Depuis que la mort insidieuse
De la terre a chassé son corps
Je l'entends qui nous parle encore
De sa voix chaude et caverneuse
Avant qu'elle ne se perde
Dans les méandres d'autrefois
Avec moi répétez trois fois
"Nom de dieu de bordel de merde !"
Parfois grossier, jamais vulgaire
Qu'il fût marquis, ou bien maraud
Il prononçait de vilains mots
Comme on déclamerait des vers
C'est à Paris que naît Jean-Pierre
Mais c'est dans l'Yonne qu'il grandit
Car ses parents ont fait leur nid
Entre Vézelay et Auxerre
Dès mil neuf cent quarante-quatre
Avec des copains collégiens
Et puis des amis lycéens
Jean-Pierre s'adonne au théâtre
À vingt ans il quitte la clique
Ses études et ses parents
Monte à Paris, la fleur aux dents
Suivre des cours d'art dramatique
Il s'inscrit au Conservatoire
Là même où Jean-Paul Belmondo
Claude Rich, Annie Girardot
Tout comme lui cherchent la gloire
C'est avec un satisfecit
Qu'il en sort quelques temps après
Puis c'est au Théâtre-Français
Que sa muse le sollicite
Enfin un théâtre l'embauche
Pour réciter Harold Pinter
Un auteur révolutionnaire
Qui enflamme la rive-gauche
Pour Jean-Pierre ce n'est pas drôle
De déclamer chaque soirée
Alors il choisit le ciné
Où il décroche un petit rôle
En mil neuf cent cinquante-six
Il tourne un film "Charmants garçons"
Où il tient une réception
Sans qu'un seul mot l'acteur esquisse
Dans le cabaret, il se lance
En compagnie de Guy Bedos
Mais là aussi la piste est fausse
Il doit ailleurs tenter sa chance
Comme le cinéma lui manque
Il active ses relations
Qui l'embauchent dans "Le Mouton"
Puis dans "Faites sauter la banque"
Il tourne "Week-end à Zuydcoote"
Et "Un monsieur de compagnie"
Puis divorce de sa chérie
Qui est partie avec un pote
C'est alors libre comme l'air
Jouant "Le Diable par la queue"
Où Montand nous sort le grand jeu
Qu'on retrouve un divin Jean-Pierre
En mil neuf cent soixante-douze
Dans "Sex-shop", il est un pervers
Puis en avril devant le maire
Michelle-Charlotte, il épouse
À peine sorti de l'église
Jean-Pierre dit de sa voix mâle
Chérie, je dois faire ma malle
Pour aller tourner "La Valise"
Le mariage passe à la trappe
En revanche les films s'enchaînent
"Les Galettes de Pont-Aven"
"Cours après moi que je t'attrape !"
Nominé aux premiers César
Jean-Pierre égrène les prouesses
"Cause toujours… tu m'intéresses"
Montre le génie de son art
Son charme lui vaut derechef
Une romantique aventure
De laquelle François-Arthur
Naît dans les délais les plus brefs
Arrivé à la cinquantaine
Jean-Pierre acquiert un tel renom
Que dans le film "Coup de torchon"
Il passe pour un phénomène
"Signes extérieurs de richesse"
Lui donne le rang de comique
Bien que sa vie soit dramatique
Car son épouse le délaisse
En mil neuf cent quatre-vingt-sept
"Les mois d'avril sont meurtriers"
Lui vaut d'être "césarisé"
Chez les cinéphiles helvètes
Auprès de Sandrine Bonnaire
Il joue "Quelques jours avec moi"
Où il incarne avec émoi
Un directeur fort débonnaire
Vers les années quatre-vingt-dix
Peu de rôles lui correspondent
À part "Tous les matins du monde"
Ses apparitions ralentissent
Il pense obtenir un César
Quand un autre acteur, point en vogue
Qui incarnait Vincent van Gogh
Lui souffle, à bon droit, la victoire
Il vient d'avoir la soixantaine
Quand il sort "Max et Jérémie"
Avec deux de ses bons amis
Et un brillant metteur en scène
Il poursuit sa belle carrière
Sur les planches durant deux ans
Et sous les applaudissements
Il décroche enfin un "Molière"
Avec Rochefort et Noiret
Jean-Pierre incarne un des "Grands Ducs"
Non pas un noble avec perruque
Mais un vieil acteur sans succès
À soixante-sept ans, Jean-Pierre
Tourne avec André Dussollier
Un film assez particulier
Où ils jouent leurs propres chimères
En deux mil trois, c'est à Florence
Qu'il épouse sous les flonflons
L'actrice Agathe Natanson
Une très chère amie d'enfance
Peu-après, dans "Les Âmes grises"
Face à son ami Villeret
Il joue un procureur suspect
Qui annonce bien des surprises
À soixante-quinze ans "et des brouettes"
[Comme il dit familièrement]
Dans "Faut que ça danse !", aisément
Il se fait danseur de claquettes
Puis, avec sa femme, au théâtre
Il joue la tendre comédie
Bien que contre sa maladie
En secret, ils doivent se battre
Car Jean-Pierre a tous les symptômes
De la maladie d'Alzheimer
Et huit ans plus tard, il se meurt
En chuchotant sur ses diplômes :
Les "César" ? J'en n'ai rien à foutre
On ne veut pas, dans l'au-delà
De comédiens de tombola
Dans une tombe, l'on passe outre !
De la terre a chassé son corps
Je l'entends qui nous parle encore
De sa voix chaude et caverneuse
Avant qu'elle ne se perde
Dans les méandres d'autrefois
Avec moi répétez trois fois
"Nom de dieu de bordel de merde !"
Parfois grossier, jamais vulgaire
Qu'il fût marquis, ou bien maraud
Il prononçait de vilains mots
Comme on déclamerait des vers
C'est à Paris que naît Jean-Pierre
Mais c'est dans l'Yonne qu'il grandit
Car ses parents ont fait leur nid
Entre Vézelay et Auxerre
Dès mil neuf cent quarante-quatre
Avec des copains collégiens
Et puis des amis lycéens
Jean-Pierre s'adonne au théâtre
À vingt ans il quitte la clique
Ses études et ses parents
Monte à Paris, la fleur aux dents
Suivre des cours d'art dramatique
Il s'inscrit au Conservatoire
Là même où Jean-Paul Belmondo
Claude Rich, Annie Girardot
Tout comme lui cherchent la gloire
C'est avec un satisfecit
Qu'il en sort quelques temps après
Puis c'est au Théâtre-Français
Que sa muse le sollicite
Enfin un théâtre l'embauche
Pour réciter Harold Pinter
Un auteur révolutionnaire
Qui enflamme la rive-gauche
Pour Jean-Pierre ce n'est pas drôle
De déclamer chaque soirée
Alors il choisit le ciné
Où il décroche un petit rôle
En mil neuf cent cinquante-six
Il tourne un film "Charmants garçons"
Où il tient une réception
Sans qu'un seul mot l'acteur esquisse
Dans le cabaret, il se lance
En compagnie de Guy Bedos
Mais là aussi la piste est fausse
Il doit ailleurs tenter sa chance
Comme le cinéma lui manque
Il active ses relations
Qui l'embauchent dans "Le Mouton"
Puis dans "Faites sauter la banque"
Il tourne "Week-end à Zuydcoote"
Et "Un monsieur de compagnie"
Puis divorce de sa chérie
Qui est partie avec un pote
C'est alors libre comme l'air
Jouant "Le Diable par la queue"
Où Montand nous sort le grand jeu
Qu'on retrouve un divin Jean-Pierre
En mil neuf cent soixante-douze
Dans "Sex-shop", il est un pervers
Puis en avril devant le maire
Michelle-Charlotte, il épouse
À peine sorti de l'église
Jean-Pierre dit de sa voix mâle
Chérie, je dois faire ma malle
Pour aller tourner "La Valise"
Le mariage passe à la trappe
En revanche les films s'enchaînent
"Les Galettes de Pont-Aven"
"Cours après moi que je t'attrape !"
Nominé aux premiers César
Jean-Pierre égrène les prouesses
"Cause toujours… tu m'intéresses"
Montre le génie de son art
Son charme lui vaut derechef
Une romantique aventure
De laquelle François-Arthur
Naît dans les délais les plus brefs
Arrivé à la cinquantaine
Jean-Pierre acquiert un tel renom
Que dans le film "Coup de torchon"
Il passe pour un phénomène
"Signes extérieurs de richesse"
Lui donne le rang de comique
Bien que sa vie soit dramatique
Car son épouse le délaisse
En mil neuf cent quatre-vingt-sept
"Les mois d'avril sont meurtriers"
Lui vaut d'être "césarisé"
Chez les cinéphiles helvètes
Auprès de Sandrine Bonnaire
Il joue "Quelques jours avec moi"
Où il incarne avec émoi
Un directeur fort débonnaire
Vers les années quatre-vingt-dix
Peu de rôles lui correspondent
À part "Tous les matins du monde"
Ses apparitions ralentissent
Il pense obtenir un César
Quand un autre acteur, point en vogue
Qui incarnait Vincent van Gogh
Lui souffle, à bon droit, la victoire
Il vient d'avoir la soixantaine
Quand il sort "Max et Jérémie"
Avec deux de ses bons amis
Et un brillant metteur en scène
Il poursuit sa belle carrière
Sur les planches durant deux ans
Et sous les applaudissements
Il décroche enfin un "Molière"
Avec Rochefort et Noiret
Jean-Pierre incarne un des "Grands Ducs"
Non pas un noble avec perruque
Mais un vieil acteur sans succès
À soixante-sept ans, Jean-Pierre
Tourne avec André Dussollier
Un film assez particulier
Où ils jouent leurs propres chimères
En deux mil trois, c'est à Florence
Qu'il épouse sous les flonflons
L'actrice Agathe Natanson
Une très chère amie d'enfance
Peu-après, dans "Les Âmes grises"
Face à son ami Villeret
Il joue un procureur suspect
Qui annonce bien des surprises
À soixante-quinze ans "et des brouettes"
[Comme il dit familièrement]
Dans "Faut que ça danse !", aisément
Il se fait danseur de claquettes
Puis, avec sa femme, au théâtre
Il joue la tendre comédie
Bien que contre sa maladie
En secret, ils doivent se battre
Car Jean-Pierre a tous les symptômes
De la maladie d'Alzheimer
Et huit ans plus tard, il se meurt
En chuchotant sur ses diplômes :
Les "César" ? J'en n'ai rien à foutre
On ne veut pas, dans l'au-delà
De comédiens de tombola
Dans une tombe, l'on passe outre !