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Albert Spaggiari revisité (1932-1989)

Filiatus

Maître Poète
#1
Albert Spaggiari est un type
Un peu comme Robin des Bois
Qui a des valeurs, des principes
Mais aux pauvres, ne donne pas

Albert Spaggiari a du charme
Un peu comme Arsène Lupin
Qui cambriolait sans une arme
Mais lui prend tout, ne laisse rien

Albert Spaggiari est sans gêne
Un peu comme l'était Mandrin
Qui détroussait sans joie, sans haine
Mais lui dépense son butin

Contrairement aux apparences
Albert n'est pas un Italien
Il est né sur le sol de France
Là-haut dans le pays alpin

Ses parents, Richard et Marcelle
Sont de petits entrepreneurs
Qui couvent leur fils avec zèle
Jusqu'à ce que le père meurt

Le pauvre Albert, encore gosse
Avec sa mère à bout de nerfs
Pour oublier ce drame atroce
Émigrent vers le bord de mer

Elle ouvre à Hyères, dans le Var
Un commerce de lingerie
Et après dix ans sans histoire
Albert fugue sans un bruit

Pendant un an, il vit de pêche
De fauche, et de petits délits
Mais aussi d'amour et d'eau fraîche
Bref, il s'initie à la vie

À dix-sept ans, Albert s'engage
Dans un bataillon de paras
Et part où la guerre fait rage
Il y est blessé par deux fois

C'est aussi là-bas qu'il débute
Dans sa carrière de truand
Détroussant de manière brute
Des dizaines d'honnêtes gens

Il est renvoyé d'Indochine
Et après deux ans de prison
Il retrouve la discipline
Et la chaleur de sa maison

À vingt-sept ans, il se marie
Avec Audi, une infirmière
Mais vient la guerre d'Algérie
Et ça le met très en colère

Il milite pour l'O.A.S.
Et se ramasse quatre ans fermes
Aussi, dans sa grande détresse
Une idée lumineuse germe

À peine libre, Albert s'installe
Dans l'arrière-pays niçois
Car la Société Générale
De Nice est sa nouvelle proie

Sous la banque passe un cours d'eau
Qu'emprunte Albert et son escorte
Tandis que d'autres sont en haut
Camouflés dans la chambre-forte

Pendant que l'on perce les coffres
Et un gros trou dans le plancher
Albert s'éclipse en ville et s'offre
Un copieux petit déjeuner

Au matin du dix-huit juillet
Après quatre jours de congés
Les habitants restent muets
Devant l'agence fracturée

Cinquante millions de francs manquent
Plus de trente millions d'euros
C'est un coup dur pour cette banque
La presse a trouvé un héros

Spaggiari s'enfuit aux U.S.
Mais en mal de reconnaissance
De sa véritable prouesse
Il commet quelques imprudences

À la radio, il se présente
Sous une fausse identité
Et, prétentieusement se vante
D'être le "Cerveau" recherché

Lors, les autorités françaises
Qui captent l'onde nuit et jour
Reconnaissent Albert à l'aise
Et l'arrêtent dès son retour

Lorsque chez le juge, il pénètre
Albert lui remet une lettre
Puis il enjambe la fenêtre
Et saute de presque sept mètres

Un motocycliste l'emporte
Avec un timing si précis
Que d'emblée la rumeur colporte
Le nom de Christian Estrosi

Pour ordonner telle débauche
D'argent et de copains-coquins
Aussitôt la presse de gauche
Soupçonne Jacques Médecin

Spaggiari, quant à lui, se cache
Sous de faux papiers, au Brésil
Il a la barbe, la moustache
Et coule des années tranquilles

Il va jusqu'à écrire un livre
Qui fait un tabac à Paris
Puis, ressentant le mal de vivre
Il retourne en douce au pays

Avec une fille, il s'installe
Dans un HLM à Puteaux
Et offre à la presse à scandales
De sa planque, quelques photos

La police narguée, enrage
Et renforce ses enquêteurs
Car Spaggiari donne l'image
D'un "gentleman cambrioleur"

En quatre-vingt-trois, à Madrid
À la télé, il philosophe
Puis donne une interview rapide
Dans l'émission culte : "Apostrophes"

L'an suivant, toujours en cavale
Il voit ses amis écroués
Dans la foulée, le tribunal
Le condamne à perpétuité

Lassée de ses fanfaronnades
La presse le laisse tomber
D'ailleurs Spaggiari est malade
Un cancer est diagnostiqué

Il meurt en juin quatre-vingt-neuf
Âgé de cinquante-six ans
Soulagé de ce que les "keufs"
Ne l'auront jamais eu vivant