Chant de dernière Fuite et Visions étouffées
J’avais marché des jours sur les rives du Tigre,
Dans de longs bois livides où s'épuisaient mes fibres,
Et j’étais arrivé dans cette nécropole
Comme un souffle vidé qu’épanouissaient les dols.
Par-delà je laissais cette langue de feu
Qui m’avait pu lécher la cervelle si fort
Que ma tête et mes yeux brûlaient du grand brasier
Foudroyant des adieux et d’hivers incendiés.
Je voyais encore luire, à travers les cyprès,
La moitié de la lune qui s’effaçait aux rais
Étonnants de la brume qu’effilaient à l’orée
Les éclats à pâlir d’un soleil égaré.
Les runes rachitiques des stèles abîmées,
Chuchotaient les cantiques des errances innées.
Les élytres luisants de sombres nécrophores
Susurraient comme un chant de douce mise à mort.
C’est alors que je vis comme une ombre voilée
- À ses yeux des rubis et la bouche édentée -
Précédée des clameurs des âmes enterrées
Exciter les ardeurs de nervis affairés.
Ils creusaient une tombe à mes pieds disloqués,
Ils fouillaient en grand nombre tout le sol en hoquet,
Et j’en voyais sortir des orteils en bouquet,
Des mâchoires en rire et des cœurs arrachés.
Je baissai les paupières, et sans me retourner
Buttai contre les pierres de la mort ajournée.
Et plus je rebroussais les chemins empruntés
Plus l’or éclaboussait notre fleur éreintée.
Je délaissais Hadès sans un instant poser
Mes yeux sur la déesse qui voulait m’épouser.
Le souffre et le métal s’effaçaient aux senteurs
D’une fin de bataille dont jaillissent des pleurs.
Derrière moi Mossoul crépitait d’explosions,
Du pleur des femmes saoules amputées d’émotions
Et du feu des poupées dans les chambres d’enfants :
Sur les routes coupées m’accompagnaient les chants.
Les chants de mon exil ignorant le retour,
Une Odyssée de villes où périssait l’amour.
J’avais trop espéré, il fallait renoncer,
Ne pas être enterré et pouvoir avancer :
J’irai aux barbelés pour m’y griffer le front,
Je boirai l’eau salée des larmes en légion,
Et puis je sortirai des saveurs de l’enfance,
Comme on abandonnerait des appels de vengeance.
Par vignes et vergers, dessous les amandiers,
Le ciel à m’héberger pour ne gîte mendier,
J’avançais vers les rives ondulées d’un soleil
Qui sécha ma dérive jusqu’au soudain réveil.
Les chants que je croyais n’étaient plus que des cris
Aux ailes déployées de sternes sans mépris :
J’avais atteint les côtes qu’avait cherchées Ulysse
Sans être roi mais hôte, accepté comme un fils.
Aubépin des Ardrets
J’avais marché des jours sur les rives du Tigre,
Dans de longs bois livides où s'épuisaient mes fibres,
Et j’étais arrivé dans cette nécropole
Comme un souffle vidé qu’épanouissaient les dols.
Par-delà je laissais cette langue de feu
Qui m’avait pu lécher la cervelle si fort
Que ma tête et mes yeux brûlaient du grand brasier
Foudroyant des adieux et d’hivers incendiés.
Je voyais encore luire, à travers les cyprès,
La moitié de la lune qui s’effaçait aux rais
Étonnants de la brume qu’effilaient à l’orée
Les éclats à pâlir d’un soleil égaré.
Les runes rachitiques des stèles abîmées,
Chuchotaient les cantiques des errances innées.
Les élytres luisants de sombres nécrophores
Susurraient comme un chant de douce mise à mort.
C’est alors que je vis comme une ombre voilée
- À ses yeux des rubis et la bouche édentée -
Précédée des clameurs des âmes enterrées
Exciter les ardeurs de nervis affairés.
Ils creusaient une tombe à mes pieds disloqués,
Ils fouillaient en grand nombre tout le sol en hoquet,
Et j’en voyais sortir des orteils en bouquet,
Des mâchoires en rire et des cœurs arrachés.
Je baissai les paupières, et sans me retourner
Buttai contre les pierres de la mort ajournée.
Et plus je rebroussais les chemins empruntés
Plus l’or éclaboussait notre fleur éreintée.
Je délaissais Hadès sans un instant poser
Mes yeux sur la déesse qui voulait m’épouser.
Le souffre et le métal s’effaçaient aux senteurs
D’une fin de bataille dont jaillissent des pleurs.
Derrière moi Mossoul crépitait d’explosions,
Du pleur des femmes saoules amputées d’émotions
Et du feu des poupées dans les chambres d’enfants :
Sur les routes coupées m’accompagnaient les chants.
Les chants de mon exil ignorant le retour,
Une Odyssée de villes où périssait l’amour.
J’avais trop espéré, il fallait renoncer,
Ne pas être enterré et pouvoir avancer :
J’irai aux barbelés pour m’y griffer le front,
Je boirai l’eau salée des larmes en légion,
Et puis je sortirai des saveurs de l’enfance,
Comme on abandonnerait des appels de vengeance.
Par vignes et vergers, dessous les amandiers,
Le ciel à m’héberger pour ne gîte mendier,
J’avançais vers les rives ondulées d’un soleil
Qui sécha ma dérive jusqu’au soudain réveil.
Les chants que je croyais n’étaient plus que des cris
Aux ailes déployées de sternes sans mépris :
J’avais atteint les côtes qu’avait cherchées Ulysse
Sans être roi mais hôte, accepté comme un fils.
Aubépin des Ardrets