L’homme de papier
Ils m’ont copié-collé sur du papier glacé,
Ici rien n’est vivant (ni soleil, ni tempête)
Et vouloir exister semblerait déplacé.
Epilogue, incipit ; l’histoire se répète…
Il y a du chagrin se mesurant en litre,
À croire que l’auteur se plaît de me voir mal.
J’espère une lueur dans chacun des chapitres…
Toujours la même fin : la chute m’est fatale.
J’aimerais tant cesser de n’être qu’un acteur
Qui gît sans sentiment entre deux pages blanches.
Comment puis-je échapper aux regards des lecteurs
En fuyant mon destin sans que mon cœur ne flanche ?
Il est encore temps de modifier l’histoire
Et de m’extraire enfin de ces pages mortelles.
L’avenir n’est pas mort tant qu’il reste l’espoir,
Je veux prendre la fuite à l’orée du réel.
Je regarde dehors et je vois que ça grouille.
À l’extérieur ça vit, certains même s’embrassent.
D’autres sont plantés là et se grattent les couilles ;
Je suis en compagnie d’un monde dégueulasse.
J’avance doucement parmi ces êtres sales
Sur un bitume étroit et une brume épaisse ;
J’aimerais bien un jour dans ma vie abyssale
Peut-être devenir membre de leur espèce.
Je voudrais tant pouvoir toucher mes propres rêves
En poursuivant ma route au premier crépuscule.
C’est de l’encre pourtant qui coule dans ma sève ;
Je ne suis qu’accessoire au-dessous d’une bulle.
S’il se trouve quelqu’un quelque part et qui m’aime
Qu’il le fasse savoir maintenant ou de suite.
Je sens monter en moi un air de requiem,
Mon cœur est presque mort et ma chair déjà cuite.
J’emprunte des chemins ne menant nulle part,
Les décors sont usés comme écrits au fusain.
Il y a entre nous un mur qui nous sépare ;
Je suis fait de papier et couvert d’un écrin…
Je cherche encore l’auteur coupable de l’histoire,
Mon royaume est à plat, j’ai du mal à survivre…
Chez vous tout est vivant même le dérisoire ;
-« Laissez-moi m’éloigner de l’enfer de ce livre ! »
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