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La marchande de quatre saisons

babyfruit

Grand poète
#1








A l'occasion de la semaine de bonté mercredi dernier, j'avais offert à Tante Rosine, le célèbre traité du professeur Yvon Toucipacé, consacré aux maladies du troisième âge.
C'était la passion de ma tante que de se découvrir les bacilles les plus virulents, les virus les plus implacables, les fièvres les plus pernicieuses qui eussent jamais habité cette planète.

Depuis quatre-vingt-douze ans, tante Rosine n'avait pour ainsi dire pas côtoyé la maladie et elle en éprouvait une secrète affliction.
De nature geignarde, elle aimait se faire plaindre et trouvait dans cet attrait pour les microbes, un terrain propice à cet effet.

S'il avait fallu la croire, tante Rosine aurait déjà dû mourir une bonne quarantaine de fois, ce qui enlevait évidemment toute crédibilité à ses jérémiades.
A ma connaissance, elle était du reste la seule personne au monde à avoir survécu successivement dans la même semaine à une peste bubonique, un cancer de l'œsophage et à une crise d'hémorroïdes aiguë.
Tante Rosine mettait au compte de cette invulnérabilité le nombre de prières qu'elle récitait chaque jour et surtout la demi-douzaine de pastis qu'elle prenait matin, midi et soir. Cette posologie assidûment appliquée faisait que parfois elle confondait les symptômes donnant à "ses maladies" des formes bien étranges.

Tante Rosine était veuve depuis bon nombre d'années. A l'époque, la mort de Gédéon avait fait jaser dans le village.
Soi-disant qu'il aurait succombé à une attaque foudroyante d'apoplexie. En fait, la




rumeur s'accorda à dire que Gédéon avait abusé du traitement que lui infligeait sa femme. On l'avait retrouvé fin saoul sur le carreau de sa cuisine avec à ses côtés deux bouteilles de pastis dont il ne restait plus la moindre goutte.

La disparition de Gédéon conféra à tante Rosine une seconde jeunesse.
Au fond, son mari l'avait toujours embarrassée. Leur amour né dans un verre n'avait jamais dépassé le stade du comptoir. Gédéon était un personnage mou, sans envergure et dépourvu de malice.

Depuis vingt-huit ans qu'elle vivait seule, tante Rosine ne s'était jamais si bien portée. Très populaire dans le village, elle faisait figure de baromètre. Avec les maladies de tante Rosine, il était possible de prévoir le temps. Le cancer annonçait généralement la pluie, les douleurs rhumatismales, la sécheresse.
Bien souvent, avant de se rendre aux champs, les paysans venaient s'enquérir de sa santé.
La typhoïde était redoutée car elle amenait la grêle, alors en toute hâte, ils allaient recouvrir de bâches leurs ceps de vigne et leurs plants de tomates. La grêle pouvait tombée dru, la typhoïde les avait sauvés !

Mais, ainsi qu'il a été dit précédemment, lors de libations un peu exagérées, tante Rosine se trompait de diagnostic, ce qui avait des retombées fâcheuses sur l'agriculture du pays. La foudre des paysans n'était pas moindre que celle du ciel et on se promettait de la brûler vive séance tenante sur la place du village.
Heureusement, le lendemain, tante Rosine ne manquait jamais de se rattraper et échappait ainsi aux affres du bûcher.

Nous étions aujourd'hui vendredi et il y avait juste deux jours que j'avais offert mon cadeau à tante Rosine quand le facteur vint me remettre un télégramme: -Viens à mon chevet - tante Rosine-
Que tante Rosine fût malade ne m'étonna point mais c'était la première fois qu'elle m'en avertit par télégramme. Etant néanmoins habitué aux facéties de ma tante, je ne m'en inquiétais pas outre mesure.

A ma descente du train, une pluie fine vint m'accueillir. Allons-y pour un cancer, me dis-je, ce sera le douzième cette année (nous n'étions qu'au mois de mars). Déjà prêt à subir un long cortège de plaintes et de lamentations, je frappais à sa porte.

Ce fut le curé qui m'ouvrit. C'était la première fois que je voyais cet homme d'église chez ma tante et sa présence en ces lieux ne présageait rien de bon.
En effet, j'appris de sa bouche que ma tante était morte. Tante Rosine était morte! Je n'arrivais pas à m'en persuader.

Je me fis expliquer les circonstances de son décès. Le saint homme me dit que tôt le matin, le père Firmin était allé demander conseil à tante Rosine au sujet des graines qu'il devait semer. Il craignait une poussée tardive de gelée blanche.. ..
Il l'avait trouvée sans vie, assise dans son lit. Un livre était ouvert à ses côtés, sa main




droite reposait sur une des pages où il était question de coliques néphrétiques. Ma tante n'ayant jamais souffert de cette maladie, son inquiétude était grande quant au cataclysme qu'elle pouvait déclencher.

Tante Rosine se trouvait maintenant allongée dans son lit. On n'avait pas cru bon lui retirer le bonnet de nuit ridicule dont elle avait l'habitude de s'affubler, ce qui lui conférait face à la mort un masque drolatique.

M'éloignant de son lit, je m'approchais de la fenêtre. La pluie avait cessé. Un soleil timide apparaissait et un magnifique arc-en-ciel se dessinait, auréolant l'azur de ses feux éclatants. La chambre jusqu'alors plongée dans la pénombre, fut en un instant inondée de lumière. Le ciel revêtait son habit de fête, rendant ainsi hommage à celle qui savait prévoir les couleurs du temps.

On offrit à ma tante un enterrement de première classe. Le cercueil d'acajou était capitonné de satin rose, son tissu préféré. On loua à grands frais un corbillard à la ville voisine. L'attelage était composé de quatre superbes alezans coiffés d'une aigrette écarlate. Le cocher et son gibus étaient compris dans le prix, ce qui, somme toute, rendait la dépense plus raisonnable.

Tout le village s'était cotisé. La superstition, la crainte d'une vengeance post mortem fit délier les bourses les plus serrées. Même le père Laruche avait donné, lui qui habituellement ne donnait jamais rien, prétextant que sa pension d'invalidité de victime de guerre lui assurait tout juste de quoi pourvoir à sa subsistance et à celle de ses douze chats.

L'enterrement fut grandiose. De mémoire de villageois on n'avait jamais rien vu de tel. Toute la région défila. L'évêque et le sous-préfet se déplacèrent. Ces personnages importants dont la présence enorgueillissait l'assemblée, se portèrent en tête du cortège. Le curé, le maire et ses adjoints suivirent à distance respectueuse. La famille dont j'étais l'unique membre, se noya au milieu de la foule.

La tombe de tante Rosine fut couverte de fleurs. Il me revint à l'esprit qu'elle les détestait mais, après tout maintenant, cela lui devait être égal.

Cela fait un an que tante Rosine est morte. Sa tombe est toujours la plus fleurie du cimetière.

Beaucoup, après son décès, prévoyaient que les pires catastrophes allaient s'abattre sur le village. Ils annonçaient la prochaine arrivée de cyclones, tempêtes ou autres typhons. Certains parlaient même de météorite qui anéantirait la région.

En fait, il ne se passa rien ou presque…Dans le village, on prit seulement l'habitude de suivre à la télé les bulletins météo d'Alain Gillot-Pétré.

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babyfruit

Grand poète
#2
désolé mais ton style d'écriture m'échappe totalement...N'est pas Tristan Corbière qui veut...