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Comptine du cimetière

#1
Lecture*

Comptine du cimetière

Je suis la fille du fossoyeur
Qui des pendus et des noyés
Voit défiler cette pâleur
Qu’offrent les corps des suicidés


Cache les mains, tourne les têtes,
Mets la chemise, prends les mesures,
Encore deux clous, un’ cigarette
Jamais la mort n’a fière allure


Je suis la fille du fossoyeur
Qui de ces trous au cimetière
Voit tout l’attrait et la terreur
Quand on les bouche avec la terre


Hier encore on a sonné
Deux fois le glas pour cet enfant
Et sa maman accidentés
Sur une route du nouvel an


Je suis la fille du fossoyeur
Qui quand les gens ne sont pas là
Joue sur les tombes pendant des heures
En chantonnant des tralalas


Dans les allées où les pas font
Crisser un peu le gravier fin
J’entends le pleur des processions
Et quelques ri-res clandestins


Je suis la fille du fossoyeur
Qui sait que tout passe et s’en va
Alors je cueille de jolies fleurs
Au pied des stèles de marbre froid


Un jour aussi je rejoindrai
Ceux qui entrèrent sans ressortir
Et l’on verra près d’un cyprès
Une autre fille soudain pâlir


Je suis la fille du fossoyeur
Tape des mains, croise les doigts
Je suis ici, toujours ailleurs
Mais qui dira ce que je vois ?


Aubépin des Ardrets
__________
Interprétation : Marine Laurent
 
Dernière édition:

glycine

Maître Poète
#2
"Un jour aussi je rejoindrai
Ceux qui entrèrent sans ressortir
Et l’on verra près d’un cyprès
Une autre fille soudain pâlir"

Les "témoins" deviendront un jour les "victimes"...

Beaucoup de justesse dans les descriptions : émotion face à la mort - insouciance de la jeune fille - pleurs et "rires" lors des enterrements -
lucidité de la jeune fille "tout passe et s'en va" -

Un texte fort poignant !
 
#3
"Un jour aussi je rejoindrai
Ceux qui entrèrent sans ressortir
Et l’on verra près d’un cyprès
Une autre fille soudain pâlir"

Les "témoins" deviendront un jour les "victimes"...

Beaucoup de justesse dans les descriptions : émotion face à la mort - insouciance de la jeune fille - pleurs et "rires" lors des enterrements -
lucidité de la jeune fille "tout passe et s'en va" -

Un texte fort poignant !
Merci, glycine, d'avoir accepté de lire ce texte jusqu'au bout et de le commenter. Il fait partie de ces textes qui semblent plus procéder d'un "jaillissement" que d'une lente maturation : ils se présentent sans prévenir et, capricieux, exigent d'être écrits sur le champ. Mais je ne suis pas dupe : ce "jaillissement" ne peut se produire que parce que des actions obscures et souterraines, mystérieuses aussi, sont à l'oeuvre. Ici, la question du suicide, de l'accident, mais aussi de l'enfance qui, dans son apparente insouciante, fait néanmoins l'expérience de la vie en en pressentant l'inéluctable issue, sont très probablement ces mouvements à l'origine de la soudaine et impérieuse écriture de ce petit texte.
 
#7
On ne choisit pas sa famille,enfant de n'importe qui, il faut bien s'adapter.Amicalement bisous.
Beatrice
Oui, Jennifer_Baker, vous avez raison : fille du fossoyeur, fils de la bouchère, fille du médecin, fils de la poète, fille du chimiste, fils de l'ingénieure, fille du chômeur, fils de la suicidée, fille du prisonnier etc., l'enfance d'une vie, où qu'elle se présente, grandit toujours dans la soucieuse insouciance des signes qui se présentent à elle et qu'elle décrypte progressivement - parfois lentement et d'obscure manière, parfois dans l'éblouissement lumineux des fulgurances, selon les événements et les situations auxquels elle se trouve confrontée.
 
#8
Excuse-moi, Aubépin des Ardets, j'ai dû être trafiquée plus que de raison
pour ne pas avoir approfondi ce qui méritait d'être approfondi que tu as
si bien décrit!

C'est un vaste sujet que nous côtoyons chacun
qui concerne des personnes qui ne reviendront jamais!
Le respect en toute circonstance !
Cette petite fille jouant sur les tombes, ne pensait à rien
mais se souvient!
s'"habitue" aux larmes ne connaissant que trop le cimetière,
sait très bien, avec l'âge, que chacun subira le même sort!

Que se passe t-il dans la tête de son son père fossoyeur?
Un début affreux sans doute, un partage dans la peine aussi
mais après?
A-t-il préservé sa fille, en partageant le sujet?

Quand on sait que l'on communie toute sa vie avec la même
faveur, le même désir que le premier jour de la communion?

Alors je dois avouer ici, ce qu'il s'est passé un jour, et qui
m'a remué car je ne l'ai jamais oublié dans un cimetière!

Les tombes avaient été aménagées car manque de place!
je ne retrouvais plus celle de ma professeure, un des grands
cimetières de Toulouse, des heures à faire les allées!
Je tombe sur un garde qui me dit !
"Vous cherchez un CADAVRE madame ? ce mot m'a tuée!
Il a pris un papier et m'a donné les coordonnées, le schéma
aussi! Papier que j'ai gardé précieusement et qu'est ce que
je vois? "c'était la même écriture que celle de ma professeure!
Etrangeté du hasard?

Comme tu dis, tout le monde porte un colifichet selon les
fonctions familiales, comme ceux du reste des noms bizarres!

Merci à toi, bonne semaine, amitiés, Poly
 
#9
Excuse-moi, Aubépin des Ardets, j'ai dû être trafiquée plus que de raison
pour ne pas avoir approfondi ce qui méritait d'être approfondi que tu as
si bien décrit!

C'est un vaste sujet que nous côtoyons chacun
qui concerne des personnes qui ne reviendront jamais!
Le respect en toute circonstance !
Cette petite fille jouant sur les tombes, ne pensait à rien
mais se souvient!
s'"habitue" aux larmes ne connaissant que trop le cimetière,
sait très bien, avec l'âge, que chacun subira le même sort!

Que se passe t-il dans la tête de son son père fossoyeur?
Un début affreux sans doute, un partage dans la peine aussi
mais après?
A-t-il préservé sa fille, en partageant le sujet?

Quand on sait que l'on communie toute sa vie avec la même
faveur, le même désir que le premier jour de la communion?

Alors je dois avouer ici, ce qu'il s'est passé un jour, et qui
m'a remué car je ne l'ai jamais oublié dans un cimetière!

Les tombes avaient été aménagées car manque de place!
je ne retrouvais plus celle de ma professeure, un des grands
cimetières de Toulouse, des heures à faire les allées!
Je tombe sur un garde qui me dit !
"Vous cherchez un CADAVRE madame ? ce mot m'a tuée!
Il a pris un papier et m'a donné les coordonnées, le schéma
aussi! Papier que j'ai gardé précieusement et qu'est ce que
je vois? "c'était la même écriture que celle de ma professeure!
Etrangeté du hasard?

Comme tu dis, tout le monde porte un colifichet selon les
fonctions familiales, comme ceux du reste des noms bizarres!

Merci à toi, bonne semaine, amitiés, Poly
Merci (très en retard...), Polymnie2, pour ce commentaire touffu et les réminiscences qu'il comporte. L'étincelle ayant, chez moi, fait soudainement "jaillir" ce texte, tient en grande partie à l'histoire personnelle d'Agatha (ici présente depuis quelques mois et qui avait immédiatement proposé une interprétation de ce texte - mis en lien au début du texte) à laquelle sont venues, de manière impérieuse, se combiner des expériences qui me sont personnelles (accident de la route, notamment, suicide - de ma mère, en particulier , etc.)