Le rêve d’un curieux (Charles Baudelaire – Les fleurs du mal 1857)
Connais-tu comme moi, la douleur savoureuse,
Et de toi fais-tu dire : « Oh ! L’homme singulier ! »
-J’allais mourir. C’était dans mon âme amoureuse,
Désir mêlé d’horreur, un mal particulier ;
Angoisse et vif espoir, sans humeur factieuse,
Plus allait se vidant le fatal sablier,
Plus ma torture était âpre et délicieuse ;
Tout mon cœur s’arrachait au monde familier.
J’étais comme l’enfant avide du spectacle,
Haïssant le rideau comme on hait un obstacle…
Enfin la vérité froide se révéla :
J’étais mort sans surprise, et la terrible aurore
M’enveloppait. –Eh quoi ! N’est-ce donc que cela ?
La toile était levée et J’attendais encore.
Connais-tu comme moi, la douleur savoureuse,
Et de toi fais-tu dire : « Oh ! L’homme singulier ! »
-J’allais mourir. C’était dans mon âme amoureuse,
Désir mêlé d’horreur, un mal particulier ;
Angoisse et vif espoir, sans humeur factieuse,
Plus allait se vidant le fatal sablier,
Plus ma torture était âpre et délicieuse ;
Tout mon cœur s’arrachait au monde familier.
J’étais comme l’enfant avide du spectacle,
Haïssant le rideau comme on hait un obstacle…
Enfin la vérité froide se révéla :
J’étais mort sans surprise, et la terrible aurore
M’enveloppait. –Eh quoi ! N’est-ce donc que cela ?
La toile était levée et J’attendais encore.