissait par ajouter à ce décor enchanté un effet surréaliste.
C’était mon premier cadeau, celui-là je l’avais mérité, et à lui seul il comblait pratiquement toutes mes espérances.
La nuit du réveillon était semblable à toutes les soirées en attendant le repas du lendemain qui tradition oblige, était légèrement amélioré. C’est donc avec amour que ma maman me prépara pour marquer de son empreinte ce qui devait être à ses yeux aussi un soir de réveillon un bol de chocolat. Elle me le servit accompagné de larges tartines qu’elle avait généreusement recouvertes d’une délicieuse confiture maison de myrtille. J’avais couché en résonance phonétique sur une feuille une liste d’envies, cette symphonie sans fausse note paraissait interminable. Mon imagination dans ce domaine musical semblait n’avoir aucune limite. Avec délicatesse j’avais glissé cette missive aux grands airs d’espoir dans une enveloppe blanche, puis dans une de mes chaussures alignée au cordeau face au plus fier des conifères.
Il fallait, en bon enfant prévoyant, penser au vieil homme au traîneau qui dans sa longue tournée allait avoir froid et faim, un bon verre de lait entier de la Blanchette aurait toutes les propriétés d’un bon remontant, et lui ferait le plus grand bien après un si long voyage.
L’heure des songes enchantés allait bientôt sonner, et c’est après un petit papa Noël entonné par la voix douce d’une mère à l’écoute des moindres désirs de son rejeton que mes paupières allaient se fermer lentement éclipsant d’un souffle léger ma conscience. J’étais enfin baigné dans un espace enneigé où mille carillons me berçaient avec délicatesse en m’éloignant lentement d’une douce réalité.
Puis arrivait comme par magie l’instant solennel où d’un pas décidé je me dirigeais vers le coin rêvé aux multiples surprises !
D’un seul coup d’œil j’apercevais le verre vide de son contenu qui témoignait que le brave vieillard à la grande hotte ne m’avait pas oublié ! Mais où avait-il déposé les paquets renfermant mes cadeaux ?
Mes chaussures étaient bien à leur place, et l’enveloppe avait bien disparu !
C’est à ce moment précis que j’ai entendu ma maman prononcer ces mots dont l’écho revient encore en moi comme dans une mauvaise fiction «Tu sais Maurice, j’ai vu le père Noël, il a pris ta lettre et tout en buvant ton verre de lait, il m’a expliqué qu’il n’était pas plus riche hélas cette année que l’année dernière, qu’il avait été obligé de donner ses jouets à des petits enfants bien plus pauvres que toi. Il te remercie pour ta délicate attention, il a laissé ces quelques oranges en témoignage de son passage. Avant de s’éloigner sur son traîneau tiré par deux superbes rennes il a ajouté qu’il ferait son possible pour t’offrir un cadeau présent sur ta liste la prochaine fois, il m’a chargé de t’embrasser».
Ces paroles aussi tendres que dures à entendre, puis à accepter, m’ont cependant rassuré.
Le père Noël était très pauvre certes, mais il existait bien, c’était un personnage juste et droit semblable en tous points à Dieu!
Il ne m’avait pas oublié dans son immense tournée autour de la terre !
Cela suffisait à me rendre heureux et joyeux, à l’image de cette fête aussi mystérieuse que magique pour un petit homme…NOËL !
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Une journée d’école à Capdenac dans les années soixante, le jour où tout a failli basculer ! Récit définitif

Si vous avez l’occasion de balayer du regard cette cour d’école aujourd’hui, dites-vous que rien n’a vraiment changé depuis les glorieuses années où petit écolier je la parcourais brodequins aux pieds. Je vais essayer de vous décrire ce qu’était la vie des écoliers dans le courant des années soixante en ce haut lieu de la culture. Le portail en fer forgé s’ouvrait sur un espace sobre parsemé de petits platanes. Les instituteurs avaient pour habitude de parcourir cet espace clos dans d’incessants et curieux allers-retours, composés d’une marche avant et d’une marche arrière. Ce mouvement de balancier, dans une gestuelle bien huilée, ne pouvait jamais s’enrayer, Ils discutaient entre eux tout en surveillant les élèves. Ce mécanisme pouvait toutefois marquer un temps d’arrêt suite à une glissade ou à un télescopage accidentel. L’enceinte en terre battue était en léger dévers et la vitesse que prenaient les trois cents petites guiboles ne permettait pas toujours d’éviter les dures rencontres non sollicitées! Dans ces conditions extrêmes les genoux couronnés n’étaient pas rares. A l’air libre, sans soins particuliers, les blessures finissaient toujours par cicatriser. Rapidement arrivait le fatidique son de la cloche actionnée par une chaîne solidement accrochée à une poutre du préau. Préau qui nous servait d’abri en cas d’intempéries, qui pouvait aussi offrir un de ses coins afin de permettre à un éventuel étourdi qui n’avait pas appris ses tables de multiplication de remédier à cet impensable oubli. Il lui suffisait pour cela de parcourir le dos du cahier qui faisait office de brouillon. Cette suprême punition durant la récréation nous permettait de prendre conscience que les études passaient avant l’amusement ! Nous pouvions aussi jumeler cette offense à notre dignité d’écolier par des tours de cour les mains sur la tête, ou derrière le dos. La pire de toutes ces sanctions restait celle où nous devions accomplir ce même outrage dans l’enceinte des filles! Une rangée de commodités turques bien pratiques aux portes pleines mais ajourées par l’inexorable rudesse du temps, longeait un mur d’enceinte pratiquement infranchissable. Bien entendu, les filles et les garçons ne partageaient pas le même secteur d'études, en ces temps reculés la morale prédominait sur tout, l’éducation nationale ne voulait pas, vous l'avez compris s’exposer au moindre risque!. Toutefois, ce contexte sobre qui prête aujourd’hui à sourire n'influait aucunement rassurez-vous sur notre imagination débordante. La semaine scolaire s’étalait du lundi au samedi après-midi, nous rentrions le matin à neuf heures et nous quittions l’établissement à quatre heures et demie. Le jeudi nous n’avions pas classe mais cela ne veut pas dire que nous étions au repos, nos parents nous trouvaient diverses occupations pratiques ! Lorsqu’on est entouré de champs et d’animaux il y a toujours de quoi occuper un esprit épris d’oisiveté ! Les vacances d’été avaient une durée de trois mois environ. Intelligemment nous avions séquencé les trois trimestres par diverses activités ludiques mais aussi physiques. La rentrée autour du vingt septembre était consacrée aux billes que l’on achetait chez la Marinette. C’était une toute petite surface aux multiples gâteries pas très loin de l’entrée de l’école Saint Louis. Le paquet de cent billes en terre avait une valeur marchande de cent francs, la bille était donc à un franc!
Ce petit calcul rapide est là, pour vous prouver que mon passage à l’école primaire n’a pas eu que des côtés négatifs.
Les agates en verre aux reflets multicolores étaient à dix francs, il existait le boulard bien plus gros mais aussi la bille en plomb, nous pensions avoir une fortune en poche! Cette grande richesse se mélangeait souvent dans nos tabliers gris avec de succulentes châtaignes fraîchement ramassées puis grillées au feu de bois. Ce délicieux fruit très nourrissant à l’enveloppe épineuse était surnommé "le pain du pauvre" Il était largement utilisé dans nos campagnes et pouvait se conserver toute l’année. Aux petites mains il servait parfois de monnaie d’échange lorsque par malheur nous étions kuffés! "Sans billes".Nos jeux étaient variés, soit on débutait une partie de triangle , soit on jouait au trou! Alors les phrases aux timbres magiques fusaient de nos petites bouches : « Point de dégouline ! Point de patte! Je vais te kuffer! » Une suite de mots magiques que nous comprenions tous, et qui nous permettaient de passer un très agréable quart d’heure. Nous entonnions un peu plus tard dans l'année les «Qui c'est qui veut jouer aux gendarmes et aux voleurs? » Ou le fameux :«Qui c'est qui veut jouer à trape trape? » Ces moments de liberté cependant passaient bien trop vite à notre gré! Certains élèves dès leur arrivée le matin étaient de corvée pour allumer le poêle à charbon. Une agréable chaleur était donc bien en place pour nous accueillir, à l’instant même où la cloche sonnait le moment du grand rassemblement. En moins de temps qu’il ne faut pour l’écrire, les rangs par deux se formaient dans un silence qui aujourd’hui paraîtrait surprenant, tant il contrastait avec la minute qui l’avait précédé.
Devant la porte l’instituteur d’un signe autorisait l’accès à la salle de classe.
Deux ou trois allées séparaient des petits bureaux à deux places où un petit banc solidaire servait d’assise aux élèves.
L’odeur bien particulière de cette pièce réservée aux études emplissait nos narines.
C’était un parfum olfactif difficile à décrire, fait d’un savant mélange de craie, d'encre, de gommes, de cahiers et de livres! Sans oublier l’odeur du chauffage aux effluves charbonneuses si particulières. À l’époque des machines à vapeur, nous nous étions habitués à ce type de confort passager! Nos fermes étaient équipées d’une cheminée avec un effet chaud devant froid derrière pour faciliter le tirage et bien souvent la porte d’entrée restait ouverte pour éviter les émanations de fumée à l’intérieur de la pièce à vivre.
L'académie de Toulouse, vous voyez ne lésinait pas sur le bien-être de ses petits étudiants.
Face à notre pupitre nous attendions patiemment l’ordre du maître qui nous ordonnait de nous asseoir. Cette phrase était suivie généralement d’un : « Sortez votre cahier du jour!»
L’instituteur commençait alors de morale, très importante à ses yeux.
Après nous avoir expliqué les règles d’une bonne conduite sur divers sujets de l’existence, il prenait la craie et dans une écriture faite de pleins et de déliés le tableau s’incrustait de sages paroles. Une fois la phrase moralisatrice définitivement inscrite nous devions la recopier à l’aide de notre plume légèrement humectée dans l’encrier. L’écriture est un art de nos jours oublié, je vous invite à consulter les anciens registres dans nos mairies pour en saisir les contours aux multiples facettes.
Plume légère en montant puis accentuée dans sa descente, la lettre ainsi posée devient une œuvre d'une finesse admirable.
Les taches ne sont pas admises, il faut beaucoup d’expérience et de doigté pour obtenir une récompense désignée par un bien ou un très bien.
Les uns après les autres, nous nous levons et toujours dans le plus grand calme, nous avançons vers la chaire et tendons le cahier ouvert à l’homme nanti d’une grande instruction.
Il nous demande si l’on a bien compris ses explications du matin, et nous pose une ou deux questions à ce sujet, sa plume imbibée d’encre rouge parcourt les quelques lignes et en marge tombe par magie l’appréciation.
Le bonheur on le ressentait déjà dans un assez bien, alors lorsqu’on atteignait le sommet de la récompense avec un très bien, inutile de vous décrire la fierté qui fusait en nous!
Ainsi passait la journée où le français côtoyait les mathématiques, avec ces fameux trains qui partaient en gare de Capdenac vers Cahors à une certaine vitesse, mais qui contrairement à la régularité exigée par la SNCF pendant cette glorieuse époque, n’étaient jamais à l’heure, et il fallait bien entendu dire à quel endroit ils allaient se croiser!
Difficile me direz-vous sur une ligne à une voie!
Les réserves d'eau n'étaient jamais étanches et d'astucieux vases communicants ajoutaient leur grain de sable à un résultat que nous devions trouver et qui nous faisait inévitablement bouillir les neurones !
Nous sortions une fois par jour l’ardoise pour du calcul mental et c'était à celui qui trouverait le bon résultat en premier!
Il pouvait ainsi gagner un bon point ou une image!
À ce jeu-là, certains d'entre nous montraient une certaine aisance. D’autres qui au contraire avaient sûrement déjà des facultés résolument tournées vers la littérature ne progressaient guère !
Heureusement la brave cloche actionnée grâce à une chaîne par l'élève de service venait, à intervalles réguliers, nous délivrer de ces prises de tète incessantes mais oh combien utiles et instructives.
Le repas de midi que nous avait concocté avec amour la mère Closel arrivait à point. Nous faisions notre possible pour lui être agréable en l’aidant dans son service, afin de pouvoir avoir accès à la réserve au Petit - beurre. Évidemment nous nous remplissions les poches sans le lui dire!
Je n’appréciais pas la nourriture qui nous était servie. Sans être ni hindou ni disciple de Pythagore, je n'ai pas voulu toucher un seul morceau de viande pendant plusieurs années. L'esprit n'en était que plus alerte, aussi bien retrouvait-on le même régime dans la plupart des internats, c’est ce que m’ont fait comprendre les quelques années de pensionnat au lycée Champollion de Figeac! S’il faut en croire le philosophe Alain : "Il y a une odeur de réfectoire, que l’on retrouve la même dans tous les réfectoires. Que ce soient des Chartreux qui y mangent, ou des séminaristes, ou des lycéens, ou de tendres jeunes filles, un réfectoire a toujours son odeur de réfectoire. Cela ne peut se décrire. Eau grasse ? Pain moisi ? je ne sais. Si vous n’avez jamais senti cette odeur, je ne puis vous en donner l’idée ; on ne peut parler de lumière aux aveugles. Pour moi cette odeur se distingue autant des autres que le bleu se distingue du rouge.
Si vous ne la connaissez pas, je vous estime heureux. Cela prouve que vous n’avez jamais été enfermé dans quelque collège. Cela prouve que vous n’avez pas été prisonnier de l’ordre et ennemi des lois dès vos premières années. Depuis, vous vous êtes montré bon citoyen, bon contribuable, bon époux, bon père ; vous avez appris peu à peu à subir l’action des forces sociales ; jusque dans le gendarme vous avez reconnu un ami ; car la vie de famille vous a appris à faire de nécessité plaisir.
Mais ceux qui ont connu l’odeur de réfectoire, vous n’en ferez rien. Ils ont passé leur enfance à tirer sur la corde ; un beau jour enfin ils l’ont cassée ; et voilà comment ils sont entrés dans la vie, comme des chiens suspects qui traînent un bout de corde. Toujours ils se hérisseront, même devant la plus appétissante pâtée. Jamais ils n’aimeront ce qui est ordre et règle ; ils auront trop craint pour pouvoir jamais respecter. Vous les verrez toujours enragés contre les lois et règlements, contre la politesse, contre la morale, contre les classiques, contre la pédagogie et contre les palmes Académiques ; car tout cela sent le réfectoire. Et cette maladie de l’odorat passera tous les ans par une crise, justement à l’époque où le ciel passe du bleu au gris, et où les libraires étalent des livres classiques et des sacs d’écoliers".
Après ces fortes paroles, et après avoir redressé mon ancienne casquette d’écolier un instant déstabilisée sur une tête vagabonde, je glisse avec vous vers la deuxième partie de la journée.
Elle était consacrée aux matières très importantes qui font travailler la réflexion et l’imagination. Nous avions des sujets de rédaction pas faciles à développer. Il m’en revient un à l’esprit : "Décrivez l’automne" Les séances de vocabulaire que j’aimais bien étaient très animées aussi ! L’orthographe avec sa fameuse dictée d’environ dix lignes en CM2 truffée d’accords avec le verbe être et avoir nous posait de sérieux problèmes! En effet, une faute entière comptait pour quatre points en moins sur vingt, la demi-faute sanctionnait un nom commun de deux points, la ponctuation et les accents oubliés un quart de faute ! À ce régime on atteignait rapidement le zéro pointé avec cinq fautes! Mais peu importe la besogne, il nous fallait être fin prêts pour le jour où l’ordre nous serait donné de sortir nos cahiers de composition! Notre plus grand bonheur venait encore une fois de cette brave cloche qui à quatre heures et demie résonnait à nouveau afin de nous délivrer de ces interminables casse-têtes!
On reconnaissait la sonorité du soir, l’élève qui tirait sur la corde y mettait tout son cœur!
La sortie était accompagnée de cris joyeux sonnant la liberté dès que l’on passait le portail en fer forgé pour regagner nos foyers.
Il est à ce propos un souvenir moins heureux qui est resté ancré dans la mémoire collective de beaucoup d’écoliers, enfin c’est ce que je pense !
Comme chaque jour, matin et soir, le car de la société Laurens se chargeait du ramassage scolaire. De Capdenac-Gare en passant par la Madeleine et au-delà de Foissac, les enfants empruntaient l’autobus dans un aller-retour journalier.
En cette fin d’après-midi, c’est donc la tête remplie de nouvelles connaissances que
cinquante écoliers du cours préparatoire aux collégiens en classe de troisième, prenaient la route pour rentrer chez eux. Confortablement installés sur des sièges à l’assise ferme dépourvus de ceintures de sécurité, ils se trouvaient dans les lacets de la fameuse côte de Roquefort. Il n’y a pas jusque-là de quoi en faire un fromage me direz-vous!
Oui mais voilà, ce jour- là, le garagiste du coin essayait une nouvelle déesse de la route!
Au tiers de la montée, dans un virage en courbe pas très accentué ce bolide lancé à toute allure a eu la fâcheuse idée de percuter l’avant de notre bus! Dans une glissade miraculeuse, ce dernier s’est arrêté dans un mouvement de balançoire retenu en son centre par un brave chêne qui avait réussi l’exploit de prendre racine dans un coin où toutes plantes dites raisonnables hésitent à s’aventurer !
J’ai ressenti immédiatement une douleur vive au niveau du genou gauche qui s’est mis à saigner abondamment puis à gonfler. Heureusement cette blessure après consultation s’est avérée sans gravité. Seule une cicatrice attestera par sa présence l’instant où dans ma vie tout a failli basculer !
Des cris de frayeurs ont jailli de l’habitacle, le moteur du car a été immédiatement stoppé grâce au sang-froid du chauffeur à l’éternel béret basque.
Ce brave père Laurens comme on l’appelait tous, avait eu un réflexe béni , il venait de sauver sans le savoir encore l’ensemble de ses petits passagers !
Sous nos yeux effarés, un ravin vertigineux, gueule grande ouverte, nous tendait ses bras. Cet espace béant d’environ quatre-vingts mètres de profondeur baigne ses pieds dans le lit du ruisseau la Diège. Elle était prête ce jour-là à nous offrir son en guise d’adieu son lit.
Le car scolaire en équilibre précaire devait se vider sans tarder avant que l’impensable ne se produise.
Heureusement, le maître à bord encore une fois a su organiser son évacuation dans le calme. La portière qui permettait la sortie habituellement s’ouvrait face au précipice. Nous avons emprunté logiquement celle du conducteur. Je ne vous cache pas toutefois que le temps que l’on a mis à quitter le couloir central au moment crucial de l'évacuation nous a paru interminable. Des craquements inquiétants saccadés rythmaient notre future délivrance, et nos yeux évitaient de se focaliser vers l’espace diabolique qui nous aurait condamnés à une mort certaine.
J’ai grâce à mon ami instituteur retrouvé l’endroit précis où a eu lieu le télescopage et le Saint arbre qui a permis la survie de très nombreuses âmes bien trop jeunes pour quitter le monde des études!
Eh oui, il existe encore, son tronc robuste défie les années avec grâce et dans une révérence dont il a le secret il se rappelle à nous en tant que sauveur à l’écorce providentielle.
 

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