Les Invisibles
La Montespan, la Pompadour,
La Maintenon, la Du Barry :
Quand je regarde les amours
Qui agitaient le Tout-Paris,
Je regrette de n’être roi,
De n’avoir pas en pointillé
Au cou ce joli mod’ d’emploi
Qui fait les beaux guillotinés.
Tous ces volants et ces yeux doux,
Ces antichambr’s et ces boudoirs,
Ces lèvres roses, ce rouge aux joues,
Ces billets doux, ces longs couloirs :
Comment les rois pur’nt gouverner
Et faire croire qu’ils travaillaient
Quand dans les jup’s ils séjournaient
Pendant que d’autr’s se les caillaient ?
Alors je pense au pôv’ Jacquot
Sur sa galère pour la gabelle,
Aux 10 000 morts pour le château
De Versailles avec sa chapelle,
À ces mill-i-ons d’anonymes
Que la douceur des bas de soie,
Le marbre frais d’Ancien Régime
Ignorèrent autant chauds que froids.
On crie au crachat que le pauvre
Postillonn’ par ses dents pourries
Sur la ch’mise arrachée des fauves
Qui s’moquent qu’il soit ou non nourri,
Mais on la ferme sur les gifles
Que les nantis, élégamment,
Distribuent à ceux qui reniflent
Parce qu’ils souffrent bruyamment.
Voilà pourquoi, dans les archives,
Je m’intéress’ plus aux esclaves
Qu’à ces escapades lascives
Des souverains dans leurs enclaves :
Je veux redonner aux fantômes,
Si nombreux qui peuplent l’histoire,
La vie qui manque tant aux tomes
Narrant la Cour sans les trottoirs.
Je ne veux pas qu’on nous endorme
Dans quelque lit à baldaquin
Cependant qu’une vache encorne
Une fermière au sort coquin ;
Je veux qu’enfin les projecteurs,
À l’inverse des rois-soleils,
Illuminent les vrais acteurs
Afin, peut-être, qu’ils se réveillent.
Aubépin des Ardrets
Première page du brouillon des Invisibles
La Montespan, la Pompadour,
La Maintenon, la Du Barry :
Quand je regarde les amours
Qui agitaient le Tout-Paris,
Je regrette de n’être roi,
De n’avoir pas en pointillé
Au cou ce joli mod’ d’emploi
Qui fait les beaux guillotinés.
Tous ces volants et ces yeux doux,
Ces antichambr’s et ces boudoirs,
Ces lèvres roses, ce rouge aux joues,
Ces billets doux, ces longs couloirs :
Comment les rois pur’nt gouverner
Et faire croire qu’ils travaillaient
Quand dans les jup’s ils séjournaient
Pendant que d’autr’s se les caillaient ?
Alors je pense au pôv’ Jacquot
Sur sa galère pour la gabelle,
Aux 10 000 morts pour le château
De Versailles avec sa chapelle,
À ces mill-i-ons d’anonymes
Que la douceur des bas de soie,
Le marbre frais d’Ancien Régime
Ignorèrent autant chauds que froids.
On crie au crachat que le pauvre
Postillonn’ par ses dents pourries
Sur la ch’mise arrachée des fauves
Qui s’moquent qu’il soit ou non nourri,
Mais on la ferme sur les gifles
Que les nantis, élégamment,
Distribuent à ceux qui reniflent
Parce qu’ils souffrent bruyamment.
Voilà pourquoi, dans les archives,
Je m’intéress’ plus aux esclaves
Qu’à ces escapades lascives
Des souverains dans leurs enclaves :
Je veux redonner aux fantômes,
Si nombreux qui peuplent l’histoire,
La vie qui manque tant aux tomes
Narrant la Cour sans les trottoirs.
Je ne veux pas qu’on nous endorme
Dans quelque lit à baldaquin
Cependant qu’une vache encorne
Une fermière au sort coquin ;
Je veux qu’enfin les projecteurs,
À l’inverse des rois-soleils,
Illuminent les vrais acteurs
Afin, peut-être, qu’ils se réveillent.
Aubépin des Ardrets

Première page du brouillon des Invisibles
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