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C’était une horrible piquette !

#1
C’était une horrible piquette ! Définitif

Autour du grand Figeac, à une époque très reculée les gens du pays d’Oc travaillaient les coteaux rocailleux aux flancs escarpés. C’étaient des braves courageux aux bras noueux et saillants comme des sarments. Cette vigne, qui avait été cultivée de génération en génération, faisait partie du paysage, elle paraissait à leurs yeux éternelle. Ils en étaient amoureux et avaient transpiré toute l’eau de leur corps pour continuer à l’entretenir dans un espace peu engageant, propice à aucune autre culture.
Sur ce terroir planté en espaliers, mûrissaient des grappes généreuses formées de grains ronds parfumés et sucrés au doux nom de raisin.
Pouvait-il y avoir plus précieux au monde que ce présent durement gagné à forts coups de pioches ?
C’était donc un devoir de mémoire qu’il fallait absolument perpétuer dans le temps mais aussi dans l’espace où la vie nous l’apprendra rien n’est jamais acquis d’avance !
Ils bravèrent ainsi les conditions climatiques extrêmes, furent soumis aux pires des catastrophes naturelles, ponctuées par de violents orages aux pics de glace venus du ciel provocant des blessures tranchantes
que seul le temps avait le pouvoir de cicatriser. Suivaient des gelées tardives aux brumes épaisses, qui venaient lécher les feuilles fragiles en les couvrant de champignons couleur de rouille baptisés du nom scientifique de mildiou.
Et comme si cela ne suffisait pas à ce déluge infernal jeteur de sorts, une maladie venue d’un nouveau continent découvert par l’explorateur Christophe Colomb allait décimer comme le choléra méthodiquement les belles plateformes humaines, qui avaient fini par paraître malgré tout, contre toute attente au fil des années bénies des dieux.
Les têtes pensantes de l’époque appelèrent ce nouveau coléoptère ravageur pestiféré le phylloxera !
Les croix pour conjurer un sortilège
aussi terrifiant se sont mises à fleurir au-dessus de tous les coteaux ! Il fallait absolument stopper ce fléau ravageur avant qu’il ne puisse éteindre ce que la terre pouvait produire de plus riche, le nectar des dieux ! Mais rien n’y fit ! Silencieusement le mal a envahi les rampes qui paraissaient pourtant inaccessibles et au grand désespoir des pauvres vignerons réduits à une impuissance rageante, l’insecte tueur ravagea les unes après les autres les souches qui tentaient de lui résister de toute leur faiblesse.
Ainsi ont disparu de nos paysages tous les vieux ceps plantés par nos braves parents. Cependant il fallait à tout prix dans un sursaut d’orgueil refaire surface, éviter de se laisser abattre à son tour ! C’est donc avec toute la force que le désespoir peut engendrer chez l’homme que nos vaillants ancêtres entreprirent de replanter des pieds porteurs de sarments. On les leur promettait insensibles à toutes les maladies et ils les mettraient surtout à l’abri de ce diabolique mal, assassin sans pitié, qui avait eu l’outrecuidance de s’en prendre au sang sacré du seigneur ! Les volontés ne manquèrent pas et dans un élan solennel à peine croyable, les parcelles comme par enchantement bourgeonnèrent à nouveau aussi vigoureuses qu’avant ce satané désastre.
Et rien n’a pu arrêter cette ruée vers cette belle et noble renaissance. La grande guerre elle-même n’en est pas venue à bout. Les femmes très courageuses, les enfants, tous les bras de nos campagnes encore disponibles ont œuvré solennellement pour garder en état les sillons exposés au généreux soleil.
Nos valeureux soldats purent ainsi sous un déluge de plomb, profiter de la puissance du liquide divin venu du pays qui réchauffait leur âme, avant que leur corps malheureusement trop souvent meurtri ne se refroidisse à jamais.
Ainsi ont ressuscité les vignobles, jusqu’au jour où, pour des raisons bien décrites par le grand poète Jean Ferrat les bras manquèrent cruellement à leur entretien.
Aussi rapidement que nos collines avaient vu ressurgir les cépages, inexorablement Ils ont à nouveau disparu sous d’épaisses broussailles.
Rien ne put arrêter ce lent déclin bien plus vicieux que l’horrible phylloxera. Il fit place à une forme bien plus cruelle à comprendre et surtout à accepter par les forçats aimant la vigne toujours vivants.
Décidément comme je me plais à le dire et à l’écrire : si nos anciens revenaient ils n’en reviendraient pas!
Grâce au ciel, depuis peu, des âmes sensibles à ce passé lointain ont décidé de faire revivre cette tradition ancestrale dans notre secteur.
On voit ainsi ressurgir ici et là des vignobles sur des anciens emplacements vignerons. Espérons que cette ivresse collective dévolue à cette tradition puisse servir de tremplin à ce rude et noble métier et que nos terres abruptes abandonnées puissent porter à nouveau très haut le nom du célèbre dieu du vin Bacchus.
Pour cette unique raison je lève bien haut un verre de rouge et de blanc à la santé de la vigne, que je bois, ne vous déplaise, sans aucune modération ! 76518FDD-2E51-4045-97AD-27B76DDDA37A.png