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La chambre était vide.

#1
La chambre était vide – ou presque- : un lit, une armoire – brinquebalante -, un tabouret – dont l’osier était troué -, un miroir – plus conseiller de ma face cernée que de ma grâce – était pendu au mur auquel je faisais face, assis au bureau ; quelques vêtements gisaient sur le tapis de poussière, cadavres, chiffons puants, témoins de mes journées alcoolisées.
La chambre était sombre et rien ne venait troubler le martèlement de la pluie. Le ciel renvoyait une lumière grise qui traversait les voilages de la fenêtre, pénétrait le lieu ténébreux, éclairait timidement mon papier encré.
Je pensais ; et ce cadre obscur épousait ma peine. Celle-ci même qui engourdissait mes membres, me brisait la nuque. Je pensais ; aussi je tournais cette boule tortueuse dans mon crâne, elle m’écorchait, me saignait. Mon esprit était occupé, bancal, mon âme salie par de mauvaises voies boueuses et enlisantes, mon cœur las de réflexions douloureuses ; cette souffrance même l’emmurait, l’obligeait à frapper fort dans la poitrine. Une lutte avec moi-même, tuante, muette… Et ce soir-là, ma plainte silencieuse, immobile, s’unissait au tambourinement de la pluie.
Pam ! plus rien. Ç’a claqué dans l’air. Pam ! Plus rien. La pluie avait cessée. Mon corps fut comme lâché dans le silence, abandonné. Je restai là, assis au bureau de la chambre presque vide à fixer le mur. J’avais je crois envie de pleurer ; ce mal dans le ventre s’emplit, ce mal qui vous remonte dans la gorge, l’enserre, et éclate enfin, se déverse, lentement, vous enveloppe, mouille vos doigts, vous perds dans le tourment, vous fait manquer la bataille, vous fait courber le dos, vous vole la ténacité, vous tient sous son aile noire et puissante. Mais j’étais là, assis au bureau de la chambre presque vide, deux cailloux dans les orbites, les poings serrés.
Une douce brûlure vint chatouiller mes doigts… Oh ! Un rayon de lumière avait percé les épais nuages noirs, était venu caresser le dos de ma main, morceau de chair tout d’un coup éclairé comme par un coup de pinceau. Cette visite réveilla mes sens. Je détendis ma mâchoire, soufflai, ouvris tout grand ma paupière et sentis. Je fis promener le filet de lumière le long de chaque phalange. Avant j’étais absent, plongé parmi des pensées infernales qui crissaient dans ma tête et voilà ce jet de lumière qui avait chassé les nues pour réveiller mon être isolé, oh ce jet de lumière ! je le boirais ! Petit diamant jaune et menteur qui baguait mon annulaire, papillon doré apprivoisé. Et ma main peut, faute de l’atteindre, le garder, l’amuser le faire courir. Le torrent de pluie qui frappait à la fenêtre m’avait assourdi et sifflait encore dans mes oreilles, comme une note en suspend ; c’était comme une danse avec lui, et un deux trois, et un deux trois… J’oubliai, j’oubliai tout. Je fermai les yeux et vis de tendres souvenirs se faire et se défaire. On chantait, on riait. Ma mémoire me vola un sourire, puis un autre et je portai la main à la bouche pour toucher ces lèvres tendues, tenues closes si longtemps, aussi comme pour goûter à cette tendre chaleur qui excitait mes doigts. Envoûtante sensation, calme & sereineté m’envahirent des lors et le torrent devint doux flots, pluie de décembre timide devint soleil d’hiver, mon être, tranquille.
Je me souviens depuis de cette chambre presque vide, pourtant remplie de ce chagrin pesant et étouffant, de cette pluie battante et assourdissante, qui furent un jour troués par un bout de fil jaune auquel j’eus prêté tout l’attention suffisante pour voir poindre pardessus les toits, l’arc-en-ciel merveilleux.