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Enoile

Linleyi

Nouveau poète
#1
En des temps éloignés
En une terre reculée
Une jeune fille vivait
Pleine de grâce et de beauté.

Certes elle n’égalait pas celle des dieux
Et n’était contée sous d’autres cieux
Que celui de ses aïeux
Mais d’un jeune garçon que l’on disait ami des fleurs
Promis à devenir le plus grand des conteurs
Elle avait capturée le cœur.
Quand à la belle envoûteuse
De cet homme à la destinée merveilleuse
Elle était tombée amoureuse.

Durant des années ils s’aimèrent
Sans qu’aucun n’ose franchir la frontière
Séparant l’amour de l’amitié
Interdisant à leurs sentiments de s’exprimer.
Mais patiemment l’amour attend son heure
Le temps ronge la barrière de leurs cœurs
Leur passion efface cette frontière de malheur
Et les sentiments se dévoilent dans toute leur splendeur.
C’est ainsi qu’à la faveur d’un bal
Egayant leur village natal
Il fit appel au courage
Compagnon de l’amour à travers les âges,
Il franchit le torrent des tourments
Et avoue ses sentiments.
Affrontant le désert de la peur
Qui devient océan de bonheur
A son prince elle ouvre son cœur
Et dans ses bras trouve un refuge de douceur.
Mais l’un et l’autre enserrés
Dans les bras si longtemps désirés
Ne peuvent voir approcher
De la mort le sombre messager
Survolant le village
Traînant la faucheuse en son sillage
Sinistre corbeau
Funeste héraut.

Les arbres abandonnent leurs parures
Des blés les champs perdent la dorure
Et d’un blanc manteau se couvre mère nature.
Mais l’amour reste
Tels les preux chevaliers des anciennes gestes
Que les ménestrels se plaisent à conter
Le soir autour de la chaleur d’un foyer.

Si dans certains cœurs c’est l’amour qui s’enracine
Les autres c’est la haine qui les envenime.
Quand d’un homme de pouvoir elle prend possession
La guerre devient le seul horizon.
Et la mort n’a pas de clémence
Où qu’elle passe elle applique sa sentence
Que l’on soit seigneur de château ou fils de la rue
La guerre n’a qu’une issue
Un unique prix
Celui de la vie.
A l’ouest une armée est levée
A l’est les hommes sont mobilisés
L’amoureux transi est appelé
Sa destinée brisée
Le couple est séparé
Un serment est fait
La promesse éternelle
Que ce soit dans une ou cinquante floraisons d’Elmanel
De se retrouver
Quelles que soient les frontières à traverser.

Les hommes sont rassemblés
Les armées constituées
Bourgeois ou paysans
Hommes d’armes ou simples artisans
Tous réunis sous les obscures bannières
Des seigneurs de la guerre.
Fantassins, épéistes et archers
Flèches, épées et boucliers
Tels des monstres de chair et de métal
Les deux armées se mettent en marche vers l’acte final
D’une ère d’insouciance
D’un monde de quintessence.
Jours et nuits se succèdent
Sans qu’à la fatigue les guerriers ne cèdent
Et peu à peu leurs pas les mènent
Vers une mort certaine.
Dans un lieu désormais maudit
Autrefois appelé plaine d’Alasie
Dorénavant nommé plaine de Tartarie
Les deux fauves se font face
Se jaugent d’un même regard de glace
Et dans les yeux des soldats
Qui pourtant rien n’opposait jusque là
Ne brûle plus que haine et mépris
Pour ceux du camp ennemi.
A l’assaut d’un ciel enflammé
Par une aube endeuillée
Les cors de guerre lancent leurs lentes litanies
Et dans l’air oppressant le cri des hommes retentit.
Les deux bêtes s’élancent
Pour une ultime danse
Portée par le tonnerre de millier de sabots
Jetés dans le dernier galop
Des fiers destriers
Pour cette guerre futile sacrifiés.
Les lames surgissent des fourreaux
Tranchent la chair, brisent les os
Et entament leur macabre chant
Hurlant leur soif de sang.
Les flèches s’envolent dans les airs,
Dans le brasier céleste brillent telles de froides étoiles de fer
Puis retombent en une pluie meurtrière
Transperçant les côtes de mailles
Aussi facilement que des gilets de paille.
Dans leurs habits d’aciers
Par leurs gardes entourés
Les seigneurs accompagnent leurs hommes au combat
Et dans cette terrible bataille se mêlent aux soldats.

Leur sang abreuve la plaine
La haine des hommes devient sienne
Et cette terre qui irradiait de douceur et de paix
Devient l’antichambre de l’Alzraé
Dévorant sans regrets les corps mutilés
De ceux qui sont tombés.
Et au milieu du carnage
Se dresse une silhouette sans âge
Une ombre sans visage
Invisible au vivant
Seuls la voient les agonisants
Lorsque de sa lame acérée
Elle leur accorde un dernier baiser.
Pour elle peut importe qu’au paradis ils soient destinés
Ou à l’enfer condamnés
Elle accomplit son éternelle besogne
Sans se soucier qu’il s’agisse d’honorables saints ou des plus viles charognes
Fauchant les âmes apeurées
Comme un paysan fauche ses champs de blé.

Le ciel de feu devient ciel d’encre
Plus sombre que les eaux où Charon jette son ancre.
En ce lieu dévasté
Ne reste plus que des cadavres éparpillés
Des épées, casques et boucliers brisés
Et les traces à moitiés effacées
Des fuyards désespérés
Préférant une vie de déserteur
A la folie de leurs seigneurs
Dont les corps gisent sans honneur
Loin des veuves en pleurs
Des parents dont le chagrin broie le cœur
Et des orphelins dévorés par la peur.

Le temps passe
Peu à peu la guerre s’efface,
Ceux qui à la bataille n’ont pas su faire face
Un par un refont surface
Et leur lâcheté est bien vite oubliée
Par la joie de savoir que le ciel les a épargnés.
Mais parmi ces rescapés
Le beau poète ne daigne se montrer.
La jeune fille ne veut cesser d’espérer
Mais à la vérité elle ne peut échapper
Son amour s’en est allé.
Abandonnée à l’ivresse
D’une infinie tristesse
Elle hurle sa douleur
Jusqu’à ce que sa voix se brise et que ses cris se meurent.
Elle fond en un torrent de larmes cristallines
Tant et si bien qu’elles se tarissent et fuient à jamais les prunelles félines.
Elle maudit hommes, dieux et démons
Mais seul lui répond un silence de plomb.
Emportée dans cette triste tourmente
Elle aurait pu se briser comme tant d’autres amantes
Mais le véritable amour est fier
Et n’a daigné suivre le jeune homme dans la bière,
Sa magie est des plus anciennes
Et il fera tout pour réunir les âmes qu’il a choisies comme siennes.
Il réveille un serment
Invoque l’espoir des déments
Si le barde ne peut rejoindre sa bien-aimée
C’est donc elle qui ira le chercher.
Le cœur en émoi elle boucle ses bagages
Fait ses adieux au village
Et s’engage dans un périlleux voyage.

Propulsée sans marques ni repères
Dans un monde se remettant tout juste des blessures de la guerre
Avec sa naïve jeunesse
Mais une détermination plus inébranlable qu’une forteresse
Elle se lance dans la quête épique
D’un savoir mystique.
Parcourant les routes, les chemins et les sentiers
Elle perd peu à peu son innocente naïveté
Mais toujours dans son cœur reste enchâssé
Telle une pierre précieuse dans un écrin doré
Le fol espoir qui la fait avancer.
Gravissant des montagnes enneigées
S’enfonçant dans les antiques forêts
Traversant les océans ondoyants
Et les déserts brûlants,
Avec pour seuls compagnons de voyage
La dame de nacre et le seigneur des nuages,
Elle va de temples en cathédrales
De villages en capitales
Poursuivant un secret
Depuis longtemps égaré
L’art de ressusciter.
Elle se tourne vers la blanche magie
Mais même les plus hauts mages ne peuvent ramener ceux que la mort a ravis
Se frotte à la noire sorcellerie
Mas les forces de l’amour ne peuvent composer avec cette infamie
Elle implore les dieux
Mais ses prières se perdent dans les cieux
Invoque les démons
Mais la pureté de son cœur les renvoie dans leur infernal bas-fond.
Au fil de ses pas la naïveté de sa jeunesse
Fait place à la plus grande des sagesses
Sa beauté se flétrit
Comme une rose au crépuscule de sa vie
Et c’est une vielle femme au dos voûté et aux os fatigués
Qui s’avance dans les épais fourrés d’une ancienne forêt
Où l’on dit qu’un dieu s’exila
Pour se punir d’avoir conduit son peuple au trépas.
Elle s’avance sous le couvert des arbres centenaires
Les ronces déchirent ses vêtements et lacèrent ses chairs
Mais peu lui importent ses souffrances
Car au fond de son cœur elle sent venue la fin de son errance.
Elle erre des journées dans la forêt
Cherchant sans relâche le repaire du dieu exilé
Se nourrissant de baies
Buvant les gouttes de rosée
Dormant dans les arbres et les grottes pour échapper aux fauves affamés.
C’est lors d’une de ces nuits glaciales
Que lui apparaît une silhouette nimbée d’une lumière vespérale
Et aussi bien en son âme que sous les frondaisons
Résonne une voix faisant trembler l’horizon.
« Ton corps est en bien piteux état
Toi qui du véritable amour as su écouter la voie.
De nombreux soleils sur la forêt se sont levés
Sans que tu cesses de me chercher
Mais à ton souhait je ne puis accéder
Car l’entrée des royaumes divins m’est prohibée.
Néanmoins pour redonner vie à ta moitié
C’est la tienne que tu as sacrifiée.
Aussi même si je ne peux le ramener
Auprès de lui je peux t’emmener
Mais pour ce voyage lourd est le prix à payer
Tu t’endormiras dans un sommeil d’éternité
Et accueilleras dans tes rêves l’âme des défunts dont la destinée s’est fourvoyée. »
Pour rejoindre son l’élu de son cœur elle n’a pas hésité
Et d’un hochement de tête son destin a scellé.
« Telle est ta décision, tel est mon art. »
Une corolle de lumière s’ouvre sous ses pieds comme une fleur de nénuphar
Ses paupières deviennent plus lourdes que des pierres tombales
Et c’est sans regret qu’elle s’abandonne aux profondeurs d’un sommeil abyssal
Hanté des mânes des êtres trahis par un destin déloyal.
Puis la douce lueur s’empare du corps endormi
Du temps efface les facéties
Et redonne sa beauté à la rose qui s’était fanée.
« Ceci est mon cadeau, à toi qui a fait don de ton temps sur terre
Je t’offre la majesté des millénaires.
Tu te nommeras Enoile
Et siégera désormais parmi les étoiles. »
Un éclair fend le céleste voile d’obscurité
De la femme et du dieu ne reste plus qu’un souvenir éthéré
Que seuls les géants d’écorce dans leur mémoire garderont gravé

Telle est l’histoire de celle qui pour rejoindre son aimé
Se fit gardienne à jamais
Du sommeil des trépassés.