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Bergon le sonneur de cloches version définitive.

#1
[Bergon lo campanièr de campanas! Bergon lo campaniér de Faycelles!

Récit définitif !

Diga mameta me contas l'istòria de Bergon e de sa Mariton a Faicelas?

Dis mémé tu me racontes l’histoire de Bergon et de sa Mariton à Faycelles ?

Cette histoire vécue, je la connaissais aussi bien qu’elle, et je me plaisais à la réentendre, aussi n’aurait-il pas fallu que ma pauvre grand-mère saute un seul paragraphe de ce charmant récit riche en enseignement, car j’étais très attentif à ses paroles, et elle aurait immédiatement entendu un premier son de cloche !
Tout d’abord il faut camper l’individu !
Pour cela je vais vous parler en quelques lignes de sa famille. Sa grand-mère maternelle était née sur le rocher troglodyte qui domine la montée abrupte de la châtaigneraie en dessous du village de Faycelles. Beaucoup de malheureux avaient choisi cet endroit providentiel qui les protégeait un peu d’un climat aux rudes variations. Les hivers étaient bien plus rigoureux qu’aujourd’hui, les plus anciens ont en mémoire des mois où les températures oscillaient entre moins dix et moins vingt degrés.
Cette petite plateforme providentielle qui leur offrait un toit avait été taillée dans la roche au fil des millénaires par l’érosion, elle n’avait rien de confortable mais avait le mérite d’exister et quand on est miséreux on se contente de très peu!
Le grand-père de Bergon avait participé à la guerre de 1870 et s’était comporté rapporte t-on en soldat exemplaire.
Cette très longue absence loin de ses parents avait été précédée du service militaire. Cet éloignement lui avait permis de faire connaissance avec une partie de sa patrie.
Bien souvent les jeunes gens de nos fermes n’avaient que cette occasion pour quitter le
l’endroit qui les avait vus naître!
C’était d’ailleurs une phrase-clé de l’armée pour inciter les hommes à rejoindre le drapeau: «Engagez-vous, vous verrez du pays !»
Pour cela fallait-il encore être jugé apte le jour de l’inévitable conseil de révision!
Cela me permettra dans une prochaine histoire vécue de vous décrire cette fameuse journée où les futurs conscrits de la commune étaient soumis à une suite d’épreuves autant physiques que morales avant de s’entendre dire: «Bon pour le service, bon pour les filles»et enfin d’avoir l’autorisation d’arborer fièrement sur leur beau veston la cocarde tricolore!
Cette notion d’évasion loin de son clocher me remémore une petite anecdote que je ne peux pas passer sous silence. Alors qu'il était souffrant pour la première fois de sa vie, le brave Gaston natif de Lavalade dut se rendre à Cahors afin d’être hospitalisé.
Notre malade installé confortablement à l’arrière de la reine des voitures voyait défiler le paysage quand il a subitement prononcé cette phrase en patois !
Elle en disait long sur son dépaysement: « Eh plan!...auriái pas jamai cregut que França èra tan granda!» «Eh bien!...je n'aurais jamais cru que la France était si grande!».
Rien ne vaut, vous voyez, un déplacement en grandeur nature, il permet de se faire une idée précise de l’étendue des choses.
Comme la vie loin du nid natal forme la jeunesse, notre brave Bergon à la fin de son incorporation sous les drapeaux, avait tenté l’aventure dans la capitale où il s’était adonné au rude métier de livreur de charbon.
Il était très fier de pouvoir raconter qu’en ce temps-là, chargé de deux gros sacs d’anthracite il gravissait plus de six étages sans être essoufflé !
L’appel de l’air pur du pays cependant et les fameuses résonances de cloches ont rapidement eu raison de ce court exode.
C'est donc en accord avec sa conscience qu'il a pris la décision de rejoindre sans plus tarder sa terre natale.
Bergon y a trouvé presque aussitôt un travail et il s’est avéré rapidement indispensable à la vie du village et de ses alentours. Il a même cumulé les fonctions grâce à une de ses passions en devenant marchand d’ânes.
Il avait en effet un amour démesuré pour ces quadrupèdes têtus à grandes oreilles!
Dans un premier temps il se fit campanier !
C'était un personnage très important, essentiel même, il assurait le lien qui unissait l’ensemble de la communauté gravitant autour du clocher de l’église.
C’était en quelque sorte un des premiers fonctionnaires mal rémunérés et non reconnu officiellement par l’administration.
De là à dire que cette corporation ne mérite aucun salaire, je ne me risquerai pas à un tel raccourci!
Je ne veux pas chers lecteurs ici susciter vos foudres et devenir la cloche à abattre, mais le diablotin que je suis aime gentiment attiser la surchauffe. Cela dit, je ne prends pas un grand risque car mon clocher est équipé d’un bon paratonnerre!
Le travail principal de Bergon était axé bien entendu sur les annonces des offices religieux, cela se faisait par un vol de sonneries préalables précédant successivement de soixante, trente, et cinq minutes le début de la cérémonie. Cette méthode servait de guide afin de prévenir les hameaux les plus éloignés, les fidèles avaient alors le temps matériel d’arriver à l’heure à l’église car le plus souvent cette approche se faisait à pied.
Mais bien entendu les cloches ne se limitaient pas à cet appel, elles jouaient aussi le rôle tenu, aujourd’hui encore par les sirènes dans toutes nos villes.
Elles étaient bien plus charmantes et avaient une résonance bien plus mélodieuse que les hurleuses de nos cités que les gens du pays qualifiaient d’inhumaines,celles d’un monde qui devenait à leurs yeux trop moderne, où la spiritualité était moins propice aux prières et à l’appel du Seigneur. Rien ne peut remplacer dans ce rôle l’angélus n’est-ce pas?
Le matin semblables au maître à la crête rouge et aux élans de roi dans la basse-cour , elles tintaient l’heure du réveil, les vibrations sonores de midi étaient suivies du repas des paysans et des ouvriers, elles obligeaient les femmes à presser le pas le panier sous le bras.
Dans les chemins tortueux entretenus par les bergers, certaines allaient à la rencontre de leur mari qui travaillait les champs dans la plaine. D’autres prenaient la direction du causse où le chef de famille gardait les moutons tout en façonnant des murets qui leur servaient de clôture et des caselles qui les abritaient en cas d’intempéries!
Bergon était également un journalier, et pour cette raison il lui arrivait de se suspendre à la corde quelques minutes avant l’heure précise, on ne lui en voulait pas pour autant, tous les gens du pays bénéficiant ainsi de cette aubaine bergonniène !
Evidemment quelques/uns lui en faisaient de temps en temps la remarque, c’était à leur tour d’entendre un son de cloche !…Il leur répondait immanquablement: «En çò de-me es abans tot l'estomac que parla!»…« Chez moi c’est avant tout l’estomac qui parle!»
La sonnerie du soir, quant à elle, arrivait enfin, elle invitait à lâcher le manche de l’outil et à rentrer les bêtes à l’écurie.
La longue journée n’était pour autant pas achevée, il fallait encore traire! Le labeur à la campagne est aussi fractionné par le rythme des animaux, quand le concert des meuglements et des bêlements se fait mélodieusement entendre!
Mais revenons à nos très chères cloches qui assuraient toutes sortes de fonctions!
Elles invitaient les gens à écouter le crieur public, qui jouait le rôle d’une radio locale, elles annonçaient les événements exceptionnels! Le triste tocsin signalait une déclaration de guerre, un cataclysme ou un incendie et c’était alors les cœurs des pauvres gens qui battaient à l’unisson ! Joyeuses elles fêtaient l’armistice elles étaient alors les témoins privilégiés des liesses populaires.
Le carillon faisait partager les joies de l’entrée en chrétienté d’un nouveau-né par le baptême, il annonçait à toute volée l’union d’un couple dans le mariage. Le triste glas qui sonnait deux coups pour les hommes et un coup pour les femmes ponctuait les décès tout en accompagnant le défunt vers sa dernière demeure !
Les cloches avaient aussi le pouvoir magique de faire fuir les orages porteur de grêle!
Dieu cependant avait le pouvoir de punir pour des raisons diverses l’ensemble de la commune et après un désastre des voix paysannes s’élevaient en disant : « Prengam en nòstres, es lo tot poderós que l'a volgut!» «Prenons-nous-en à nous, c’est le tout puissant qui l’avoulu !».
Ce battant mobile en acier fixé solidement sur son axe comme vous le constatez, avait un rôle capital dans l’existence de nos braves campagnards dès qu’il prenait vie agité intelligemment par la main de l’indispensable Campanier.
Bergon était récompensé chaque année des services qu’il rendait à l’ensemble des âmes de la commune.
Lorsque la saison des récoltes enfin arrivait, il allait de propriété en propriété pour percevoir en quelque sorte sa dîme, il en avait rendu des services, et les paysans le gratifiaient aussi généreusement que possible, c’était en quelque sorte un juste retour d’un écho de cloche !
Mais là ne s’arrêtait pas son grand talent, il était également chantre à l’église, et bien que n’ayant jamais appris un mot de latin, il faut reconnaître que dans l’ensemble il le possédait fort bien. Il entonnait les chants grégoriens et avec son accent rocailleux bien particulier doublé d'une voix très haute il suivait les notes en escaladant ou en dévalant la gamme, c’était un virtuose des sons le baryton du chœur et des rimes à faire pâlir de jalousie les voix des piliers d’église à trente lieux à la ronde!
Ce don du ciel qu’il possédait avec grâce lui a permis de gravir l’échelle de la reconnaissance ou de la renommée si vous préférez. On l’éleva au rang d’annonceur public. Excusez-moi mais quand je parle de Bergon, je n'ose pas, par respect pour ses cordes vocales employer le terme de "crieur!" Le dimanche à la sortie de la messe il avait toujours des bons conseils à donner, et les nombreux pratiquants l’écoutaient religieusement et se confiaient même aux oreilles du chanteur éclairé!
Un confessionnal de groupe à l’air libre en quelque sorte!
Ben ausit, aqueles prepauses èran divulgats dins la lenga del país en pateses
Sols los iniciats podián comprene !
Lo vertadièr latin, coma s'agradava a m'o repetir mon oncle qu'èra professor de francés latin grèc!»
Que je vous traduis ici:
Bien entendu, ses conseils étaient divulgués dans la langue du pays en patois!
Seuls les initiés à ce merveilleux langage pouvaient le comprendre!
Le vrai latin comme se plaisait à me répéter mon oncle Roger qui était professeur de français latin grec !
Notre homme vivait de moins que rien avec sa pauvre chérie, la Mariton. Ils mangeaient régulièrement les vieilles carcasses de chèvres qu’ils mettaient au sel!
Bergon les avait achetées à la foire pour une bouchée de pain.
Dans nos campagnes on conservait la viande des animaux dans une maie, grand coffre en bois muni d’un couvercle amovible. Le réfrigérateur pour les plus jeunes d’entre vous, n’est apparu que bien plus tard !
Ils vivaient ainsi et pour rien au monde ils ne se seraient plaints, ils ne se considéraient pas comme des déshérités. Quand on se contente de l’essentiel on peut sans problème toucher du doigt le bonheur.
Sa brave Mariton savait à sa manière le gâter parfois et il lui en était très reconnaissant.
- Giga Marie ! Tu me gastas !
-Dis Marie tu me gâtes ! Ils étaient braves et simples, et pour rien au monde ils n’auraient porté tort à quelqu’un, contrairement à beaucoup de langues de vipères qui sillonnaient le pays en crachant leur venin! Ils vivaient chichement certes mais dignement, et paraissaient très sereins, c’étaient des sages comme l’on n’en rencontre pas beaucoup de nos jours !
La Mariton le régalait parfois d’une belle tête de mouton, c’était la tête de veau du pauvre! On l’utilisait surtout au pays pour la pêche à l’écrevisse dans les ruisseaux aux eaux cristallines!
Ces petits homards d’eau douce d’origine autochtone ont pratiquement disparus aujourd’hui, ils avaient colonisé nos petits cours d’eau où ils pullulaient. Malheureusement ils ont été les premières victimes de la pollution. On utilisait un système ingénieux en forme de balance pour les capturer. L’appât aux odeurs olfactives puissantes à base de viande avariée de moutons les attirait dans l’antre d’une large vasque, il suffisait alors de soulever le piège et le tour était joué !
En ces temps glorieux les mets des riches pouvaient être servis sur la table des misérables. Ainsi la truffe noire, l’écrevisse, le cèpe entre autres venaient-ils s’inviter dans les assiettes creuses des gueux.
Mais revenons à ce jour de festin chez les Bergon! Sa tendre épouse par mesure d’économie n’enlevait pas les yeux de l'animal sacrifié! Les badauds curieux qui tendaient l’oreille pouvaient entendre leur conversation, la porte étant toujours ouverte hiver comme été!
Un agréable courant d’air assainissant parcourait ainsi l’unique pièce avec son cortège de mouches par forte chaleur, et par temps froid cette ingénieuse idée permettait de ne pas enfumer l’entourage !
Alors que ce fastueux dîner avait débuté, notre Bergon s’est adressé à la Mariton et de sa voix de baryton s'est mis à l'interroger sur un détail qui à première vue semblait anodin, mais qui a deuxième vue a fini par l'inquiéter!
»Diga, Marie, los èlhs se manjan ?.- Oc ben, Bergon, tot se manja ! Tot se manjea ! -Dis, Marie, les yeux se mangent ? -Oui, Bergon tout se mange ! Notre pauvre homme qui ne voulait surtout pas contrarier sa Mariton chérie, toujours docile obtempéra sur le champ !
Il faut dire qu’il lui vouait une véritable passion, que dis-je un véritable culte. Dans la vie il avait trois priorités ! « Ça que aimi lo ma, après lo bon Dius e la nostra Marie, aquos és lo tabac !» « Ce que j’aime le mieux après le bon Dieu et notre Marie, c’est le tabac !»
Curieusement il avait oublié les ânes ce jour-là!
La gentille Mariton n’avait pourtant rien d’une beauté, c'était un tas de nerfs qui frôlait le nanisme, en plus elle se tenait voûtée et avait été avantagée par une certaine prédisposition à la pilosité. Bref, on ne s'attend pas à voir autant de traits négatifs sur une aussi petite personne.
Mais vous le savez comme moi l’amour est aveugle, et quand Bergon vous parlait d’elle il la décrivait comme une des sept merveilles du monde. D’ailleurs un jour qu’il était en train d'évoquer des souvenirs de caserne, et qu’il mettait en avant la très belle prestance de son colonel droit dans son uniforme et dont il avait été le planton, il flatta la magnificence de sa perle rare !
Elle était à le croire la plus belle créature que la terre eut portée! Il lui était impossible de la décrire, et de superlatif en superlatif il a fini par lâcher cette image digne du culte inconditionnel qu'il lui portait :
« Agacha ! Réa polida, polida ! Té, tant polida que la nostra Marie »
« Regarde! Elle est belle, belle ! Tiens, aussi belle que notre Marie ».
Il parlait bien entendu de la Sainte Vierge!
Beauté extérieure et intérieure d'une mère vénérée que l'on ne peut en aucun cas mettre en doute!
On raconte que ce culte de la passion amoureuse le poussait carrément à l’héroïsme!
Lorsqu'il revenait d'une cueillette de champignons où la diversité pouvait créer le doute par rapport à la comestibilité, il avait le sens du sacrifice! Il s'affairait à les trier et à les préparer. D'un bon coup de fourchette il les dégustait et en laissait une bonne part pour sa Mariton.
Rassurée, son âme sœur pouvait ainsi manger les restes le lendemain sans arrière-pensée!
Il l’aimait à en mourir !

Voici sa chanson : il avait plusieurs métiers !

Je m’appelle Bergon
je suis un maquignon
quand je vais à la foire
je prends mon bâton,
Quand j’active les cloches,
je n’ai rien d’une cloche!

M'apèli Bergon
Soi un maquinhon
Quand vau a la fièra
Preni mon baston!
Quand activi las campanas
Ai pas res d'una campana! ATTACH=full]39627[/ATTACH]
 

Pièces jointes

Dernière édition:
#3
Du début à la fin
tu nous tiens en l'haleine

Merci à toi pour ce retour aux sources,
bises d'amitiés, poly
Merci Poly
C’est de la littérature ancienne qui n’intéresse pas grand monde.
C’est cependant celle qui me guide!
L’écrivaillon que je suis reste sincère dans ses écrits et je crois que sans cette qualité on ne
peut pas porter haut le niveau de son écriture.
Je connais l’attente des lecteurs d’aujourd’hui, mais je me vois mal dans un mélange de sexe dépravé de science fiction où le surnaturel est une atteinte à l’art sous toutes ses formes!
Les écrivains du 19 ème siècle et de la première moitié du vingtième doivent se retourner dans leur tombe face à cette descente aux enfers de la noble et saine manière de penser en couchant le réel.
On ne doit pas prostituer l’art quel qu’il soit pour du fric, l’âme artistique ne peut le supporter!
Mon amitié Poly
Momo
MLCCACTP
 
Dernière édition:

Polymnie2

Maître Poète
#5
tu es forcé d'amorcer le langage ancien
pour rentrer dans le profond de l'histoire
aller au creuset de l'âme!
c'est le soleil de m'histoire!
Amitiés je t'embrasse